Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Le silence, l’ordre du jour, le Directoire

Chapitre du 27 novembre 1889

Dans la dernière instruction que j'ai faite aux novices, je leur ai recommandé très instamment le silence. Il va de soi que si les profès ne gardent pas le silence, les novices ne le garderont pas non plus et n'apprendront pas à l'observer. C’est, une chose que je vous recommande très instamment. Une parole que l'on laisse échapper, qu'est-ce que cela? Ce n'est guère, si vous le voulez. Mais une parole que l'on retient par amour pour Dieu, par respect pour la règle et la mortification, peut être équivalente à un acte d'amour de Dieu. Vous ne marchez pas assez dans ce sens-là. Comprenez bien que notre sanctification toute entière doit se faire par ces moyens-là. Il ne faut pas chercher autre chose. Tout est là, absolument là. Je l'affirme, ce n'est ni par de longues oraisons, ni par de grandes mortifications que nous ferons quelque-chose d'équivalent à une parole retenue par amour du Directoire, par obéissance. Il faut bien faire attention à cela.

La vie religieuse n'est pas une vie d'imagination, ni qui repose sur nos moyens, nos facultés. Suivant le mot, c'est d’être lié, relié, serré contre Dieu. Que tout le monde observe religieusement le silence en tout temps, excepté au moment de la récréation. Si l'on dit une parole, que l'on s'en confesse, et les confesseurs feront bien de donner une bonne pénitence, pour qu'on s'en souvienne. Autrement notre temps sera perdu, dilapidé, nous ne ferons rien.

Donc cette semaine nous garderons tout particulièrement le silence. Tous les maîtres de la vie spirituelle recommandent cette pratique-là. Encore une fois, une parole n'a pas peut-être grande importance, mais ce qui est important, capital, c’est de faire un acte d'obéissance volontaire, spontané, généreux. Il est fort utile que je prêche le silence aux novices, mais ce serait en vain, si vous ne donnez pas le bon exemple. Ils diront: “Le silence est bon pour nous; c'est une manière d'être pour un certain temps, c'est une livrée qu'on porte au noviciat et qu'on laisse après la profession”. Soyez grands amateurs de silence; vous y trouverez une grande force et un grand secours: on a  au dedans de soi-même tout ce qu'il faut. Et que tout religieux, dans sa prochaine confession, ne manque pas de dire: “Mon Père, je m'accuse d'avoir manqué au silence pour tel ou tel motif”. C'est une obéissance que je vous donne.

 “L’ordre du jour sera observé dans chaque maison avec la plus grande exactitude, et les Oblats de Saint François de Sales, soit en mission, soit en voyage, s’y conformeront autant que possible, pour ce qui regarde les exercices personnels, tant intérieurs qu’extérieurs” Const., XVI:1; p. 57-58).

En voyage, il faut faire les mêmes exercices qu'à la maison. Il faut les faire à part soi, à la même heure, avec la même exactitude. En ne les faisant pas, on manque essentiellement à son devoir, parce qu'on manque à la Constitution, à la loi, à ses obligations. Si l'on a autre chose à faire, par exemple, l'étude, la classe, il faut tâcher d'y être fidèle tout de même. Ce n'est pas si facile de les faire juste à l'heure, mais avant ou après, ou pendant, on peut bien toujours trouver le temps de prendre la pensée de l'heure, de faire des aspirations. Il faut que les intentions du Directoire soient comme un lacet, un filet qui nous environne et duquel nous ne puissions sortir. Il n'y a pas grande difficulté à faire ainsi, quand nous en avons pris l'habitude.

Il  faut que l'ordre du jour soit suivi dans chaque maison comme il  est dit dans les Constitutions. Il ne peut être modifié que pour l'horaire. Il faut que nous observions tous ces exercices. C'est une somme que nous devons payer chaque jour. Prenons donc nos précautions quand nous prévoyons un surcroit de besogne, un travail extraordinaire. Il faut dans ce cas, si nous ne pouvons tout accomplir, demander la permission. Il ne faut pas que l'âme aille à la débandade, mais qu'elle reste soumise au joug, à la règle. Si un jour, par surprise, on n'a pas pu tout accomplir et qu'on ne puisse demander la permission, il faut demander cette permission au bon Dieu et prendre ses précautions si la chose devait se renouveler. Est-ce triste, est-ce affligeant d'être ainsi assujetti? Non. Bienheureux qui portera ces chaines. Elles relient suavement au bon Dieu. Nous ne pouvons pas trouver le bon Dieu par un autre moyen.

"Que chacun observe exactement et affectueusement le Directoire spirituel pour les actions journalières donné par Saint François de Sales, et qu’il pratiqua lui-même avec tant de fruit pour son âme et d’édification pour la Sainte Eglise” Const., Art. XVI:2; p. 58-59).

Exactement et affectueusement: l'exactitude mène à l'affection. On aime bien faire ce que l’on fait souvent, ce dont on a  pris 1’habitude. Cela délasse. Cette semaine, soyez bien exacts à faire ce que nous avons dit pour le silence. Pratiquez-le comme il est convenu; vous verrez que ce joug-là vous amènera à une paix profonde, une grande ferveur.

Il faut que chacun ait sa petite feuille du Directoire. C'est la dette à payer. Voilà une chose marquée sur votre feuille que vous n’avez pas faite dans tel moment, il faut la faire dans tel autre. Vous avez  manqué dix aspirations, trois pensées de l'heure, vous avez  un quart d'heure devant vous, faites vos aspirations, formulez votre pensée de la mort pour les âmes du purgatoire. C'est votre dette, payez-la. Il ne faut pas vous endormir sans avoir donné au bon Dieu tout ce que vous lui devez. Vous n'avez pas pu faire votre oraison mentale avec la communauté. Vous n’irez pas sans doute la faire à  9 h.1/2, à 10 h. du soir, ou plus tard. Si vous n'avez pas pu la faire à l'heure fixée, tâchez de vous ménager le temps de la faire en un autre moment. Si cela vous est impossible ce jour-là, faites-la, en travaillant à autre chose; faites cette chose, ce travail qui s'impose à vous, cette oeuvre manuelle, cette préparation de classe, en esprit d'oraison.

Notre-Seigneur dit que le royaume des cieux est semblable à un marchand (Mt 13:45). Un marchand met ses affaires en règle tous les soirs. S'il laisse ses comptes s'accumuler un jour, plusieurs jours, ses comptes s'embrouillent et cet homme finira par négliger ses obligations, par se ruiner. En étant exact à satisfaire à nos obligations, nous faisons nos affaires, celles de la sainte Eglise, et celles des âmes que le bon Dieu nous destine. Le bon Dieu nous a destiné à tous un certain nombre d'âmes à sauver. Sainte Thérèse en a eu plusieurs fois la révélation. C’est du reste ce que dit la sainte Ecriture: “Il leur donna des commandements chacun à l’égard de son prochain” (Si 17:14). C'est surtout pour nous religieux que cette parole est vraie. Donc le silence, l'exactitude à 1'accomplissement des obligations journalières et la fidélité au Directoire.

Depuis la dernière retraite, nos pères de toutes nos maisons ont une excellente coutume. Ils ne m'écrivent jamais sans me faire un compte rendu exact de leur âme et de la manière dont ils ont pratiqué le Directoire. C’est là notre force, notre vie; qu'on s'y habitue bien. Comme nous avons toujours un grand secours du bon Dieu en toutes choses, il faudra bien cette semaine invoquer la bonne Mère afin qu'elle nous donne le goût de bien pratiquer tout ce que je vous ai recommandé. Encore une fois, qu'on s’y mette et l'on sentira que cela est bon, très bon.

Priez bien aussi pour nos missionnaires. Le P. David se recommande aux prières de la communauté. Ils ont tous été malades, les uns après les autres d'une espèce de petite vérole volante qui les a bien éprouvés. Un frère qu'ils avaient ramené du Brésil en est mort.

Le P. Simon, lui aussi a été malade. Il a eu une insolation pour avoir travaillé la tête découverte au soleil. On m'écrit qu'il va bien. Il faut bien prier aussi pour la massion du Cap. C'est un pays bien affligé par suite de la disette. Ils n'ont pas fait de récolte cette année. Nous ne pouvons leur envoyer que nos prières; n’y manquons pas. Cela décidera peut-être quelque bonne âme à venir à leur secours.