Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Introduction, Traité, Entretiens spirituels

Chapitre du 30 novembre 1887

“Pour l’oraison, ils s’y formeront suivant les enseignements de l’Introduction à la Vie Dévote, du Traité de l’Amour de Dieu, des Entretiens Spirituels, et autres bons livres conformes à ceux-là; particulièrement, sur l’attrait et conduite du Saint-Esprit, et la direction qui leur sera donnée, ne s’amusant jamais sur des subtilités, et vaines suréminences qui ne sont que tromperies et déceptions” (Dir., Art. II; p. 20).

Il faut que nous suivions bien les enseignements de notre saint Fondateur, ceux qu'il donne en particulier dans l’Introduction à la Vie Dévote. Il faut tous lire au moins une fois l'Introduction et bien nous en pénétrer. Que ce soit un de nos livres usuels. Lisons un peu à la fois pour nous en bien remplir; que ce soit comme notre Imitation. Ce sera le code dont nous nous servirons dans la direction des âmes. Il faut que nous en possédions l'esprit, les termes même. Vous savez tous les éloges faits par les protestants eux-mêmes au sujet de ce livre. Certainement il a fait à son apparition une révolution dans le monde chrétien, une révolution presque complète dans l'enseignement de la piété et de la perfection. On trouva que c'était bien la même doctrine que les Saints -Pères, saint Bernard en particulier, doctrine que l'on avait à peu près laissée de côté et oubliée dans ces temps-là. Les pères Jésuites avaient quelque chose de cette manière de faire, mais ce n'était pas aussi complet. C'est dans l'Introduction qu'il commença d'enseigner cette doctrine dont il devait poser la base dans le Directoire spirituel. Ce doit donc être notre Somme théologique. Lisons-la. Il n'est pas besoin d'une édition de luxe. Mais ayons une édition dans le style de l'époque, c'est absolument nécessaire. Les autres sont des espèces de traductions, d'autant plus regrettables qu'elles dénaturent souvent la pensée du saint, avec les expressions.

Le Traité de l'Amour de Dieu est assurément le traité de la charité le plus complet et le plus parfait qui existe. Les autres auteurs du XVe et du XVIe siècles qui ont écrit sur ce sujet sont beaucoup moins complets et moins parfaits que saint François de Sales. C'est un chef- d’œuvre de philosophie et de théologie. C'est tout ce qu'il y a de plus vrai. C’est l’œuvre d'un Docteur de l'Eglise, comme du reste tout ce qui sort de sa plume. Il est fâcheux que nos travaux ne nous permettent pas de nous identifier autant que je le voudrais avec ces chefs-d' œuvre, qui sont de vraies merveilles. Les citations que fait saint François de Sales dans ses écrits prouvent une immense érudition. Il se montre non seulement l'homme de la théologie affective, mais le dialecticien solide, le théologien le mieux appuyé. Ce sont les premières mères de la Visitation que nous retrouvons à l’origine de ce livre, et qui ont aidé à le faire, en transcrivant les copies, en donnant même quelquefois leurs idées, comme il le dit lui-même.

La lecture du Traité de l'Amour de Dieu peut ne pas convenir peut-être à tout le monde. Les premiers livres sont un peu élevés. Mais avec un peu de réflexion et d'étude, ils sont faciles à comprendre. Une pensée générale sort de la lecture de tout ce traité. Pour faire si bien, il fallait que l'auteur fût bien pénétré de son sujet; il était là à la base de sa doctrine comme à la base de son action, au fondement de son œuvre.

Qu'on lise donc aussi le Traité de l'Amour de Dieu; si tous ne peuvent pas tout comprendre, ils y auront toujours du moins quelque chose à prendre. Cela nous aidera à meubler notre âme, à remplir notre cœur pour l’oraison. Voilà pourquoi le Directoire dit “qu'ils se formeront à l'oraison suivant les enseignements de l'Introduction à la Vie Dévote, du Traité de l’Amour de Dieu...”.

Mais de tous les écrits de saint François de Sales, celui dont nous devons le plus nous pénétrer, c'est le Directoire. Nous l'avons continuellement en main, notre petit Directoire; qu'il soit comme notre Evangile. Tout vient de là, tout pour nous doit sortir de là. Qu'est-ce qu'il y a de plus simple que l'Evangile? Et pourtant il y a là en substance tous les docteurs, et bien plus que les docteurs! C'est quelque chose d'analogue que le Directoire. Le père Clément, Bénédictin, secrétaire de Monseigneur Mermillod, me disait: “Le Directoire renferme la stratégie la plus habile que je connaisse pour arriver à la perfection de l'âme.”

Je vous recommande bien l’Introduction à la Vie Dévote. Il faut que tout le monde l'ait pour y faire sa lecture. On lira aussi le Traité de l'Amour de Dieu. Les Entretiens spirituels sont des entretiens faits par notre saint Fondateur sur différentes vertus. Ce n'est pas précisément la rédaction du saint, on le voit bien du reste. C'est bien la doctrine, mais ce n'est pas tout à fait le style. Lisons bien aussi ce livre, et qu’il soit comme l'Evangile pratique de notre vie et de nos vertus religieuses et chrétiennes. Il est d'autres livres, faits dans ce même esprit, et qui peuvent nous être aussi de quelque utilité quand nous les rencontrerons, Fénelon, par exemple, surtout dans ce qu'il a écrit de l'oraison. Il ne faut pas croire que ce que dit notre saint Fondateur ne soit appuyé sur rien. Ce qu'i1 dit est chose bien étayée, parfaite, et bien travaillée. C’est tout simple, tout naturel, et en même temps plein de profondeur. C'est dit tout bonnement, et c’est pourtant le fruit de longs travaux. Et ce sont ces longs travaux qui ont permis au saint Docteur d'arriver à une simplicité si parfaite d'expression. Dans chaque mot nous trouverons une mine, une source abondante d’idées et de sentiments de piété.

Ils feront l'oraison, dit le Directoire, "particulièrement sur l'attrait et conduite du Saint- Esprit, et la direction qui leur sera donnée." Nous avons sur l'oraison notre doctrine bien complète, bien entière et bien approuvée; nous en parlerons la prochaine fois.

"... particulièrement sur l’attrait et conduite du Saint-Esprit..." — Tout le monde n'est pas conduit par la même voie. L'Esprit souffle où il veut et quand il veut; son action n'est pas la même dans chaque âme et l'attrait de chacun n'est pas le même, et il n’est pas toujours le même pour chacun. L'un aura plus d'attrait pour la mortification, l'autre pour l'exactitude à l'obéissance, un autre pour contempler tel ou tel mystère de Notre-Seigneur. L'un fera son oraison d'une façon plus affectueuse, se tournera plus volontiers du côté de la sainte Eucharistie, du Sacré-Cœur, de la très sainte Vierge. L’Esprit de Dieu est unique, mais il est multiforme par les attraits qu'il imprime dans l'âme. Il faut que ces attraits soient soumis au Directoire. C'est le moyen de distinguer s'ils viennent bien de I’Esprit de Dieu.

Nous devons être des hommes d'oraison: “Notre cité se trouve dans les cieux” (Ph 3:20). Toutes les fois certainement que nous trouvons quelque chose qui nous touche, qui nous fait du bien, nous pouvons nous en servir pour faire notre oraison. Demandons bien l'Esprit du bon Dieu; qu'il nous instruise dans cette science de l'oraison; qu’il nous apprenne à aimer l'oraison, c'est la science des religieux, c'est la science des saints. Soyez bien exacts à faire vos oraisons matin et soir. Appliquez-vous-y d'une manière particulière cette semaine.