Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Le moment des bonnes résolutions

Chapitre du 31 octobre 1888

Il faut nous souvenir que nous sommes religieux pour nous préparer à aller au ciel et pour faire aller au ciel un grand nombre d'âmes. Et nous irons au ciel, et un grand nombre d'âmes iront avec nous, si nous sommes de saints religieux. Il faut que les grandes fêtes, et surtout la Toussaint, viennent renouveler nos pensées, nos volontés, toute notre conduite. Il faut que nous renouvelions au bon Dieu les promesses de la retraite, que nous soyons plus fidèles, que nous pratiquions plus exactement le Directoire, que nous soyons plus mortifiés, plus unis au bon Dieu dans nos prières, dans toutes nos actions. Le bienfait n'en sera pas seulement pour nous, mais tous les fidèles en profiteront. Et c'est non seulement à titre de charité que nous devons ainsi aider les fidèles, mais à titre de justice. Ce n'est pas facultatif, c'est notre mission, notre devoir, notre office. Pénétrons-nous bien de cela: nous ne pensons pas assez à toutes nos obligations. Si nous remplissons à peu près, et vaille que vaille, toutes nos plus grosses obligations, nous croyons que tout est dit. Non, tout n'est pas dit. Il faut faire davantage; maintenant surtout que les efforts de Satan sont innombrables, et que la victoire semble lui être acquise de tous côtés.

On me faisait dernièrement la remarque que beaucoup d'hommes vertueux, pleins de zèle, éprouvaient un grand découragement, une grande lassitude, en se voyant seuls, abandonnés, en présence des luttes à soutenir. Si la lutte est grande, les moyens que nous avons pour la soutenir sont grands aussi. Mais ces moyens ne peuvent être utilisés qu'en raison de notre fidélité. Tous les ordres religieux sont réduits presque à l'impuissance; le clergé séculier a les bras liés. Une seule force peut agir, celle que la bonne Mère appelait “la force des mérites du Sauveur”. Or cette force des mérites du Sauveur agit quand elle trouve des religieux disposés à se dévouer. Ce n'est pas en nous jetant à corps perdu dans la mêlée, dans la presse, dans la prédication que nous ferons grand’chose. Nous ne sommes ni prédicateurs, ni journalistes. Le vrai moyen de salut se trouve, dit l'apôtre, “dans la puissance de Dieu” (1 Co 2:5), il se trouve dans notre union avec lui, dans l'opération que nous faisons avec lui. C'est là que nous trouvons la force, l'activité.

Ce ne sont pas là des idées spéculatives, c'est notre devoir, notre code, c'est ce que nous devons faire littéralement et rigoureusement, c'est la loi. Il faut que cette loi ait son accomplissement: la loi de la charité, de l'union avec Dieu par le moyen des exercices de la vie religieuse, et de l'union avec nos frères. Faisons ainsi pour aller au Ciel, et pour y faire aller beaucoup d'âmes.

Les Israélites disaient au prophète: "Tout le monde t’attend” C'est vrai encore. Tout le monde attend un renouvellement. Bien des personnes déclarent qu'il y a dans la doctrine de la bonne Mère un renouvellement: c'est la pensée, le fait qui doit renouveler le monde. Non pas que nous ayons la prétention de renouveler le monde par nous-mêmes. Le Sauveur a racheté le monde par sa vie, par sa mort et par sa passion. Il veut encore le racheter, et comme il n'est plus là dans son humanité, il veut se servir de nous, et c'est par notre vie, notre mort et notre passion qu'il veut racheter le monde. Nous ne pouvons pas sortir de là.

En face de cette multitude de bienheureux qui nous protègent, encourageons-nous à faire ce qu'ils ont fait, à donner ce qu'ils ont donné. Si nous avons à combattre, Notre-Seigneur n'a-t-il pas douze légions d'anges, comme il le disait, à notre service? Comprenons bien cela à la lumière divine, qui éclaire les saints du paradis. Voyons ces vérités aux clartés du ciel, aux lumières de la foi. Devenons foncièrement religieux. Apprenons à acquiescer sans cesse à la Volonté divine.

Que chacun fasse un examen sérieux pour voir s'il donne tout ce qu'il doit. Que chacun règle bien son compte pour le paradis. C est le moment favorable, c'est le moment des bonnes et fortes résolutions. L'armée immense des bienheureux du ciel nous regarde, nous bénit. Qu'elle nous donne l'intelligence nécessaire pour comprendre ces choses. Dieu soit béni!