Retraites 1884

      


QUATRIÈME INSTRUCTION
La foi au Directoire

Il faut continuer votre examen, rechercher vos fautes, vos infidélités; mais ne pas vous borner à cela, rechercher aussi la cause, le mobile de ces fautes: amour-propre, tempérament.  Il est plus facile de lutter, de prévenir, quand on sait d’où vient le mal. Nous l’avons vu à  l’œuvre que nous avions à accomplir. Quels moyens employer? Nous n'en avons qu'un, c'est le Directoire, ce petit livre qui paraît si peu de chose et qui est si peu compris. “Pourquoi, demandait-on à la bonne Mère Marie de Sales, ne trouvons-nous pas auprès de nos confesseurs et de nos Supérieurs ce que nous trouvons auprès de vous, auprès de la Supérieure?”  — “C’est, répondait-elle, que nos confesseurs, quelque saints et savants qu'ils soient, ne pratiquent pas le Directoire. Ils l'ont lu, ils l’ont peut-être en grande estime, mais ils ne le font pas". Mais le Directoire est trop minutieux, trop étroit, il est bon pour les femmes! Oui, il est bon pour les femmes et pour les hommes aussi. Le Directoire a été pratiqué par saint François de Sales, qui l'a suivi toute sa vie. Grâce à ce Directoire, il est arrivé à un haut degré d'union à Dieu et de sainteté. Comprenez bien ce que doit être le Directoire pour nous. Il doit prendre et saisir toute notre vie, nos jours et nos nuits, et toutes nos actions. Les Ordres pénitents, les Carmélites ont de grandes austérités; elles macèrent leur corps, mais elles n'ont pas, disent-elles, un bandeau sur le front comme les Visitandines, et elles ont une plus grande liberté de pensées et d'actions. Les Trappistes, à la vie austère, ont une bien plus grande liberté que celle qui nous est laissée par notre Directoire qui, lui, prend tout. Prendre la pensée du Directoire, qu'est-ce donc? C'est prendre Jésus-Christ avec soi, prendre sa pensée, son amour, le faire agir en notre place. C’est mourir à nous-mêmes, ne jamais nous complaire en nous, à l’exemple du Sauveur: “Le Christ n’a pas cherché ce qui lui plaisait” (Rm 15:3). C'est faire un acte d'amour, un acte de charité parfaite, et faire toutes ses actions, consumer sa vie toute entière en un acte de charité parfaite. Voilà ce qu'est le Directoire. C’est la sainteté la plus grande, c'est la sanctification la plus efficace de l'âme mourant à la nature, ne vivant plus que pour Dieu, et dans l'amour parfait de Dieu. C'est la loi de Dieu, c'est l’Evangile, c’est toute la Religion et la sainteté.

Pratiquons bien le Directoire. “Ceux qui seront fidèles à la Voie, disait la Mère Marie de Sales, ceux-là occuperont des demeures inconnues dans le cœur de Dieu”. Je lis dans l'Apocalypse que l'âme fidèle vient tendre la main après le combat, et reçoit un “caillou blanc” sur lequelle est écrit un nom nouveau, le nom de ce que Dieu est pour elle, sa récompense, son état définitif. Ce sera pour l'âme fidèle au Directoire un caillou blanc “portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hors celui qui le reçoit” (Ap 2:17).

Est-il bien difficile d'être saint avec le Directoire? Non! Observons-le avec toute notre bonne volonté. Le curé d'Ars, qui était un si grand saint, était-il doué d'un esprit et d’un caractère extraordinaires? On l'avait jugé au séminaire comme un sujet très médiocre. Nous voyons qu'il était d'un caractère assez indécis: il déserte l'état militaire, il abandonne sa paroisse. Mais le curé d'Ars avait, lui, son Directoire auquel il s'était attaché de toute son âme; c’était une présence de Dieu et une union à Dieu continuelles. Avons-nous la foi, avons-nous l'amour de Dieu d'un curé d'Ars ? Tâchons de nous attacher nous aussi à notre Directoire. Cette foi que nous aurons en notre Directoire rendra notre âme capable des plus grandes choses. Vous connaissez l'aimant: c'est un exemple que la bonne Mère n’a jamais donné, parce qu'elle ne connaissait pas la physique, mais qui est bien selon sa pensée. Prenez un aimant de la force de cent kilos. Quand il supportera son poids, ajoutez, grain par grain, de la grenaille; ajoutez toujours. Si vous opérez doucement, vous arriverez, sans qu'il se détache, à doubler le poids, à le tripler, à le rendre cinq et six fois plus lourd. Pourquoi? Parce que vous avez été doucement, petit à petit, grain par grain. Votre volonté n'est pas forte, sans doute: mettez-la aussi complète que possible, puis ajoutez, ajoutez petit à petit, grain par grain, et vous arriverez à des résultats énormes. Allez doucement, mais allez de tout cœur.