Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

La sainte messe

Chapitre du 25 avril 1888

“Pendant que le prêtre se prépare, il faut se mettre en la présence de Dieu, et quand il dit le Confiteor, il se faut prosterner en esprit devant Dieu, reconnaître ses péchés, et lui en demander pardon” (Dir., Art. V; p. 38-39).

Ce chapitre a trait surtout aux Frères et à ceux de nos Pères qui ne sont pas encore prêtres; il a trait aussi à ceux d'entre nous qui disent la messe et qui ont la charge de la direction des âmes pour qu'ils aient le vrai sens de la dévotion à la sainte messe et pour qu'ils apprennent aux âmes ce sens et la manière dont il faut entendre la messe. Nos Frères et nos Pères qui ne sont pas prêtres doivent se conformer exactement à cet article du Directoire. Pour ceux qui doivent être prêtres un jour, c'est un excellent moyen de se former à cette grande action de la vie sacerdotale. Dans la direction des âmes nos Pères prêtres auront un soin tout particulier d'insister sur la sainte messe et sur les moyens de la bien entendre. Ils porteront les âmes à une confiance très grande au saint sacrifice, à une dévotion toute spéciale à la sainte messe. Le grand caractère du christianisme, c'est la dévotion à la sainte messe.

Tous les ennemis de l'Eglise ont d'abord attaqué la messe. Luther et Calvin ont publié des traités contre la messe. Luther disait que c'était une invention du diable. Les juifs poursuivent la messe de leur haine. Par contre il y avait chez tous les chrétiens (il n'en est plus de même aujourd'hui) une immense confiance en la sainte messe. On faisait dire des messes en toute circonstance. On allait même parfois jusqu'à en abuser et à faire dire des messes pour des choses qui n'étaient pas permises. A l'heure qu'il est, d'où vient l'affaiblissement de la foi? N'est-ce pas beaucoup du peu de soin qu'ont eu les prêtres — et c'est un reproche que nous devons tous nous adresser — de ne pas instruire les fidèles de l'efficacité du saint sacrifice, de l'utilité d'assister à la messe et des moyens de le bien faire. On ne fait plus dire de messes, on n'y assiste plus. La messe n'est plus rien, et c'est pourtant tout.

Il faut partir cependant de la vraie doctrine. L'ancienne loi toute entière tournait autour du sacrifice: c'était le pôle, le centre de la religion. Les philosophes, de Maistre, de Bonald et d'autres 1'ont bien démontré. Le sacrifice est une partie essentielle de l'acte d'adoration envers Dieu. A l'holocauste se rapportaient dans l'ancienne loi tous les autres sacrifices: le sacrifice du matin, le sacrifice du soir, l'hostie de propitiation pour les péchés. Il n'y avait qu'un seul dogme, une seule pratique, le sacrifice. Le culte de Dieu n'est pas changé. Le sacrifice de la croix domine toute la religion et le sacrifice de la messe est la représentation du sacrifice de la croix. Les sacrifices que nous demande tous les jours la religion: le sacrifice de nos passions, de nos inclinations mauvaises, tout cela n'a de valeur que par la force du sang de Notre-Seigneur qui se trouve en toute sa plénitude au saint sacrifice de la messe. C'est là tout.

Faites-y bien attention. Que la Congrégation professe toujours la plus grande foi au saint sacrifice de la messe. Qu'on y assiste bien; qu'on fasse en sorte d'inspirer aux fidèles, soit dans les instructions, soit dans la direction intérieure, la plus grande foi, la plus grande confiance en la sainte messe. Que la Congrégation apprenne à remettre la messe à la place qu’elle doit occuper dans la vie chrétienne. C'est bien la doctrine de l'église, c'est éminemment la doctrine de notre saint Fondateur, c'était la doctrine et la pratique de la bonne Mère Marie de Sales. Pendant la messe, elle apparaissait toute transfigurée, et c'était alors que Dieu lui donnait tout ce qu'elle recevait.

Que la Congrégation fasse profession toute spéciale d'honorer le saint sacrifice de la messe, de le célébrer avec dévotion, avec toute la dévotion possible, d'y assister dans les conditions que nous marque notre saint Fondateur, et de faire qu'elle soit réellement le pôle, le centre, la vie de tous nos exercices spirituels. C'est une chose bien facile à voir: quand la messe est désertée, il n'y a plus de foi, plus de religion. Là où l'on assiste à la messe, la foi est maîtresse; je sais bien que c'est précisément à cause de cette foi qu'on assiste à la messe, mais il est certain aussi que le défaut d'utiliser la messe est pour une grande part dans la perte de la foi, dans la défaillance des âmes d'aujourd'hui. Donc, que tous ceux qui ne disent pas la messe s'appliquent à se conformer entièrement à cet article du Directoire.

Il est inutile de l'expliquer en détail, il est facile à comprendre. Je ne ferai qu'une seule remarque. Notre saint Fondateur veut qu'à la consécration on s'offre autant que Notre-Seigneur à Dieu son Père; qu'on s'offre dans son cœur, dans son corps, ses sens, sa volonté, qu'on s'offre tout entier. Faisons à ce moment-là l'acceptation de toutes les souffrances, de toutes les épreuves, de toutes les volontés divines, de tout ce qu'il plaît à Dieu de nous envoyer, et en même temps remettons-nous à Dieu quant et lui, avec Notre-Seigneur et dans la même mesure. Ce mot suffit à expliquer toute la doctrine de notre saint Fondateur sur la messe.

J'appelle l'attention toute entière de la Congrégation sur l'importance du saint sacrifice de la messe. Les confesseurs et ceux qui prêchent ne se contenteront pas d'instruire une ou deux fois à ce sujet, mais ils reviendront souvent là-dessus. Ils feront bien comprendre l'excellence de la messe, ils enseigneront la manière de la bien entendre, ils amèneront les âmes au pied de l'autel. Là elles comprendront, là, Dieu leur parlera.

La méthode que donne notre saint Fondateur est bien bonne. On peut dire au commencement un peu de chapelet, si l'on veut. Si l'on aime mieux faire d'autres prières, remercier Dieu des grâces qu'il nous a faites, on le peut. Que nos Frères, que nos Pères se pénètrent bien de cet article. Que ceux de nos Pères surtout qui ne sont pas encore prêtres s'y attachent extrêmement. On ne dit bien la messe que quand on a bien su l'entendre, quand on s'y est bien préparé et avec le plus de soin possible. On en a l'amour , la dévotion et on l'inspire aux autres.

Notre saint Fondateur recommande de faire la communion spirituelle. C'était aussi une grande dévotion de saint Liguori. Notre saint Fondateur du reste revient souvent là-dessus dans ses ouvrages. La communion spirituelle n'est autre chose qu'un acte de désir de la sainte communion que l'on forme dans son cœur, peu importe la formule. A propos de formule, on peut réciter l'acte de désir de notre saint Fondateur avant la communion, on peut prendre aussi diverses formules de saint Liguori, elles ont une grande autorité dans l'Eglise. On doit recevoir la bénédiction du prêtre avec la même dévotion que si on la recevait de la personne même de Notre-Seigneur.

Ayez bien soin de ne pas vous appuyer pendant la messe, de ne pas croiser les jambes, mais tenez le corps droit, sans raideur, simplement, mais d'une façon extrêmement révérencieuse, de façon que les fidèles comprennent par votre recueillement, votre attitude, que vous vous croyez bien en la présence de Dieu et que vous l'adorez réellement.

Mgr Mermillod me racontait un jour une histoire à ce sujet. Une grande dame protestante entra un jour dans sa cathédrale, Notre-Dame de Genève. Se voyant seule, elle se cacha dans un confessionnal pour observer mieux les catholiques. Monseigneur entra dans l'église. “Voilà l'Evêque”, se dit la dame, “il se croit seul, je vais voir ce qu'il va faire”. Elle vit Monseigneur prendre de l'eau bénite, faire une génuflexion profonde et une prière devant le tabernacle, saluer respectueusement en passant les statues des petits autels et se retirer avec recueillement après avoir terminé ce qu'il était venu faire. Il fit avant de sortir ce qu'il avait coutume de faire quand il était seul, et ce que faisait en pareil cas notre saint Fondateur, il baisa respectueusement la marche de l'autel.

La dame n'y tint pas. Elle court à la suite de l'Evêque:  “Monseigneur, vous ne m'avez pas vue dans l'église?”
— “Il n'y avait personne”.
— “Si, j'y étais. Voilà quelque temps que j'ai des ébranlements dans ma volonté et des sollicitations de me faire catholique. Je pensais que les prêtres catholiques ne croyaient pas à tout ce qu'ils enseignaient. Je vois qu'ils sont sincères dans leur foi. Je veux être catholique, recevez mon abjuration et dites-moi ce que j'aurai à faire”. Tenez-vous donc bien. Si vous avez devant vous un accoudoir, à moins que vous ne soyez fatigué ou malade, appuyez seulement vos mains.

Faites bien le signe de la croix quand le Directoire vous le marque ou que la coutume vous l'indique. Observez religieusement de rester à genoux tout le temps de la messe si vous le pouvez, ou au moins depuis le Sanctus jusqu'à la fin de la messe. Ces prescriptions portent avec elles comme une grâce sacramentelle; elles font grand bien à nous et aux autres. Retenez de tout ce que je vous ai dit dans ce Chapitre, quelle importance vous devez donner à la sainte messe. C'est la continuation du sacrifice de la croix, c'est toute la religion, ce doit être votre base religieuse, celle de votre foi, ce doit être toute votre doctrine, toute votre morale. Nous y penserons bien, et notre pratique toute particulière cette semaine d'abord — nous continuerons ensuite — sera de bien entendre la messe.

Je recommande tout particulièrement à vos prières la mission du Cap. Le Père Simon m'écrit qu'on lui offre une petite maison à acheter de l'autre côté de l'Orange où nous voulons nous établir malgré les oppositions des ministres protestants. Nous aurions là un pied-à-terre, un centre d'action. Priez pour que quelque âme charitable veuille bien nous aider pour faire cette acquisition, pour que nous ayons à cette occasion quelque secours de la Propagation de la Foi. Nous irions ainsi planter notre tente de l'autre côté de l'Orange, en pleine Hottentotie.