Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Le sacrement de la confession

Chapitre du 11 mai 1892

Revenons encore sur la manière de bien administrer le sacrement de pénitence. Notre saint Fondateur recommande la charité envers les pénitents, la douceur à l'égard des âmes pécheresses. Il recommande d'avoir aussi la prudence d'un médecin. Cette prudence regarde deux choses: les interrogations à faire, les conseils à donner. Les interrogations doivent être faites avec une extrême circonspection. Tous les théologiens enseignent qu'une loi ignorée de bonne foi n'oblige pas. Quand un pénitent est dans la bonne foi et qu'on est moralement sûr qu'en l’éclairant davantage on n'obtiendra pas l'obéissance à la loi, mais qu'on ne fera qu'éloigner des sacrements, on se trouve alors en face d'une question délicate et qui réclame des prières et de la prudence. Et dans ce cas, si l'on n'est pas obligé, si l'on n'est pas mis positivement en demeure d'interroger, il ne faut pas le faire ou il faut le faire d'une façon générale.

Je sais bien que, ces temps derniers, Rome questionnée sur ce point, à savoir s'il fallait poser ou omettre certaines interrogations, a répondu qu'il fallait interroger. A Rome on a répondu comme on devait répondre. Mais la réponse de Rome n'enlève rien au principe théologique de prudence et de sagesse que je viens de citer. Un certain nombre de jeunes ecclésiastiques, s'appuyant sur cette réponse qu'il faut interroger, croient qu'il faille interroger à tout propos et sans tenir compte de la bonne foi et des conséquences d'une lumière intempestive. La réponse de Rome ne change en rien les principes et les manières de faire antérieures. On demande à Rome: “Faut‑il questionner?” Rome répond: “Il faut questionner”. Il est clair qu'un confesseur qui prendrait pour règle de conduite de ne jamais questionner sur certains sujets, alors même que le pénitent va au‑devant de cette question, alors même que le confesseur sait ou soupçonne qu'il y a là une faute dont il peut espérer la correction, ce confesseur-là, même avant la réponse de Rome, aurait très mal agi.

On aurait demandé à Rome: “Faut‑il obliger le voleur à restituer?”, Rome aurait répondu: “Il faut l'obliger”. On aurait demandé: “Une personne est dans l'occasion prochaine de pécher, que faut‑il faire?” Rome aurait répondu: “Il faut faire cesser l'occasion”. Cette réponse est pour les prêtres imprudents qui avaient pour principe de ne jamais interroger sur certaines matières. Il faut interroger quand il faut et comme il faut, et ne pas interroger quand il ne faut pas. Les principes de l'Eglise n'ont pas varié. Le cardinal Gousset, que je voyais bien souvent, au moins une fois par an, avec qui j'aimais à parler théologie, était tout à fait de ce sentiment et me le répétait souvent. Un jour même il me dit à ce sujet: “Ce que je vous dis là, je ne vous le dis pas seulement comme théologien, mais je vous le dis comme cardinal de la sainte Eglise: c'est le sentiment du Pape et de l'Eglise. Quand il y a lieu de penser que le pénitent est dans la bonne foi, dans une bonne foi qui le garantit au moins du péché mortel et qu'on a des raisons de craindre qu'une interrogation précise lui fasse faire un péché formel et grave de désobéissance, ne l'interrogez pas ou interrogez-le d'une façon plus générale”.

Il faut tenir pour la loi, c'est certain. Si un pénitent vous questionne au sujet d'une obligation, d'une loi, vous ne pouvez pas lui dire qu'elle n'existe pas. Mais s'il ne vous questionne pas, s'il ignore l'existence ou la gravité de cette obligation, pourquoi charger imprudemment ses épaules d'un poids qu'il ne supportera pas: “Une loi douteuse n’oblige pas”. [“Lex dubia non obligat”]. A plus forte raison: “Une loi qu’on ignore” [“Lex ignota”]. Ayez donc une extrême réserve dans les questions que vous faites, surtout par rapport au sixième commandement, surtout avec des pénitents éclairés. Vous arriveriez souvent, peut‑être, à les placer dans un état de péché grave formel, de révolte peut‑être contre les sacrements et la doctrine de l'Eglise, au lieu de les ramener. Patientez. Dieu patiente bien. Plus tard, en vous efforçant de les amener à une vie plus sérieusement chrétienne, en allant avec eux lentement, prudemment, priant Dieu beaucoup, vous y arriverez plus doucement et plus sûrement. Dieu éclairera et il donnera en même temps la force d'obéir. Vous serez sur vos gardes, attendant prudemment et sagement le moment de la Providence, et quand l'amour de Dieu sera bien établi dans le cœur, vous verrez le moment opportun où il faut porter la lumière.

Quand il faut faire des questions, il faut se souvenir encore qu'il ne faut le faire qu'avec une extrême prudence, surtout sur les matières qui concernent le sixième commandement, surtout aussi dans les questions de justice, ce qui n'est pas chose des plus faciles. C'est quelquefois fort délicat. Un père a fait fortune par des moyens injustes. Son fils, sa fille viennent se confesser. Iriez vous leur dire comme faisait jadis le bon curé d'Ars: “Votre père ne peut pas garder cet argent-là, ni vous, en profiter". C'est bien délicat et bien difficile. Et puis, en ce cas, à qui rendre? Voilà de l'argent mal acquis. Si je le rends, c'est à un homme qui tient de mauvaises maisons et qui en accroîtra son industrie, qui en profitera pour faire plus de mal. Il est maintenant serré dans ses affaires et ne fait pas grand scandale. Là‑dessus, le bon curé réfléchit:  “En ce cas, il faut en faire de bonnes œuvres”.
— “Quelles bonnes œuvres?”
— “Je vous le dirai. En d'autres termes, il faut me donner votre argent”.
— “Merci du conseil, M. le curé. Votre autorité s'arrête là, je n'en ferai rien".

Et le curé excommunie sa pénitente, ce qui ne l'a pas empêchée de devenir religieuse dans un couvent cloîtré. Mais elle n'a pas voulu lui remettre son argent pour en faire ce qu'il voulait, et elle a eu raison. Je n'ai pas à examiner ici l'emploi qu'il y avait à faire de cet argent, si la Sœur devait rendre cet argent mal acquis à celui à qui il revenait, malgré sa malheureuse et immorale profession. Il y a là des questions bien délicates et difficiles, et que le bon curé tranchait un peu vite. En général, dans les questions de justice, il faut faire rendre toutes les fois que la chose est possible. Souvent aussi le moyen le plus simple est de faire faire des aumônes. Mais il n'est pas très délicat de dire: “Donnez‑moi cela”.

Les biens mal acquis par les parents forment une question bien grave et sérieuse. Il faut en ce cas prendre conseil, recourir à Rome au besoin, à son évêque, pourvu qu'il n'ait pas la conscience trop large et ne soit pas dans la disposition de répondre: “Donnez-moi cela, à moi”. Demander à Rome en tout cas serait plus sûr. On pourrait être certain que la solution serait donnée en stricte justice, car le pouvoir du Pape s'étend aussi en un certain sens sur le temporel. C'est au Pape à donner la décision dans les cas de cette sorte. Et nous, en particulier, jamais nous ne dirons: “Donnez‑nous cela”. Théologiquement parlant, dans les cas de cette nature, l'évêque n'a pas plus de droits que le confesseur lui‑même. Le Pape seul a le droit de transporter le domaine, de consolider le droit qui n'est pas certain, de déterminer le véritable possesseur et sa sentence doit avoir plein effet. Il va sans dire qu'il ne faut pas écrire à Rome pour des riens, mais si c'est une affaire très importante, il faut en référer à Rome.

Dans les conseils que vous donnez au confessionnal, respectez et faites toujours respecter l'autorité. L'Evêque doit être le maître dans son diocèse, le curé dans sa paroisse, le père de famille, l'époux dans sa maison. Voilà les autorités. Il faut toujours pousser à l'obéissance à l'autorité, au respect de l'autorité. Il ne faut jamais, en confessant, donner droit à l'esprit de révolte, engager un curé à agir contre son évêque, une femme, des enfants, à agir contre l'époux, contre le père. Il faut aussi bien se garder de supplanter soi‑même l'autorité légitime et d'usurper sur la femme l'autorité du mari, sur les enfants celle du père ou de la mère. Il faut agir toujours avec une extrême prudence, de façon qu'on ne dise pas: “Voilà un confesseur qui a donné tel avis blessant l'autorité”. Il faut bien conserver soi‑même et apprendre aux autres à bien conserver l'ordre dans la charité et l'obéissance.

Je me souviens d'un bon curé du diocèse de Sens, qui était légendaire au séminaire de Troyes. Il était sourd comme trente-six. C'était au demeurant le meilleur homme du monde, mais toujours en contradiction avec son évêque. Il avait de l'esprit, il avait des moyens et il trouvait toujours que Monseigneur ne plaçait pas bien ses curés. Monseigneur de Sens s'était fâché, l'avait pris à partie et le bon curé déblatérait de tout son cœur contre son évêque, tant et si bien qu'il avait des scrupules de conscience et de gros embarras aussi, car aucun curé de son voisinage ne voulait lui donner l'absolution. Il venait donc, au séminaire de Troyes, où personne ne désirait bien vivement sa visite. On l'entendait d'un bout du séminaire à l'autre: “Je viens chercher l'absolution. Oh! mais si, vous m'absoudrez bien! Ce n'est pas ici comme chez nous!” Et on l'entendait crier: “Voilà ce que fait Monseigneur! Et ceci, et cela”. Et là-dessus on l'entendait qui riait aux éclats. Le brave curé, évidemment, n'était pas à soutenir dans cette lutte qu'il avait entreprise.

Voilà une femme mariée. Elle a un mari impie. Il faut bien prendre la pensée de notre saint Fondateur. Que cette femme prenne son mari du bon côté. Il y a toujours quelque bon côté; l'honnêteté, la générosité, que sais‑je? Il y a du bon par quelque endroit. Engagez‑la à patienter, à ne pas récriminer ou parler religion à tort et à travers. Voilà une fille avec sa mère. La mère est exigeante. Que la fille se soumette docilement et obéisse toutes les fois que la loi de Dieu n'est pas en jeu. Qu'elle apprenne à plier son caractère, à dominer son humeur. C'est comme cela qu'on se sanctifie. C'est une épreuve que le bon Dieu permet, qui tournera pour le plus grand bien. Prêchez et dirigez bien toujours dans ce sens-là. De même entre frère et sœur, entre membres de la même famille.

Dans les communautés religieuses, il faut de même ramener tous les frères, prêtres ou non, à ce grand principe du respect et de l'obéissance à l'autorité. Tout ce que l'on dirait ou inspirerait en dehors de là serait une chose mauvaise, détestable. Tenez toujours pour les moyens de la prudence, de la douceur. Ingéniez‑vous à mettre tout le monde dans la bonne voie, qui est celle de l'obéissance. C'est un point capital. Ne donnez jamais tort au supérieur. Tâchez plutôt d'expliquer, de justifier sa conduite. Imposez au moins le silence et le respect. Le supérieur est le représentant de Dieu; c'est la grande considération qui doit dominer toutes les autres. Si vraiment il y a eu dans ses agissements quelque chose de répréhensible, adoucissez, apaisez, excitez à supporter cela vertueusement et charitablement. Quand vous trouvez un religieux, une religieuse qui est en dehors de l'obéissance, qui refuse d'accomplir ses vœux, ne faites pas comme certains curés qui se dépêchent d'absoudre et de faire communier tant et plus. Un religieux, une religieuse en rupture d'obéissance, à qui appartiennent‑ils? Ce n'est pas à vous: vous ne pouvez pas leur donner les sacrements. Il faut avoir recours à l'évêque. Sachez que de tels pénitents ne vous appartiennent pas. Entourez‑vous de bons conseils; efforcez‑vous d'apaiser les choses. Tout ce que vous faites, faites‑le bien dans l’ordre du salut et de la charité.

Le curé dans sa paroisse a aussi une autorité réelle qu'il faut respecter et faire respecter. Le vicaire, le prêtre étranger à la paroisse n'ont pas l'autorité curiale et ne doivent pas usurper et ne doivent pas entretenir les âmes dans la révolte contre cette autorité, dans le manque de respect de cette autorité. Il faut bien observer toute convenance. Il faut bien voir aussi la qualité des personnes que l'on confesse, leurs diverses obligations particulières et spéciales. Voilà une Sœur de charité qui vient se confesser à vous. Elle vous dit:  “Mon Père, je viens vous demander votre avis. Je viens d'hériter d'un membre de ma famille d'une certaine somme d'argent. Nous ne faisons pas vœu de pauvreté. Je puis disposer de mes biens. Que faut‑il en faire? Je voudrais vous les donner à vous”.
— “C'est bien, mais demandez la permission à vos supérieurs”.
— “Mes supérieurs bien certainement me diront que non”.
— “Tant pis, mais demandez à vos supérieurs. Vous n'avez pas fait vœu de pauvreté sans doute, mais vous avez fait vœu d'obéissance et cette action retombe dans votre vœu d'obéissance”.

Rappelez‑vous qu'il est deux grands principes qu'il ne faut point violer: le principe de justice d'abord, puis le principe de prudence. Que jamais surtout vous ne preniez sur l'âme de votre pénitent, de votre pénitente, une influence, une action qui puisse la détourner de l'obéissance, de la soumission à ses supérieurs légitimes, quels qu'ils soient. Dans les communautés de la Visitation, il faut particulièrement être fidèle à cette règle de conduite, qui est du reste celle de tous les théologiens, de tous les docteurs, de tous les chrétiens. Un confesseur a un rôle bien grand à remplir dans une communauté de Visitandines. Il est en particulier le dépositaire des grâces immenses de la confession et de la communion.

Voilà pourquoi, dans les décrets rendus ces temps derniers, Rome affirme les droits du confesseur dans les communautés religieuses et coupe court à certains abus qui s'étaient implantés en certaines Congrégations, pas à la Visitation, je crois. Le confesseur a droit sur la confession et la communion, et lui seul. Mais en cela encore, il faut bien tenir compte de la Règle, des Constitutions. Si la Règle dit que les Sœurs communieront trois fois la semaine, il faut que le confesseur tienne compte de la Règle et ne s'en écarte que pour de sérieuses raisons. Il ne faut pas non plus qu'il fasse échapper cet acte de la communion au bienfait et aux grâces de l'obéissance religieuse. Que les Sœurs, à la Visitation, demandent à la supérieure la permission de faire les communions que le confesseur aura jugé bon de leur donner, afin que le bienfait de l'obéissance religieuse ne soit pas mis de côté en un acte aussi important. Je ne voudrais pas qu'aucun d'entre vous agît jamais autrement et se donnât l'air de vouloir tailler et trancher à sa fantaisie dans une Règle et des Constitutions données par saint François de Sales et approuvées par la sainte Eglise. Je ne voudrais pas surtout qu'aucun d'entre vous essayât jamais de substituer son autorité à celle de la supérieure.

Une sœur vous demande une communion de plus que la Règle et l'usage: “Oui, je veux bien, mais vous préviendrez votre Mère”. Autrement, voilà un confesseur qui modifie la Règle. Il est donc autant que notre Saint-Père le Pape. Pour donner à une communauté plus de communions que n'en fixe la Règle, le confesseur prudent s'entendra avec la supérieure; il s'inquiétera de la Règle et de l'usage, il s'en rapprochera le plus possible et n'enverra pas, par coup de tête ou caprice, telle ou telle Sœur tous les jours à la communion, telle Sœur surtout qui est un assez triste sujet et peu exemplaire, tandis que les autres s'en abstiendront. De même le confesseur n'ira pas dire à une femme mariée sans réflexion, sans prudence: “Allez à la messe tous les jours, faites tels exercices de piété, telles communions, telles pénitences. N'allez pas faire telle ou telle promenade, recevez ou ne recevez pas telle personne”.

Le confesseur n'a pas à entrer dans les détails du ménage. On interprète parfois bien faussement le décret de la Sacrée Congrégation sur la communion et la reddition de comptes. La bonne Mère Marie de Sales n'a jamais fait quoi que ce soit dans sa vie qui fût contraire à l'esprit et à la lettre de ce décret qui n'était cependant point porté. Jamais il ne lui est arrivé d'empêcher une Sœur de communier, à moins qu'il n'y eût eu un manquement grave et public. Quand elle le pouvait, elle demandait toujours auparavant l'avis du confesseur. Et moi je ne donnais jamais une communion extraordinaire à une Sœur, sans que la Sœur soumît cet acte de dévotion à l'obéissance. Quand la bonne Mère désirait que les Sœurs eussent une communion de plus, elle venait toujours me le demander. Cette bonne entente réciproque est nécessaire et l'on n’arrive à rien sans elle. Voyez à côté de cela les tristes résultats obtenus par ces confesseurs imprudents qui ont profité d'une interprétation erronée du décret pour partir en campagne: “Nous sommes les maîtres. Les supérieures n'ont rien à voir là‑dedans”. Et les prédicateurs ambulants se sont mis en campagne, déblatérant contre l'autorité et l'obéissance. Le bon Dieu peut‑il bénir cela? Et quels désordres dans certaines communautés!

Il y a une grâce générale dans les sacrements, qui est la même pour les religieux et pour les fidèles; mais il y a en outre pour les religieux une grâce spéciale que les docteurs, que les Pères de l'Eglise ont appelée la grâce de la communauté, la grâce de la vie religieuse, grâce plus intime, plus complète, que l'âme qui participe aux sacrements reçoit en plus, en raison des rapports intimes que la vie religieuse établit entre elle et Notre-Seigneur. Est‑ce le confesseur qui sera le canal établi pour communiquer cette grâce? Non, il n'a pas la grâce d'état pour cela, ou bien il ne le fera qu'en tant qu'il s'identifiera à la Règle, à la supérieure, à l'esprit de la communauté et de l'Institut, qu'il aidera en entrant dans le sens de la vie religieuse à appliquer cette grâce de la communauté, du commun, comme dit saint François de Sales. Ce n'est pas lui qui comme confesseur en est investi. La grâce réside dans la communauté elle‑même, dans tout l'ensemble des règles et de la vie, dans l'union surtout à la supérieure. Mais le confesseur, s'il n'est pas dans ce sens et cette union, n'a pas sa grâce à lui. Il l'a peut‑être en tant qu'aide, mais il ne l'a pas en tant que confesseur. Elle ne lui appartient pas en propre. Il a en propre la grâce du sacrement, mais il n'a cette autre grâce plus intime qu'en suite de son identification avec la communauté et avec la supérieure.

Le confesseur qui sait comprendre son rôle est un aide extrêmement précieux à une communauté. Il est l'ange de Dieu, l'ange visible, parce qu'il accompagne les âmes dans la voie tracée par les Règles et Constitutions. On a souvent fait le reproche aux confesseurs de la Visitation d'être des machines à absolution. Quand on m'envoya à la Visitation, un de mes amis me dit cela: “Vous êtes une machine à absolutions”. Cela m'avait un peu piqué. Nous passions derrière la caserne, près de la rue de la Tour Boileau. Je répondis au bon M. Lerouge: “Oui, je suis une machine à communiquer les grâces du bon Dieu!” . Il faut aux âmes pieuses, et surtout aux religieux, aux religieuses, des confesseurs très pieux et surtout très sérieux et prudents.

Les âmes pieuses, les religieux, les religieuses affectionnent beaucoup les confesseurs religieux, surtout ceux dont l'esprit est conforme au leur parce qu'ils sont sages, ils savent mieux comprendre les devoirs, les obligations, le sens de la vie religieuse et vraiment chrétienne. Voyez comme on aime se confesser aux Jésuites, aux Capucins. Est‑ce parce qu'ils flattent leurs pénitents ou pénitentes? Non, mais ils les encouragent, les soutiennent, s'identifient à leur vie. Les Sœurs Dominicaines ne voient rien au‑dessus des confesseurs de leur ordre, parce que l'esprit est le même, le sens de la vie est le même, les grâces arrivent plus abondantes. Rappelons‑nous bien ces grands principes de justice et de prudence dans ce ministère si important. Soyons remplis de charité surtout au confessionnal; la vraie charité ne trompe jamais. Je désire bien que tel soit l'esprit de la Congrégation. C'était l'esprit de Saint François de Sales, celui de saint Alphonse de Liguori, c'est celui de l'Eglise. Saint François de Sales était un bon théologien, lui que Pie IX appelait “le docteur infaillible”.

Une dernière recommandation en terminant ce long chapitre. Favorisez et encouragez bien, dans votre direction, les vocations religieuses. Don Bosco et la bonne Mère me disaient qu'il y a bien un tiers des hommes qui ont la vocation religieuse. Combien la perdent sans qu'il y ait beaucoup de leur faute, mais combien aussi ne sont pas en sûreté de conscience après l'avoir perdue. A combien aussi les encouragements ont‑ils manqué! Voyez combien les saints savaient recruter de vocations religieuses: saint Bernard, saint François de Sales, saint François-Xavier, saint Liguori! Nous ne sommes pas des saints, mais nous sommes leurs successeurs et nous devons les remplacer.