Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

De la célébration de la messe

Chapitre du 2 décembre 1891

C'est une chose bien excellente de relire de temps en temps les rubriques du missel pour voir si on n'y manque pas: la manière de faire les inclinations, de joindre et de tenir les mains, la manière de faire le signe de la croix, prendre garde de ne pas le faire d'une façon négligente, de ne pas tenir ses mains négligemment. Faites une très grande attention à tous ces points-là en particulier. Observez toutes les rubriques ponctuellement, régulièrement, non pas en traînant en longueur, mais qu'on ne puisse pas dire que nous avons chacun nos manières de faire. Voyez dans l'état militaire: tout le monde est pareil. De même, en voyant un Oblat dire la messe, il faut que quelque chose se sente de notre esprit, quelque chose de simple, de bien, sans affectation ni prétention. Soignez bien les signes de croix sur le calice, sur les oblats, sur la sainte hostie surtout. Que tous soient faits avec grand respect et grande mesure, ni trop grands ni trop petits, de 25 à 30 centimètres environ. Faites bien les carrés, que la main revienne bien au milieu pour tracer le second bras de la croix. Quand vous baisez l'autel, ne vous retournez pas en écartant les bras et n'allez pas ainsi les bras étendus d'un bout à l'autre de l'autel, semblables à un moulin à vent qui étend ses ailes. Les coudes ne doivent pas quitter les côtés. Au “Le Seigneur soit avec vous”, il ne faut pas élever les bras plus haut que les épaules. Il faut toujours faire les gestes entiers et réguliers.

Nous n'avons rien à innover, nous n'avons qu'à suivre exactement ce qui nous est prescrit. Au saint nom de Jésus, inclinons bien la tête; au nom du saint patron, mais sans incliner le cou et les épaules, comme au Confiteor. Evitons bien les singularités et les négligences qui empêcheraient l'uniformité et feraient dire: “Ils ne disent pas tous la messe de la même manière”. Prenons bien les intentions du Directoire au premier memento, au besoin prenez votre Directoire avec vous. Ces intentions portent grâce avec elles. Et puis ne prie-t-on pas mieux quand on pense qu'on est uni d'intention avec tous ses frères? Tous nos Pères ont à ce moment-là une seule et même pensée, une seule et même prière, celle qu'indique la Règle, celle que donne notre saint Fondateur. A ce memento, il ne faut pas articuler verbalement des paroles, rien ne doit être ajouté viva voce aux prières liturgiques. Formulez cette intention dans votre pensée, sans les prononcer de bouche. Nous sommes tout-puissants quand nous prions à la sainte messe, nous communiquons alors intimement avec Dieu cœur à cœur. Nous n'avons qu'à parler, Dieu est avec nous et agira par nous. La pensée que notre saint Fondateur nous donne, en élevant l'hostie, de s'offrir soi-même “ensemble avec icelle en perpétuel holocauste à sa gloire", est bien belle et bien touchante. Il faut nous offrir à Dieu avec Jésus-Christ; il ne faut pas qu'il y ait deux offrandes. Il faut nous offrir en même temps que la victime, malgré notre indignité, de sorte qu'il n'y ait qu'un seul et même sacrifice. Notre-Seigneur est à la fois, à la sainte messe, sacrificateur et victime. L'union du prêtre avec Notre-Seigneur en son autel est extrêmement intime, et si les fidèles ont tant confiance en la sainte messe, aux prières du prêtre, c’est qu’ils sentent et voient cela. Le prêtre à l'autel et Notre-Seigneur c'est tout un. Il n'y a pas deux sacrificateurs: que le prêtre s'unisse donc bien aussi avec Jésus-Christ victime.

“De même feront-ils encore à l'élévation du calice, offrant icelui avec grande affection, en la rémission des péchés et au salut de tout le monde” (Dir., Art IV; p. 57-58).

A ce moment-là où nous offrons le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il faut demander qu'il retombe sur nous en grâces et bénédictions sur ceux pour qui nous offrons le saint sacrifice, sur nous, sur la sainte Eglise. L'offrande du calice a une immense efficacité. C'est 1à le sang qui a coulé sur le Calvaire, c'est la représentation et la continuation du sacrifice de la croix. Vous pouvez alors tout obtenir de Dieu. Il faut donc dire la messe avec une immense confiance au bon Dieu. Demandez bien au bon Dieu, quand vous prenez l'hostie entre vos mains, de purifier vos mains, vos regards, vos paroles par le contact de la sainte hostie: c'est là pour le prêtre un des effets de la grâce du sacrifice. Nous nous unissons à la sainte Vierge en intention, afin de nous rappeler notre indignité.

“S'ils vont donner la communion à quelqu'un, ils feront réflexion de leur esprit sur l’immense charité, humilité du Fils de Dieu, avec laquelle il se donna soi-même pour viande salutaire indifféremment à tous; et à même temps qu’ils la distribueront, ils lui recommanderont de tout leur coeur celui ou ceux auxquels il fait tant de grâces; afin qu’il lui plaise de les loger dans ses plaies, comme dans un sûr asile contre les attaques de leurs ennemis” (Dir., Art IV; p. 61).

Il ne faut jamais manquer de prier pour les âmes de ceux auxquels on donne la Sainte Communion; il faut bien les recommander au bon Dieu. Voyez, mes amis, comment avec ces pensées de notre saint Fondateur, la sainte messe est toute embaumée. Ce n'est pas une action sèche et stérile.

“Après la messe, ils se recueilleront en eux-mêmes au moins pour un quart d’heure; et pendant ce temps, comme s’ils se voyaient en présence Jésus Christ, lequel est dedans eux, il feront les actes suivants:” (Dir., Art IV; p. 61-62).

Votre action de grâces ne doit pas être une prière égoïste, solitaire. Il faut demander au bon Dieu d'appliquer les mérites de Jésus-Christ et les grâces de la sainte messe aux personnes pour lesquelles nous l'avons dite. N'oublions en ce moment aucune des âmes dont nous sommes chargés et de celles qui nous sont unies par les liens de la famille ou de l'amitié ou de la charité. Ceci est pour les Pères.

Aux Frères je recommanderai de bien entendre et de bien servir la sainte messe. Tenez-vous-y toujours grave, digne; répondez gravement et posément. Qu'on puisse remarquer que c'est un religieux qui sert la messe. Un Frère qui sert bien la messe peut édifier autant que le prêtre qui la dit bien. Quand j'allais à la Chartreuse autrefois, j'étais autant édifié des Frères et des novices qui me servaient la messe que des Pères eux-mêmes. A la Chartreuse de Bosserville, il y avait un Frère qui était cousin de la reine d'Espagne et qui servait la messe au Père Retournat. Il se trompa un jour et lui présenta de 1'eau au lieu de vin. Je vis le Père Retournat lui faire un petit signe. Le Frère s'inclina et après la messe, quand le Père fut parti, je vis le jeune religieux s'étendre par pénitence sur le carreau froid de l'église et rester là longtemps, jusqu'à ce que le Père Retournat étant revenu lui fît signe de se relever. Le Père Retournat était le fils d'un petit porte-balle et le Frère était un grand seigneur.