Retraites 1883

      


SEPTIÈME INSTRUCTION
La confession

Voyons aujourd'hui Jésus au confessionnal. Dans ces entretiens que Jésus a eus avec quelques âmes, il est plein d'abandon, il se livre à des confidences intimes. Ces âmes, auxquelles il témoigne le plus grand respect, il les pénètre, il leur dit ce qui leur convient; il met le doigt sur la plaie et donne le remède. Jésus et le docteur de la Loi: Nicodème vient de nuit propter metum Judaeorum — il a peur des Juifs —  et Jésus lui parle des grandes choses de la renaissance de l'âme. Il était juge en Israël, et Jésus lui parle du jugement de Dieu. Dieu ne juge personne. Il “n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui” (Jn 3:17-18).

Jésus et Pierre: “Pierre, m’aimes-tu? M’aimes-tu plus que ceux-ci?” (Jn 21:15 ). “Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux” (Mt 16:19). Jésus et la Samaritaine: C'était une femme de mauvaise conduite, de race méprisée et en outre une femme sans instruction, ignorant la voie droite, une protestante. Jésus lui parle avec respect; il la prend par où il peut avoir accès dans son âme. Il lui demande à boire: “Donne-moi à boire” (Jn 4:7). Puis il lui dit: "Si tu connaissais le don de Dieu et quel est celui qui te dit «Donne-moi à boire» , peut-être lui aurais-tu fait toi-même cette demande, et il t'aurait donné de l'eau vive, de l'eau qui jaillit éternellement” (Jn 4:10). Il pique sa curiosité; puis, quand il a saisi son attention, graduellement il l'instruit des plus hauts mystères et la convertit.

Jésus et la Cananéenne: c'était une femme d'un certain âge, nous disent les premiers Pères. Elle avait une chienne avec elle, et elle poursuivait le Sauveur de ses cris. “Seigneur, n'entendez-vous pas les cris de cette femme?” disaient les Apôtres. Le Seigneur l'entend enfin, il se retourne, et la prenant gracieusement par l'affection qu'elle avait à sa chienne: “Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens”. (Mt 15:26). Cette femme avait de l’esprit: “Non, Seigneur, répondit-elle, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres”. (Mc 7:28). Le Sauveur avait saisi cette âme par le fil qu'elle lui tendait; il lui fit faire cet acte sublime de foi qu'il loua lui-même. Il faut donc dans le confesseur un grand respect des âmes, un grand détachement de soi, une grande attention à les saisir par le côté qu'elles nous présentent. N'éteignez pas la mèche fumante, n'achevez pas le roseau à demi-brisé. Préparons ce que nous avons à dire au confessionnal: ce n'est pas du temps perdu que ce temps-là.

Saint Liguori, c'est lui-même qui nous le dit, tenait en main son crucifix au confessionnal et il regardait les plaies du Sauveur, et il écoutait ce qu'elles lui disaient pour chaque âme. Il faut employer les moyens humains, sans doute, mais il faut s’attacher surtout aux moyens surnaturels, à la prière, la prière pour les âmes. Un jeune homme vient au Sauveur: “Bon Maître, que faut-il que je fasse pour acquérir la vie éternelle?” (Mt 10:7) — “Vous connaissez les commandements: Père et mère honoreras; adorez le Seigneur; ne commettez pas de crimes; ne faites point de tort au prochain”— “Seigneur, toutes ces choses, je les ai observées depuis mon enfance” — “Une seule chose vous manque. Allez, vendez tout ce que vous avez, donnez-le aux pauvres , puis venez vous mettre à ma suite”. Et le jeune homme n'eut pas le courage, il se retira. (Mc 10:21; Mt 19:16; Lc 18:18 ). Croyez-vous que le Seigneur en resta là, et qu'il ne pria pas longuement et ardemment pour ce pauvre jeune homme? En douter serait douter du cœur de Jésus et de son amour pour les âmes.

Saint Philippe de Néri vit un jour un grand seigneur s’agenouiller à ses pieds. C'était un grand pécheur. Et le saint ne trouvant pas ses dispositions suffisantes le renvoya doucement sans l'absoudre et sans lui dire de revenir. Quelque temps après, cet homme rencontre le saint: “Mais vous ne me dites pas de revenir?” Le saint ne répondit rien. Peu de jours après, cet homme vint de lui-même se confesser. “Pourquoi ne m'avez-vous rien dit?” — “Je n'avais pas votre âme; je l'ai maintenant”. Il avait prié, il avait gagné cette âme par ses prières.

N'abandonnons pas les âmes de nos pénitents; prenons-les, gagnons-les. Ce que vous devez faire pour toutes les âmes, faites-le surtout pour les âmes des enfants; elles en ont plus besoin. Les âmes plus âgées ont pris leur pli. L'enfant, c'est une fleur qui s'entrouvre: le moindre rayon de soleil trop chaud, le moindre souffle trop âcre, le froid vont la flétrir. Si vous savez donner vos soins à ces âmes d'enfants, si vous savez les aimer non d'une bonté féminine, mais développer en eux les vertus, en arracher les vices, quelle belle œuvre n'aurez-vous pas faite? Et plus tard, ces enfants garderont un bon souvenir de vos soins; ils auront compris votre affection pour eux; ils sentiront bien qu'elle ne vient pas de la sensualité, mais de la véritable charité. Passez par-dessus leur étourderie, fermez les yeux sur ce qui n'est pas péché.

J'entendais un jour Mgr de Ségur, dans une instruction de carême aux Religieuses du Second Monastère de la Visitation de Paris. Il leur parlait des soins à donner aux âmes des enfants qu’elles élèvent et il commentait ces paroles de l’Evangile: “Observez les lis des champs, comme ils poussent” (Mt 6:28). Considérez les lis, les âmes des enfants, comment elles croissent et se développent: considérez-les. C'est la seule page de l'Evangile où nous trouvions ce mot employé: considérez, mettez-y toute votre attention, votre sollicitude. Et vous aussi, “observez les lis des champs”, mettez tous vos soins, toute votre sollicitude à considérer comment croissent les âmes de vos enfants. Tâchez de saisir le souffle divin quand il passe sur cette âme. Prenez cette âme par le saisissable. Favorisez l’action de la grâce en elle: voilà toute l’éducation, voilà le premier et le dernier mot de toute la science de la direction.