Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

De la célébration de la sainte messe

Chapitre du 25 novembre 1891

“Pour célébrer dignement et fructueusement le très saint sacrifice de la Messe, les Pères, quelque temps avant la Messe, se recueilleront en eux-mêmes, et, avec grand sentiment de coeur, c’est-à-dire avec un coeur plein de vraie affection, ils feront les choses suivantes: ” (Dir., Art IV; p. 42-43).

Il est bon de résumer toutes ces prières et intentions en une formule courte et simple. Je fais faire cela aux Oblates. Cela aide la mémoire et fixe l'esprit, autrement cela devient un grand travail. Notre saint Fondateur qui s'était assujetti à toutes ces pratiques, quoiqu'il eût l'esprit bien large, était arrivé par ce moyen à avoir la présence continuelle de Dieu. Il disait à sainte de Chantal qui le questionnait à ce sujet: “Dieu m'a fait la grâce que toutes les fois que j'ai la figure tournée vers l'autel jamais il ne me vient d'autre pensée”. Il avait acheté cette grande grâce par sa fidélité à toutes ces pratiques qui sont dans notre Directoire. Tous ces exercices sont donc très bons.

Je ferai cependant là-dessus cette réflexion qu'il n'est pas toujours possible de les faire tous à la file. Je parle seulement et uniquement de tout ce qui est là comme préparation à la sainte messe et action de grâces. Ceux qui sont distraits et dont la pensée s'éloigne facilement de Dieu devront, quand ils en auront le temps, suivre pas à pas ces prescriptions minutieuses. Ceux qui, pendant leur préparation, leur action de grâces, sentiront une dévotion intérieure qui les attirera à d'autres pensées, à d'autres sentiments, peuvent ne pas se regarder comme obligés de suivre pas à pas ces exercices. C'est au prudent directeur à conseiller ce qu'il y a à faire.

Si vous avez la facilité d'être avec Notre-Seigneur avant et après votre messe, il vous sera bien préférable de lui rester uni sans faire cette multiplicité d'actes et de prières. Si vous n'avez pas cette facilité, prenez ces exercices qui nécessairement vous amèneront à l'union à Dieu. Le Directoire amène l'âme à ce que notre saint Fondateur appelle l'amour de complaisance, l'amour d'union. Toutes les peines, tous les travaux qui surviennent, même dans les actes les plus indifférents, montent au bon Dieu. Au lieu d'écraser, elles soulèvent et soutiennent. Il n'y a pas de temps perdu. Tout est accepté de grand cœur, parce qu'il le faut, parce que Dieu l'a voulu, parce que c'est l'ordre de la Providence. L'acte par lequel nous obéissons est l'acte qui nous unit à lui: nous le faisons par amour pour lui. On fait sa barbe, on est ennuyé, fatigué: cela est dans l'ordre, cela plaît à Dieu. On a été fidèle au Directoire, on a fait sa direction d'intention, l'acte devient surnaturel et unit à Dieu. Notre-Seigneur, aux jours de sa vie mortelle, mettait ses sandales, se lavait les mains, ce n'était rien? C'était une action divine, elle montait à Dieu par l'intention qu'il y mettait.

Pourquoi Notre-Seigneur s'est-il incarné? Pourquoi n'est-il pas venu comme un ange? Afin que ses actions humaines, quelles qu'elles fussent, fussent divinisées, fussent faites avec Dieu et pour Dieu. Au bout d'un certain temps de cette pratique du Directoire, l'âme arrive à cela qu'elle est unie à Dieu de suite et habituellement. Elle n'a plus besoin de cette multiplicité d'exercices. Ces exercices multipliés peuvent donc bien ne pas convenir personnellement à tout le monde. Tout le monde n'a pas la force physique nécessaire à un tel travail de mémoire, et certains prêtres seraient fatigués de s'astreindre à tous intégralement. A ceux-là je conseillerai de s'arrêter aux pensées qui nourrissent leur âme et de laisser les autres. Ce que je dis là, comprenez-le bien, n'ôte pas l'à-propos, l'obligation de pratiquer cet article du Directoire: ceux qui sont facilement distraits en ont besoin. Encore une fois cette multiplicité d'exercices a pour but d'arriver à l'amour de complaisance ou d'union, à l'amour de ce que Notre-Seigneur veut, de ce qui lui plaît . Il faut que tous nous en arrivions là. Il faut atteindre ce but avant notre mort. On sera dans le ciel, pendant toute l'éternité, comme on sera au moment de la mort. C'est l'arbre tombé et qui reste où il est tombé. S'il tombe à un mètre, à deux mètres de l'endroit désigné, il restera là. Le ciel, c'est le dernier jour de l'existence de la terre. Il est donc bien important de s'y préparer, de ne pas perdre de temps, de bien préparer les moyens d'être uni le plus possible au bon Dieu. Je recommande bien la prière de Thomas à Kempis, de 1'Imitation. Elle est très pieuse et très belle. Dites aussi fidèlement l'oraison du Pape Grégoire XIII: Ego volo celebrare missam. C'est une formule courte, simple, pieuse que chacun de nous peut avoir. Si nous avons plus de temps, rien ne nous empêche de lire quelques passages de l'Imitation au IVe livre. L'esprit du bon Dieu souffle quand il veut et où il veut. Une chose qui nous ira à nous, n'ira pas à tout le monde. Ceux qui ont une grande facilité de dévotion aux prières vocales feront bien d'en réciter: ce sont des prières vocales que l'Eglise ordonne à ses ministres et non des prières mentales. Si le bon Dieu vous fait la grâce du don d'oraison mentale, faites une préparation plus intime, meilleure encore, car votre prière ira plus sûrement de votre cœur au Cœur de Dieu.

“Après les oraisons susdites, ils se recommanderont encore à la bienheureuse Vierge, récitant quelques-unes des belles hymnes ou oraisons qui sont composées en son honneur. Ensuite ils se recommanderont de la même manière à tous les anges et à tous les saints du ciel, principalement à ceux à qui ils ont une dévotion particulière, les priant qu’ils les aident à offrir un si grand sacrifice à Dieu” (Dir. Art IV; p. 50-51).

Cela est bien bon: c'est une communion de prières avec le ciel tout entier. Et ces pensées et ces prières sont bien capables d'enflammer notre cœur d'amour de Dieu, de mettre nos sentiments en des dispositions très parfaites. Cela serait bien joli qu'un Oblat qui ferait exactement tout cela; il plairait à notre saint Fondateur; il obtiendrait bien des grâces. Prenez aussi les pensées que notre saint Fondateur suggère pendant que l'on s'habille et qu'on peut méditer tout en récitant les prières du missel pour chacun des ornements. Il me semble que dans l'une de ces prières, il y a une petite malice contre les fabricants d'ornements d'église qui autrefois faisaient des chasubles extrêmement lourdes et épaisses: “Seigneur, vous avez dit que votre joug était aisé et votre fardeau leger. Faites que je puisse porter ceci de façon à obtenir ta grâce” - [“Domine, qui dixisti: jugum meum suave est et onus meum leve, fac ut istud portare sic valeam quod consequar tuam gratiam”].  Cela méritait vraiment la grâce de Dieu que de porter sur ses épaules un poids aussi pesant.Que chacun voie donc ce qui lui convient dans toutes ces prières, et qu'il fasse un choix s'il ne se sent pas la force ou le courage de tout dire. Disons bien la sainte messe, avec foi, avec cœur, avec une grande confiance au bon Dieu: à la sainte messe nous obtiendrons tout. La Mère Marie de Sales obtenait tout par le saint sacrifice de la messe. Offrez-vous bien à Dieu avec Jésus-Christ “quant et lui”, c'est-à-dire autant que lui, sans plus de restriction que lui-même n'en met en s'offrant à son Père. La messe bien dite, cela se sent, cela impressionne ceux qui l'entendent. C'est ce qu'on disait de M. Cardot: “Comme il dit bien la messe!” C'était la réflexion de tous ceux qui y assistaient.