Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

L'office divin

Chapitre du 18 avril 1888

L'office divin est la chose principale du religieux, dans la pensée de l'Eglise. C'est de là que vient le nom d'office, c'est la charge, l'occupation première, tout le reste n'est que l'accessoire de l'office. Les anachorètes des premiers siècles, les grands ordres, les Chartreux en particulier ont un office très long. Ils emploient 5, 6, 7 heures par jour à chanter les louanges de Dieu. Toutes les forces de l'individu, toute son action se concentrent là. Le reste n'est qu'un repos, une distraction, une préparation à l'office. Pour nous, nous ne pouvons pas donner autant de temps à l’office, mais nos autres occupations doivent être pour nous vraiment un office divin. Elles doivent être la louange de Dieu, la gloire de Dieu: c'est l'emploi du religieux.

Quoique l'office par lui-même ne tienne plus la même place dans notre vie, gardons-lui bien ce nom. Que cette prière de l'office soit la grande et importance charge de notre vie, l'office que nous faisons à Dieu comme religieux. Si l'office dure moins longtemps, il n'en est pas moins la chose principale, la chose la plus excellente que nous ayons à faire. La pensée de l'Eglise, des Fondateurs d'ordres, dans l'institution de l'office, était de donner en terre à Dieu la louange continuelle, perpétuelle, égale à celle des anges.

“Les Frères qui ne sont pas tenus à réciter le Bréviaire, diront à l’ordinaire le petit office de Notre-Dame. Mais ceux qui ne pourront pas le dire, le remplaceront ainsi qu’il suit: Au lieu de Prime, Tierce, Sexte et None, ils diront douze fois le Pater noster et l’Ave Maria, et le Credo à la fin. Au lieu de Vêpres et Complies sept Pater et sept Ave, et pour Matines et Laudes dix” (Dir., Art. IV; p. 34).

J'ai envoyé à Rome le chapelet des Pater et des Ave afin que notre Saint-Père le Pape l'enrichît d'indulgences.

“Les Frères auront en singulière recommandation la simplicité et promptitude à l’obéissance; et partant lors que les offices sonneront, ils doivent courir à la voix de Dieu qui les appelle; c’est-à-dire partir allègrement au premier coup de cloche, se mettre en la présence de Dieu, et à l’imitation de saint Bernard, demander à leur âme ce qu’ils viennent faire en s’adressant à Dieu. Comme aussi ils pourront tenir cette méthode en tous leurs autres exercices, afin qu’ils portent en chacun d’iceux l’esprit qui leur convient: car il ne faut pas une même contenance et action à l’église qu’à la récréation” (Dir., Art. IV; p. 34-35).

Notre saint Fondateur parle là d'obéissance. L'obéissance est d'autant plus nécessaire que l'acte est plus important. La place que doit avoir l'obéissance, l'exactitude est donc extrêmement importante quand il s'agit de l'office: “Ils doivent courir à la voix de Dieu qui les appelle”. Voilà la pratique qu'il faut faire: interroger notre âme et lui demander ce qu'elle va faire, à qui elle va parler.

Je ne m'étends pas longuement sur le bréviaire: on pourrait en faire l'objet de longues conférences. Ayez soin de regarder le bréviaire, le petit office de la Sainte Vierge, non seulement comme un devoir à accomplir, mais comme une prière à faire et qui demande de la piété, de la ferveur, et de l'intelligence aussi. C'est un grand moyen de nourrir la piété. Je ne dis pas qu'il faille faire une étude de son bréviaire, mais on peut en tirer beaucoup de remarques qui nourrissent l'âme. Dans les légendes des saints, il y a beaucoup de choses à retenir; dans les paroles de l'Ecriture appliquées à telle ou telle fête, il y a des choses bien remarquables à prendre. La liturgie est une source extrêmement féconde de méditations. Notre saint Fondateur puisait beaucoup à cette source. On y puise beaucoup en Italie, on ne le fait pas assez en France, et l’on a tort.

C'est la parole de l'Eglise et la parole du Saint-Esprit; cela nous rendra beaucoup de services dans nos catéchismes, dans nos instructions. Nous y trouverons de grandes lumières, des aperçus dont nous ne nous doutions pas. L'Esprit de Dieu est intelligence et lumière. Encore une fois, je ne vous demande pas d'en faire une étude, de rester longtemps pour le dire, mais je vous demande de le dire avec une attention spéciale, et vous constaterez que vous ne le direz presque pas une seule fois sans trouver quelque chose à prendre, soit dans la légende, soit dans l'homélie, les antiennes, le capitule, les collectes. Surtout vous y trouverez des instructions à faire à vous-mêmes et aux autres. Vous vous-en servirez dans votre oraison, dans vos instructions aux fidèles, votre parole portera la grâce avec elle, puisque ce sera la parole de l'Esprit-Saint et de l'Eglise.

Attachez-vous à cela avec une grande dévotion et attention. Les psaumes sont remplis de trésors. Nous ne nous nourrissons pas assez de la Sainte Ecriture. L'ensemble du bréviaire est un magnifique enseignement théorique et pratique, c'est une doctrine complète et qui peut remplir toute une vie. Je vous recommande bien particulièrement cette lecture attentive et pieuse de l'office. Ceux qui disent le petit office de la sainte Vierge le trouveront eux aussi ravissant de piété et d'enseignement. Vous y trouverez beaucoup de grâces et de lumières; il y aura là pour vous une source surabondante. Quand on marmotte son bréviaire il n'y a plus rien pour l'esprit et le cœur: l'intelligence et la piété n'y trouvent rien. Les prédicateurs italiens et espagnols, voyez leurs sermons, ont toujours fait un grand usage de la liturgie. C'est un enseignement priant et chantant qui complète l'enseignement de la prédication; c'est l'enseignement des yeux, des oreilles et du cœur.

“... comme aussi ils pourront tenir cette méthode en tous leurs autres exercices ...” — À propos de contenance, il faut bien se souvenir qu'à l'église, dans la prière, nous ne devons pas nous appuyer, mais nous devons nous tenir droits sur nos reins, les pieds à côté l'un de l'autre, mais non croisés, dans une contenance pieuse. Nous n'avons pas d'austérités, édifions au moins les fidèles et les anges de Dieu qui ne voient pas toujours nos pensées. Il faut que notre haire et notre cilice soient cela: la piété, la gravité, la simplicité, une contenance digne et convenable.

“Il faut ès exercices qui regardent immédiatement l'honneur et service de Dieu, un esprit humble, rabaissé, grave, dévot, et sérieusement pieux. Avant donc que de commencer l’office, les Frères provoqueront leur âme à de semblables affections; et après l’acte d’adoration, offriront à Notre-Seigneur cette action pour sa gloire, à l’honneur de la sainte Vierge Notre-Dame et Maîtresse, et au salut de toutes les créatures” (Dir., Art. IV; p. 36).

Il faut que nos prières soient humbles, que nous sentions bien nos misères. C'est très beau l'humilité, elle nous met bien à notre place, elle rassérène l'âme, la remet à sa place, la repose complètement et dans l'esprit et dans le cœur et dans la conscience, elle obtient le pardon des péchés, la paix. Il faut être extrêmement humble. L'humilité, ce que c'est, demandons à Dieu de nous le révéler, de bien nous faire connaître combien nous devons nous mésestimer, nous reconnaître couverts de péchés, d'imperfections, de défauts, de choses qui déplaisent aux autres, au bon Dieu et à nous. Comme dit l'Apôtre saint Jean, quand nous nous accusons nous-mêmes, nous sommes dans la vérité, la vérité est en nous.

“Disant le Deus in adjutorium, etc. ils doivent penser que Notre-Seigneur leur respond: Soyez aussi attentifs à mon amour” (Dir., Art. V; p. 36).

La pensée que donne notre saint Fondateur, que nous disons 1'office avec les anges. Ils disent un verset et nous leur répondons par l'autre. C’est une pensée qui fait beaucoup de bien à un grand nombre de prêtres et de religieux. Elle est d'autant meilleure pour nous qu'elle nous est recommandée par le Directoire.