Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Le respect fraternel

Chapitre du 11 juin 1890

“Afin de conserver la charité et l'union fraternelle, tous les Oblats auront les uns pour les autres un grand respect, et ils se le témoigneront réciproquement, d'une manière simple, cordiale et affectueuse” (Const., Art. XXI/1; p. 74).

Il faut se porter l'un à l'autre un grand respect: c'est une règle générale pour conserver la charité, et pour que chacun reste bien à sa place, dans sa situation particulière. Pour s'attirer le respect des autres, il faut commencer soi-même par leur témoigner un grand respect: c'est ainsi qu'on arrive à être maître des cœurs. Tout le monde a droit à notre respect: nos frères à cause de leur qualité de religieux: il faut bien nous pénétrer de cette idée que ce sont les tabernacles du Dieu vivant: c'est un point essentiel de nos Constitutions que de les respecter comme tels. Ce respect, nous devons le porter aussi aux étrangers, à nos élèves. Ce respect encore, il ne suffit pas de le manifester au dehors, il faut que nous l'ayons dans le cœur. Quelqu'un n'est pas de notre avis, ne le jugeons pas à la légère; il ne pense pas comme nous; il a ses convictions: respectons ses convictions. C'est un très grand point dans la vie religieuse. Eloignez de vous tout ce qui sentirait l'esprit collégien, l'esprit qui mesure tout à son aune, et n'apprécie que ce qui est conforme à sa propre manière de penser et de juger. C'est très mauvais. Il faut admettre que les autres puissent penser différemment que vous.

Un religieux qui n'aurait pas ce respect pour l'opinion d'autrui prendrait ainsi l'habitude, en avançant en âge, de juger sévèrement et injustement son prochain; et ce qui au début ne semblait qu'un jeu, deviendrait à la fin une véritable aversion. Un tel caractère finirait par rendre le religieux inutile et mauvais. C'est donc une faute énorme.

Voyez dans l'ancienne éducation chrétienne, quel respect on avait pour les pères et les mères. Cela veut-il dire que tout le monde dans ce temps-là avait des pères parfaits? Non sans doute; mais cela n'empêchait pas le respect. Il faut bien faire notre examen là-dessus. Il n'y a plus guère de respect dans le monde; et il faut que les religieux se distinguent des autres par le respect qu'ils porteront à tous. J'insiste vivement là-dessus, parce que j'éprouve de la peine et du chagrin de voir, que peut-être cet esprit écolier, dont je parlais, tendrait à s'introduire quelque peu. Je ne parle pas précisément pour vous qui m'écoutez. On serait peut-être aussi porté à traiter assez cavalièrement entre soi. Je ne vous demande pas de faire des actes héroïques, mais d'être sincèrement religieux, et d'observer fidèlement les Constitutions.

"... et ils se ... témoigneront [le respect] réciproquement, d'une manière simple, cordiale et affectueuse ...” — Il faut, dans ces témoignages de respect, quelque chose qui plaise. Je voudrais bien entendre encore faire de nous les remarques que l'on faisait volontiers dans les premiers temps de notre fondation. On trouvait que nous avions beaucoup de simplicité, de cordialité , d'union, de douceur, de sérénité, cela frappait beaucoup, et disposait en notre faveur.

“Ils éviteront à la fois toute espèce d'amitié particulière, et toute espèce d'aversion” (Const., Art. XXI:1; p. 74).

Les amitiés particulières sont la ruine de la charité. Les aversions sont quelque chose de très déraisonnable. Chacun a sa nature. Il est certain que dans la vie commune il y a des frottements et des chocs. Les différents caractères ne se trouvent pas toujours en contact sans qu'il y ait quelques heurts. Celui qui est vif sera ennuyé de celui qui est lent: l'un sera bon, l'autre à côté un peu plus dur. Mais c'est le bon Dieu qui permet que tous ces caractères différents soient les uns à côté des autres afin de se perfectionner mutuellement par le contact; et quand on sent naître en son cœur quelque aversion naturelle, il faut prier, il faut faire des actes des vertus contraires, il faut considérer les qualités que cette personne a, et que nous n'avons peut-être pas. Demandons bien cette grâce: le secret de l'amour du prochain est dans le Cœur de Notre-Seigneur.

“Tous porteront respect et honneur aux supérieurs, ne passeront jamais devant eux sans les saluer, ne les interpelleront jamais pendant qu’ils leur parleront, et ne les contrediront pas. Ils apporteront toujours les uns vis-à-vis des autres, dans leurs paroles et leurs procédés, la déférence et les convenances voulues, surtout envers les prêtres. Les Oblats ne s’aborderont et ne se rencontreront jamais sans se  saluer” (Const., Art. XXI:1; p. 74-75).

Il faut éviter dans la conversation les façons peu convenables. Cela ne veut pas dire qu'il soit défendu d'avoir son avis sur les choses dont on parle, ni qu'il soit défendu de donner cet avis. Mais quand cela arrive, il faut avoir soin, dans le ton et dans la façon d'exposer son sentiment, de bien montrer qu'on n'est pas d'un avis contraire par esprit de contradiction ou par manque de respect.

"Ils apporteront ... toujours la déférence et les convenances voulues surtout envers les prêtres." — Il faut toujours vénérer ce caractère sacerdotal, et bien nous rappeler que le prêtre n'est pas un homme comme un autre. Pénétrons-nous de ce sentiment: c'est un sentiment qui vient de la foi et de Dieu.

"Les Oblats ne s'aborderont et ne se rencontreront jamais sans se saluer" — Quand on se rencontre il faut toujours au moins faire un petit signe de tête. Si l'on est pressé, embarrassé, dans les allées et venues officielles, on ne peut pas se saluer toujours; il faut toujours au moins avoir des manières un peu cordiales. Ce sont des riens, direz-vous; mais ces riens sont énormes. C'est là ce qui entretient la charité. Il faut aussi être très respectueux dans ses paroles, et bien éviter les manques de charité. Il faut s'observer à ce sujet. Appliquez-vous à cela cette semaine. Ce n'est pas une leçon, une théorie que je vous fais, c'est un programme, qu'il faut suivre avec fidélité. Voyez ces fêtes du Sacré-Cœur, du très saint sacrement, comme elles nous témoignent bien l'amour, le respect de Notre-Seigneur pour les hommes, et nous montrent le respect que nous devons avoir les uns pour les autres.

Recommandons bien tous ces jours-ci au memento la sœur Marie-Geneviève dont l'anniversaire était le 10. Sœur Marie-Geneviève m'a dit bien souvent ce que devaient être les Oblats et ce que le bon Dieu voulait d'eux. Mais pour correspondre à ces desseins de Dieu, il faut être fidèles. J'insiste encore sur ces recommandations que je vous fais et que je puis appeler nos commandements. Sans eux nous serons inutiles dans l'Eglise. Faites-les, et vous vivrez vraiment de la vie des Oblats. Mais soyez fidèles! Ne cherchez pas à vous donner des latitudes, des libertés qui feraient que vous ne seriez plus religieux. Voyez le cas que l'on fait à Rome et partout de cette doctrine. Ce que le Pape dit est vrai. Et comme nouveau témoignage d'encouragement de la sainte Eglise, voilà que nous venons de recevoir l'approbation des Oblates. Tout le monde a une confiance très grande en nous. Mais il faut que notre chose soit vraiment notre chose. Il faut la charité et le respect; il faut l'obéissance à la règle, c'est là tout. Cinq Evêques demandent en ce moment-ci des Oblats et des Oblates. Ils ont vu, dans la Vie de la bonne Mère, ce qu'était notre esprit, et c'est ce qui les a gagnés. C'est parfait. Il y a là une ampleur, une largeur d'idées qui va à tout le monde; mais cet esprit, il faut qu'il soit vraiment en nous. Il sera bien que nous nous préparions à fonder l'avenir, en établissant solidement le présent. Et pour cela il faut que nous soyons des saints, et que nous nous appliquions à chercher le bon Dieu en tout et partout.