Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

L’empreinte divine sur notre fondation et un mot sur les vacances

Chapitre du 21 juillet 1897

[Notre Père communique une lettre du Postulateur de la Cause de la bonne Mère, par laquelle il annonce que le 27 juillet il y aura à Rome une réunion à la Sainte Congrégation des Rites, pour décider si la bonne Mère Marie de Sales doit être déclarée vénérable, et si sa cause doit être définitivement introduite. La réunion devant avoir lieu de 8 h. à midi, le postulateur demande qu'à cette heure‑là des prières soient faites dans tous les lieux où l'on s'intéresse à la cause de la bonne Mère.]

Je recommande bien cette intention à vos prières. Cela a de grandes conséquences pour nous. Car la canonisation de la bonne Mère, c'est la confirmation de nos Constitutions, c'est la confirmation officielle, faite par la sainte Eglise, de la congrégation des Oblats et de celle des Oblates. Il faut bien nous persuader, mes amis, que notre Institut, c'est quelque chose. Je ne vois pas dans 1'histoire de l'Eglise, que Notre‑Seigneur soit apparu bien souvent aux fondateurs d'ordres, comme il a bien voulu le faire pour votre fondateur. Je ne vois pas beaucoup de Papes ayant dit: “Je vous envoie.  Tout ce que vous faites et voulez faire, c'est la volonté de Dieu. Que désirez‑vous? L'approbation de la sainte Eglise? Moi, le Pape, je vous la donne; et qui plus est, je vous envoie. Tous ceux qui travaillent avec vous sont sûrs de faire personnellement la volonté de Dieu”.

Je suis obligé de rappeler ces choses. Les Oblats de saint François de Sales n'ont pas une origine qui ressemble à toute autre. Y a‑t‑il beaucoup de missions qui aient été marquées d'un sceau divin aussi visible, aussi certain, aussi authentique? Il faut correspondre à de pareilles grâces, mes amis, il ne faut pas être des religieux vaille que vaille. Si nous sommes tant soit peu sérieux, nous comprendrons ces choses‑là. Je vois, je le répète, peu de fondations marquées plus manifestement de l'empreinte divine. Le peu qui a déjà été fait jusqu'ici en est la preuve.

Je reçois du P. Lebeau de grandes lettres dans lesquelles il me dit qu'il est en rapport avec des personnages importants qui tous lui disent qu'il y a dans la doctrine de saint François de Sales quelque chose qui attire et gagne les âmes à Dieu. C'est un grand événement dans l'Eglise que la diffusion de cette doctrine. Mgr de Ségur avait dit de la bonne Mère Marie de Sales que de pareilles âmes ne se voyaient pas tous les cent ans, mais tous les mille ans. Nous avons des témoignages surnaturels de la volonté de Dieu Il faut nous y mettre de tout notre cœur.

Indépendamment des Constitutions et du Directoire, il y a encore les décisions du chapitre général qui ont pour nous force de loi. Chez nous, comme dans les congrégations religieuses, les Constitutions ne peuvent entrer dans tous les détails et prévoir les nécessités imposées par les circonstances de temps et de lieu. Les décisions d'un chapitre général ont force de loi jusqu'au chapitre général suivant, qui peut les renouveler ou les laisser tomber.

[Notre Père fait lire deux articles du chapitre général de Saint-Bernard, 1894, touchant le règlement à observer chaque jour, et les voyages pendant les vacances.]

Voilà un règlement bien détaillé, et nous avons tous grand besoin de le bien observer. Nous avons un peu la réputation d'être bien souvent en voyage, et quelques‑uns, paraît-il,  ne sont pas toujours très prudents dans leurs relations avec les personnes du dehors. Que de fois j'ai entendu dire: “Mais enfin, vos religieux sont constamment en dehors de votre communauté. Ils voyagent sans cesse. Regardez les Jésuites. Aucun ordre religieux ne donne des permissions comme celles que vous donnez”.

Faites attention, mes amis. Tout le monde n'est pas bienveillant pour nous. On est porté à juger mal un religieux qui prolonge son séjour en dehors de sa communauté. Et puis retenez bien une chose. Quand on va chez son père, sa mère, on est reçu avec plaisir, c'est vrai. Chez un frère, une sœur, encore. Mais quand on va ailleurs, ce n'est pas toujours la même chose. Plusieurs fois, il m'est parvenu, au sujet des voyages de tel ou tel et de ses séjours dans des familles ou chez des amis — séjours qu'on avait trouvés trop prolongés — des avis indirects, des mots détournés: “S'il pouvait ne pas venir cette année, ou ne pas rester longtemps”. Votre présence est une charge, surtout chez des ecclésiastiques, une charge presque intolérable. C'est un surcroît de travail pour les serviteurs, c'est un dérangement complet dans les habitudes de votre hôte. Il faut avoir peur de gêner les autres.

On est là, on a un motif louable; il faut encore prendre garde de ne pas dire toute espèce de choses qui peuvent compromettre plus ou moins votre honneur sacerdotal ou religieux. Voyez les Jésuites. Remarquez l'extrême prudence avec laquelle ils se conduisent. Ils gardent souvent un silence très prudent. Ils ne se mêlent pas indifféremment à toutes les questions, ils ne blessent personne, ils ne s'occupent pas de ce qui ne les regarde pas.

Tel curé qui vous aura fait bonne mine par devant écrira après: “Il y a tel ou tel Père qui est tout à fait imprudent, il a dit ceci ou cela”. Quand on est jeune surtout, on se fait facilement illusion. Vous verrez, quand vous aurez acquis de l'âge, quand vous aurez fréquenté un peu le monde ecclésiastique, vous direz alors: “Notre Père avait raison!” Il y a longtemps, mes amis, que j'ai expérimenté ces choses‑là. Je voyais, même au séminaire, quelquefois on allait se visiter les uns les autres pendant les vacances. Quoique les familles fussent très bien disposées, je constatais combien c'était chose délicate. C'est une charge. Cela gêne parfois beaucoup.

Il faut craindre de gêner, je le répète, surtout si l'on n'a pas de motifs très intimes et particuliers. Les personnes que vous allez visiter pourront vous dire toute espèce de belles choses sur la peine que vous leur feriez en les quittant si tôt. N'en croyez rien! Je vous en donne ma parole. Sur vingt visites de ce genre, il n'y en a pas deux qui seront agréables aux personnes qui les subissent. Sur vingt personnes qui viennent s'installer chez un hôte bénévole, dix‑huit lui feraient un bien plus grand plaisir en n'allant pas le voir. Il faut comprendre cela, et ne pas s'exposer à gêner le prochain. Jamais on n'est si bien que chez soi pour passer ses vacances, à part de rares exceptions.

Je ne dis pas, remarquez bien, que quelques‑uns n'aient pas besoin de changer d'air. On se fatigue quand on est dans le même milieu, de voir incessamment les mêmes murs et les mêmes figures. Je sais cela mieux que personne. Pendant les vacances, quand c'est nécessaire, on pourrait demander la permission d'aller se reposer dans une autre maison de la Congrégation; on y trouverait le repos, la liberté, une cordialité franche. Mais, croyez‑moi, chez vous, vous serez toujours mieux qu'ailleurs.

Nous nous rapprocherons du bon Dieu, en cette fin d'année scolaire. Chacun de nous se recueillera devant lui, voyant ce qu'il a à se reprocher, ce qu'il a pu perdre ou gagner, prenant de bonnes résolutions pour les vacances. Si vous me croyez, je vous dirai ce que je pense. Toute ma vie, j'ai fait l'expérience que le temps le plus sanctifiant pour nous, c'est le temps des vacances. Et quand les vacances se passent ainsi, c'est encore le temps le plus heureux. Ce que j'ai fait volontairement et volontiers, qu'il vous soit agréable, Seigneur, à vous et à moi (Cf. Ps 119:108). Ne soyons pas comme l'étourneau qui va de droite et de gauche sans savoir où s'arrêter. Que nos vacances nous apportent le repos du cœur.

Encore une fois je suis loin de dire que quelques-uns n'aient pas besoin de changer de milieu extérieur et de se reposer, mais qu'on reste bien religieux. Sanctifiez vos vacances, employez‑les bien, préparez vos classes. La préparation de ses classes est un travail intéressant. Aimez cette préparation faite dans le calme. Elle apporte une jouissance, une paix, un bonheur incomparables. Profitez bien de tout ce que je vous dis, mes amis; gardez mes enseignements. Ils vous deviendront lumineux et vous porteront au bon Dieu.

Il faut que notre doctrine et nos principes soient basés sur la théologie la plus approuvée dans la sainte Eglise, il faut que le fonds de notre doctrine soit la théologie de saint Thomas. Sur cette base, nous plaçons les enseignements de saint François de Sales, ceux de la bonne Mère Marie de Sales. Ajoutez‑y les enseignements des chapitres et instructions que je vous fais. Avec cela vous avez un fonds complet, entier. Nous avons de quoi faire des religieux, de saints religieux. Entrons dans cette voie. Et que tous les prêtres demandent bien à la sainte messe de comprendre ces choses, et que ceux qui ne sont pas prêtres fassent la sainte communion à cette intention.