Retraites 1884

      


CINQUIÈME INSTRUCTION
L’amour du Directoire

Encouragez-vous au milieu des peines et des souffrances de la retraite. La retraite s'accomplit souvent dans la souffrance: c’est la marche des Israélites dans le désert avant d'atteindre la terre promise. La retraite est un temps de crise, et qui dit crise dit souffrance, effort. Je vous ai parlé de la foi que vous deviez avoir au Directoire; c'est l'Evangile, c'est la Religion et la sanctification, c'est un acte, c'est une série d'actes et une vie tout entière de charité parfaite, d'amour de Dieu. La foi ne suffit pas, il faut l'amour. Il y a deux sortes d'amour: l'amour affectif et l'amour effectif. Si Dieu vous donne l'amour affectif, s'il sème quelques fleurs sur le commencement de votre vie religieuse, recueillez-les avec reconnaissance. Il ne faut rien négliger ni mépriser. Mais plus tard viendront la peine et les difficultés. C'est là notre part, notre croix, notre vocation. Alors, l'amour du Directoire ne sera guère qu'effectif, c'est-à-dire dans notre volonté, sans goût, sans attrait, sans consolation. Appliquez-vous à votre Directoire, à ce renoncement de tous les instants: “Le Christ n’a pas recherché ce qui lui plaisait” (Rm 15:3). C'est là notre vie à nous aussi. Ne négligeons rien, si petit que cela nous paraisse. A l'oraison, nous pourrions prendre une posture plus commode, restons à genoux. Au réfectoire, si quelque chose ne nous plaît pas, gardons-nous bien d’agir selon notre goût ou de le témoigner. Voilà les petits renoncements qui prouveront notre amour du Directoire et qui nous feront devenir vraiment religieux.

Cet amour du Directoire se traduira jusque dans notre extérieur, dans notre démarche, dans notre façon d'agir. Vous connaissez l'histoire de l'évêque de Belley. Il avait percé un trou dans la cloison et regardait comment se comportait saint François de Sales. Seul, il gardait la même posture, se surveillait comme si plusieurs milliers de personnes avaient les yeux fixés sur lui. Gardons-nous bien, mes chers amis, dans notre petitesse: pas de vues humaines. Nous ne lisons pas de journaux, nous ne faisons pas de politique. Nous laissons les morts enterrer leurs morts et les aveugles conduire les aveugles. Laissons agir Dieu en nous et par nous et nous ferons bien plus qu'en agissant humainement.