Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Comment bien profiter des vacances

Chapitre du 28 juillet 1897

La présence du P. Rollin nous est très utile, car nous allons constituer le noviciat, et le P. Rollin, sans se fatiguer, fera de temps à autre une petite instruction aux novices, sur la manière à prendre pour être de bons novices et pour entrer bien dans les coutumes et l'esprit de la Congrégation. Ce n'est pas facile de prendre l'esprit de la Congrégation. Il faut que celui qui sera chargé du noviciat sache qu'on a confié le noviciat non pas à lui, mais à la Règle, à l'esprit de la Congrégation et de la bonne Mère. La communauté ne peut se décharger sur lui de la sollicitude des novices qu'à cette condition. Il faut que le maître des novices fasse abstraction de ses remarques particulières, de ses sentiments personnels pour entrer dans la pensée de la bonne Mère et celle de saint François de Sales. Il aura pour le diriger au commencement le P. Rollin qui est bien pénétré de l'esprit de la bonne Mère; il exécutera ponctuellement ce que le P. Rollin lui dira. J'insiste pour que le maître des novices nommé prenne auprès du P. Rollin tout ce qui est nécessaire pour sa conduite et entre entièrement et absolument dans l'esprit de la Congrégation. En dehors de là, il ne pourrait remplir la charge de maître des novices.

Pour les profès, ceux qui sont au collège s'astreindront parfaitement à l'oraison du matin, à la sainte messe, à la visite au saint sacrement, aux heures des repas, à l'exercice du soir. Je n'impose pas d'autres exercices pendant les vacances. Je crois qu'il ne serait pas humain d'exiger pendant les vacances autre chose, l'assistance à l'office, etc... Comme ce sont des mesures d'ordre général, je consulte tout le monde. [Notre Père consulte chacun du regard.]

On se conformera, donc à cet ordre. On ne sortira pas en ville ou pour aller en promenade sans demander la permission au P. Rolland, ou quand il sera absent au P. Lambert, qui restera encore ici pendant les vacances. Il veillera à l'observation du règlement, donnera les permissions. [Les novices entrent.]

Pendant la retraite, je pense prier le P. Pernin de faire quelques conférences, nous donnant ses appréciations sur le genre de ministère que nous avons à remplir à l'extérieur, tant à l'égard des gens du monde que des communautés. Je répète ce que j'ai dit hier à la messe de la Visitation, et ce que me disait l'orateur, le jour de la distribution des prix. La religion catholique se soutiendra sans doute par elle-même. L'Eglise a commencé au Calvaire, où il n'y avait que quatre personnes, et quand le nombre des ministres de l'Eglise et de ses disciples irait encore diminuant, ce serait encore l'Eglise. Mais notre devoir est de prendre les moyens humains pour que l'Eglise s'implante et s'agrandisse.

Le grand moyen est de s'appuyer sur les peuples vivants, actifs, travailleurs. Voyez l'Angleterre. C'est la grande puissance.  Si elle avait été catholique, les deux-tiers du monde l'auraient été avec elle. La Suède, la Norvège, le Danemark, ce sont des puissances qui commencent à prendre leur place au grand jour. Les santés y sont fortes, robustes. Ce sont des hommes du Nord, et c'est le Nord qui a vaincu la terre. On aurait par là une mission, que ce serait excellent. En Angleterre aussi ... Les Anglais que l'on convertira seront des hommes pratiques, solides, et qui pourraient, là où ils seraient, avoir une influence plus grande que n'importe qui.  

Il faut donc prendre son point d'appui sur les peuples vivants. M. Klein me disait que ce qu'il faut envoyer là‑bas, ce ne sont pas des prédicateurs, des hommes qui passent, mais des hommes comme vous, me disait‑il, qui ont une doctrine, qui s'implantent, qui demeurent et restent fermes. C'est vous, Oblats, avec votre esprit, qui pouvez réaliser cela. Son discours était très beau, rempli d'une philosophie admirable.

Il faut faire comprendre et dire aux gens ce qu'ils peuvent comprendre; il faut les faire marcher dans la voie où ils ont déjà un pied. Il faut être des théologiens pratiques, qui savent se mettre en face des gens à qui ils ont à parler, et qui savent parler à des gens qui ont de la vie et de l'énergie.

Un mot pour les vacances. Prenons bien nos vacances en ayant deux ou trois barrières par‑dessus lesquelles nous ne passerons pas. Profitons de ce temps de liberté pour pratiquer entièrement notre Directoire. Si vous saviez ce que c'est que d'entrer dans la pratique exacte et fidèle du Directoire, comme cela vous rend libres, indépendants. La fable raconte que chaque fois qu'Antée, dans sa lutte avec Hercule, touchait terre, il devenait plus fort. Toutes les fois qu'on touche à Dieu par le Directoire, on se revêt de force. Pratiquez‑le bien. Cela fera de vous des hommes extrêmement forts, généreux, heureux. Toute tâche deviendra plus légère.

Pendant les vacances il faut se délasser, c'est vrai, mais il faut aussi faire quelque chose. Que tous les professeurs qui vont être désignés, commencent à préparer leurs classes. Pourquoi ne pas préparer sa classe? Cette préparation que vous aurez écrite, vous sera très utile. Au moment de faire la classe, vous retrouverez cela. Vous relirez votre préparation, de nouvelles idées vous arriveront, et en classe vous intéresserez vos élèves, vous les attacherez à votre parole, ils garderont ce que vous leur aurez dit. L'enseignement ne doit pas être quelque chose de brutal. Il faut pouvoir, sur une question quelconque, histoire, géographie, littérature, arithmétique, grammaire etc. donner quelque remarque intéressante, une étymologie, une idée, rattacher là un trait, une anecdote, une comparaison. Tout le monde alors écoute avec intérêt et cela reste dans la mémoire.

Au petit séminaire, M. l'abbé Josse, qui nous a suivis comme professeur depuis la sixième jusqu'à la rhétorique, savait dès la sixième et la cinquième nous intéresser extrêmement. On avait une version, par exemple. Il prenait un de nos devoirs, lisait cette version, en faisait valoir les expressions, louait, blâmait, corrigeait devant tout le monde, et mêlait tout le monde à la correction. Tous écoutaient attentivement, parce que tous étaient intéressés. Qu'est-il arrivé? C'est que, sur une classe de 16 élèves, 15 sont arrivés à être d'excellents prêtres. L'autre, le 16e, est ministre plénipotentiaire. La classe qui nous précédait, au contraire, et qui renfermait des sujets qui nous étaient certainement supérieurs quant à l'intelligence et au talent, n'a donné que deux ou trois prêtres. Cela a tenu surtout aux professeurs. Il faut que pendant les vacances, chacun de nous prépare sa classe. On fera avec cela son Directoire. Par‑dessus, on fera de temps à autre quelques belles et bonnes promenades. Si vous avez du goût pour telle ou telle lecture, telle ou telle étude, vous vous y adonnerez. Vous aurez ainsi une vie heureuse pour l'intelligence, le cœur, la foi. Entrons dans cette vie à la fois heureuse et sérieuse, et parfaitement religieuse.

J'ai le désir de défendre absolument de fumer. Des messieurs, des dames me disent: “Vos jeunes Oblats sont de fameux fumeurs. Il y a tel ou tel professeur en particulier”. Dans les pays où l'usage de fumer est reçu, il est peut‑être difficile de s'en abstenir complètement. Mais ici, il faut s'en abstenir. Autrement, d'ici à quelque temps, nous fumerions tous, et on cultiverait ici le petit caporal tout comme à la caserne. Cela coûtera à quelques‑uns, je le sais. C'est une mortification à faire et à offrir au bon Dieu.