Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

De la sainte communion

Chapitre du 6 avril 1892

“La principale intention que les Frères doivent avoir à la sainte communion doit être pour la gloire de Notre-Seigneur, et leur union avec lui” (Dir., Art. XIV; p. 111-112).

L'union à Dieu est la pensée-mère de notre Institut. Nous devons être unis à Dieu par sa grâce d'abord, par notre amour, et cet amour, cette union doivent s'accomplir en toutes nos intentions, en tous nos actes. Nous ne les faisons pas seuls, nous sommes aidés par lui, et c'est en nous rapprochant de lui que nous obtiendrons la force de volonté qui nous est nécessaire. Attachons‑nous bien, Frères et Pères, à toutes les pratiques qui sont indiquées là. Songeons à la sainte communion, à la sainte messe dès la veille; ne nous couchons pas sans nous être arrêtés à cette pensée. Quand nous nous éveillons, hâtons‑nous de bien disposer notre âme à la grande action qu'elle va faire. Les prêtres, qui font la sainte communion tous les jours, devraient faire de la sainte messe le sujet perpétuel de leurs oraisons, et ces oraisons devraient être perpétuelles. Ils ont d'autres obligations à remplir, mais il faut au moins que cette pensée de la sainte messe, de la sainte communion domine et vivifie toutes les autres pensées. Ce serait donc une chose excellente de faire la veille au soir la préparation de son âme à la sainte messe, à la sainte communion. Le matin, dans son oraison de préparation, nous pouvons solliciter du bon Dieu qu'il nous accorde le plus grand nombre possible de ces grâces innombrables qui sont attachées au saint sacrifice.

Si la préparation prochaine est bien nécessaire, la préparation éloignée ne l'est pas moins, elle apporte de grands fruits. Voyez tout ce qu'ont puisé là saint François de Sales, saint Vincent de Paul. Ce dernier avait gardé l'habitude de se préparer à toutes ses messes avec autant de sollicitude qu'il s'était préparé à sa première messe. Il le fit toute sa vie. A propos de la sainte communion, de la sainte messe, i1 est une doctrine, une pratique de notre saint Fondateur à laquelle il faut tenir. Notre saint Fondateur ne voulait jamais qu'on fît la sainte communion sans préparation. La communion sans préparation peut en effet devenir un acte sans résultat utile, nuisible même. C'est l'abus des grâces. Le bon Dieu se retire. Beaucoup de gens crient de toutes leurs forces en sens contraire, je le sais: “Communiez, communiez, plus souvent vous communierez, mieux cela vaudra!” Croyez-en ma vieille expérience et aussi l'enseignement de la théologie.

La communion fréquente est une chose excellente et qui a les plus heureux résultats, mais à une condition, c'est qu'elle sera précédée d'une sérieuse préparation. Le vénérable M. Roger nous le disait au séminaire: “Il faut communier souvent, mais il faut aussi vous bien préparer. Vous voulez manger souvent et beaucoup; c'est bien si vous avez un bon estomac, autrement la nourriture vous étouffera ou vous rendra malades”. Et nos maîtres au séminaire, nous apprenaient à nous approcher d'autant plus saintement que nous le faisions plus fréquemment, de la sainte communion. Au grand séminaire, à l'approche des ordinations, quand nous étions dans les ordres sacrés, nous communiions presque tous les jours, mais aussi voyez quelle préparation! Avec quelle ferveur nous faisions le soir notre visite au saint sacrement, le matin notre oraison, avec quelle attention surtout nous assistions à la sainte messe. Après la communion, comme nous prolongions notre action de grâces; et dans la journée que de pieuses industries pour ne pas oublier la grande action du matin et ne pas laisser Notre-Seigneur seul en notre âme. Sans toutes ces précautions, je le répète, la communion peut devenir un péril.

Et il ne faut pas admettre les religieux, pas plus que les simples fidèles, à une communion fréquente, quand ils ne s'y préparent pas. Quand ils s'y préparent vraiment, c'est une autre question. Pour accorder des communions plus ou moins fréquentes, il faut alors avoir égard aux difficultés, aux tentations, aux résultats que l'on peut obtenir. La communion quotidienne est extrêmement louable, mais il ne faut la recommander qu'avec une très grande discrétion. Pour la communion de tous les huit jours, il faut, dit notre saint Fondateur, qu'on n'ait d'affection ni au péché mortel, ni au péché véniel, comme par exemple au mensonge, à la gourmandise, à la médisance. Il est bien de disposer les fidèles à la communion plus fréquente, mais il faut exiger d'eux les conditions nécessaires pour que ces communions soient bonnes et utiles, que ce soient vraiment des actes de respect et d'amour envers Notre-Seigneur.

Pour nous, prêtres, qui communions en disant la sainte messe, il y a une autre question à envisager. La grâce de la communion alors regarde non seulement le prêtre mais toute la sainte Eglise. Toutes les fois que le saint sacrifice est offert, c'est un hommage rendu à Dieu, c'est la gloire des saints, c'est le salut de la terre et de toute créature, c'est l'application des effets de la charité divine. Il est très désirable que ces grands effets soient produits le plus souvent possible. Cette considération évidemment ne doit pas permettre au prêtre de dire la messe, de communier sans préparation, mais elle peut être une consolation dans ses défaillances et elle doit être surtout un encouragement à se disposer le mieux possible, puisqu'il doit célébrer et communier si souvent, puisque par cet acte si prodigieux il rend honneur à Dieu, il réjouit les bienheureux, il soulage les âmes du purgatoire, il apporte des grâces précieuses à l'Eglise toute entière.

Préparons-nous donc bien à la sainte messe, à la sainte communion. Dans nos pensées de la veille, dans celles de la nuit et celles du matin, dans celles de la journée toute entière, rappelons-nous l'autel sur lequel nous avons offert ou sur lequel nous offrirons Notre-Seigneur à son Père; excitons notre âme à des sentiments d'adoration, de remerciement, de demande des grâces qui nous sont nécessaires. Offrons‑nous à Dieu; c'est une oblation spirituelle très agréable à Dieu et qu'il nous faut renouveler sans cesse. Cela fait du bien à l'âme.

Donnez-moi un prêtre, un religieux qui a bien dit sa messe le matin, qui s'est rappelé dans le cours de la journée la grande action du matin, qui l'a renouvelée en quelque façon en s'offrant en sacrifice spirituel et vous aurez là un prêtre excellent qui produira de grands fruits et fera des merveilles, et en lui‑même et chez les autres. C'était la grande dévotion du vénérable abbé Cardot, de bien dire la messe. Il le faisait de la façon la plus édifiante. Pendant la journée il se rappelait les intentions auxquelles il avait prié le matin, il trouvait là une très grande force et de grandes grâces. La messe était pour lui vraiment le sacrifice perpétuel et continuel. Quelle force ne puise‑t‑on pas dans les tentations, dans les faiblesses, dans les découragements, quand on a Dieu ainsi proche de soi.

Tout prêtre reçoit ou peut recevoir à la sainte messe des grâces immenses, dont l'impression peut être durable et profonde. C'est à nous de les garder, de les perpétuer, d'en raviver le souvenir, en nous les rappelant, en vivant de cela pendant la journée. Notre-Seigneur est venu le matin entre nos mains, dans notre coeur; demandons‑lui de revenir de nouveau: Viens, Seigneur Jésus! C'est un très grand moyen de sanctification et d'union au bon Dieu; c'est l'un des moyens les plus faciles pour entretenir la vie surnaturelle en nous. Saint Alphonse de Liguori s'exprime là‑dessus d'une façon touchante et belle. Quand il recevait une offense, il l'accueillait en considération de Notre-Seigneur qu'il avait reçu le matin; il agréait ainsi les épreuves, les souffrances, les contradictions. Il a laissé dans ses visites au saint sacrement des formules de communion spirituelle bien admirables et qu'il faut aimer à redire.

Redisons souvent aussi: Viens, Seigneur Jésus. C'est par là que se termine la sainte Ecriture; ce doit être le mot unique et dernier de notre vie.

“Après la sainte communion, il faut regarder Notre-Seigneur assis dans notre coeur comme dans son trône, et lui faire venir l’une après l’autre nos puissances et sens, pour ouïr ses commandements, et lui promettre fidélité” (Dir., Art. XIV; p. 113-114).

Ces pensées et ces pieuses aspirations que nous suggère notre saint Fondateur sont bien agréables au bon Dieu: “Reste avec nous, Seigneur” (Lc 24:28). Quand Notre-Seigneur a entendu cette parole de la bouche des disciples, il l'a écoutée, il l'écoute encore quand nous la lui répétons. Encore une fois, toutes ces aspirations sont très belles, très bien choisies. Elles portent avec elles une grâce toute particulière, puisque ce sont des paroles de la sainte Ecriture. C'était du reste la pratique de notre saint Fondateur. Il s'est sanctifié avec cela. Il nous fait faire ce qu'il a pratiqué lui‑même.

“Les prêtres recommanderont les intentions précédentes au Memento des vivants. Les Frères peuvent appliquer plusieurs de leurs Communions, avec permission, pour leurs parents décédés, durant l’Anniversaire” (Dir., Art. XIV; p. 117-118).

Dans nos mementos, à la sainte messe, il faut avoir notre petite liste, afin de bien diriger nos intentions, suivant ce que marque le Directoire et ne rien oublier de ce que nous avons demandé à Dieu. La prière faite d'une façon générale est très bonne, mais la prière faite à des intentions particulières a aussi un effet particulier. Voilà pourquoi elle est recommandée par la liturgie, par les règles religieuses. L'Eglise qui attache une si grande importance à la prière générale ne veut donc point qu'on néglige la prière spéciale. Elle y attache une très grande importance. Conformons‑nous à ces intentions‑là. Mettons bien en pratique ce chapitre‑là.

Nous allons entrer dans la semaine sainte, nous allons célébrer le souvenir de l'institution de la sainte Eucharistie: communions et disons la messe en renouvelant notre ferveur. Nous participerons ainsi aux grâces attachées à ces grandes solennités. Au jeudi saint, à la fête du saint sacrement, nous obtiendrons une grande foi, une grande dévotion à la présence réelle de Notre-Seigneur. Portons bien les fidèles eux aussi à cette dévotion à la présence réelle. Toutes les dévotions sont bonnes, mais la dévotion à Notre-Seigneur en son saint sacrement l'est plus que toute autre. C'est la religion toute entière, c'est un moyen tout à fait efficace de sanctification, c'est un moyen facile et divin d'union intime avec Dieu, d'union persévérante et pleine de générosité.