Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Union à Dieu, pauvreté, oraison

Chapitre du 16 novembre 1887

“Donc, très chers frères, mes fils très désirés, ma joie et ma couronne, demeurez ainsi en Notre-Seigneur, mes bien-aimés. O Fils des colloques célestes, je vous prie, ains je vous conjure, de sentir tous un même amour, et de vivre tous en un même accord de cette vocation en Jésus-Christ Notre-Seigneur, et en sa Mère Notre-Dame” (Dir., Désir à l’imitation de celui de S. Paul; p. 14-15).

Notre saint Fondateur exprime le vœu que nous soyons tous unis à Notre-Seigneur, que notre vie dépende entièrement de Dieu, que chaque volonté, chaque désir de notre âme nous rapproche de Dieu, et que nous fassions avec lui toute chose. Voilà pourquoi il nous a établis, voilà le vœu qu'il forme pour nous. Là est notre base, notre centre. C'est là-dessus que nous devons agir. C'est de là que nous devons recevoir le mouvement, et pas d'ailleurs. Voyez le mouvement des astres, comme tout est ordonné, comme tout part du même point, comme tout marche d'un commun accord. Chacun n'a pas son mouvement à part, sa marche à rebours des autres. Si une de ces masses se mettait en mouvement en dehors de la marche générale, ce serait désastreux. Pour nous aussi c'est non seulement un conseil, un point de vue; c’est notre chose, notre affaire. Ô fils des colloques célestes! Que notre conversation “se trouve dans les cieux” (Ph 3:20).  Que nos pensées, nos désirs, nos réflexions, ce qui se passe à l'intérieur de notre âme, soit céleste. Il faut toujours penser, dit saint Ephrem, que ce soit toujours à une chose bonne, jamais mauvaise ou vaine. Notre esprit est toujours en activité, qu'il soit toujours “dans les cieux” (Ph 3:20).

Ce n'est pas facile à faire du premier coup. L'exercice du Directoire amène à cela. Et lorsqu’on est arrivé à cet état par la pratique habituelle du Directoire, on est devenu vraiment l'instrument de Dieu, son apôtre, son ami. L'entretien avec Dieu est continuel. Tout ce que l'on fait devient chose sainte, ses devoirs de chaque jour, le travail manuel; chose plus sainte que si l'on faisait l’oraison à ce moment, puisque l'âme fait alors ce que Dieu demande d’elle. Tous nos actes sont donc comme des colloques célestes, faits en union avec Dieu, avec notre cœur et notre amour. Nous vivons en un même accord avec Dieu; il vit avec nous, il nous aide en notre besogne et en nos devoirs. Plus notre charité sera grande, plus l'accord sera entier.

“... vivre tous en un même accord de cette vocation en Jésus-Christ Notre-Seigneur...” —  Les religieux sont  la famille de Notre-Seigneur, son armée, son rayonnement.
 
“... et en sa Mère Notre-Dame.” — Notre-Dame est auprès de Notre-Seigneur. Elle a droit à toute notre vénération et notre dévotion. Ces quelques lignes nous rappellent que notre vie ne doit pas avoir d'autre centre, d'autre mouvement que l'union à Dieu, laquelle union s'effectue dans les actes extérieurs de notre vie, par suite de l'union intérieure de notre volonté et de notre amour avec la volonté de Dieu. L’emploi matériel est pour nous, quand nous sommes en union avec la Règle, un acte d'amour qui mérite le ciel. Non pas en vérité par notre mérite particulier, mais par le mérite que Notre-Seigneur y attache. De cette union avec Dieu résulte nécessairement l'union entre nous. L'amour de Dieu dominant tout, chacun se rencontre dans la paix et la charité.

Je parlais l’autre jour du vœu de pauvreté. J'ai quelques remarques à faire encore sur ce sujet. Par rapport au gaz, je charge tout le monde d'y veiller. Quand, par exemple, le soir celui qui en est chargé a oublié de baisser ou d'éteindre le gaz, c'est à celui qui s'en aperçoit à le faire. Je charge chacun dans son emploi de veiller à ce que le gaz ne brûle pas inutilement, soit dans les corridors, dans la cour, dans les dortoirs.

Vous savez la décision promulguée en chapitre au sujet des intentions de messes: qu'on l'applique. Je répète ce que j'ai dit, que ceux de nos pères qui avaient permission d'employer cette somme, ou une partie devront s'entendre avec moi. Il leur sera assigné, aussi discrètement que possible, une compensation prise autre part. Mais les honoraires de messes sont destinés exclusivement à éteindre la dette du noviciat. Cette décision, je l’ai prise surtout en vue du vœu de pauvreté qu'il faut que nous observions entièrement, absolument. Nous négliger sur ce point serait nous exposer à toute espèce de catastrophes. Dieu tient extrêmement à l'observation de ce vœu et en récompense la pratique fidèle. C'est le vœu de la communauté, celui qui conserve la communauté. La prospérité temporelle et spirituelle est la récompense de cette observance. Au contraire, et j'en ai eu bien des exemples, des difficultés, des impossibilités sans nombre, et surtout l'impossibilité de conserver l'esprit religieux surviennent de toutes parts, quand on veut vivre en dehors de cet esprit. Rome, la congrégation des Evêques et Réguliers, cherchent à faire exécuter ce vœu strictement. Dans les Analecta, vous pourrez voir des choses très fortes qui montrent les intentions du Saint-Père à cet égard. Nous ferons donc les sacrifices nécessaires. Ceux à qui j'ai promis quelque chose l'auront, mais la chose ne sera disponible qu’au moment de l'employer, afin que chacun n'ait pas de l'argent avec soi. C’est contraire à l'esprit de la Règle, et à la lettre, que chacun puisse avoir de l'argent, sacristain, etc... C’est l'économe qui doit être le dépositaire. Ce qui est reçu par chacun doit être mis en commun, comme dit la Règle, et comme je vous en donne l'obéissance. Encore une fois, toute espèce d'épreuves tombent sur les maisons où l'on n'observe pas la pauvreté. Ces maisons-là sont des séjours de douleur.

Je recommande à nos jeunes profès de ne pas abandonner les exercices religieux, de ne pas abandonner surtout l'oraison du matin. Portons bien le joug du Seigneur. Plus nous serons sous la dépendance, moins nous aurons notre liberté, et plus facilement nous serons unis à Dieu. Qu'on pratique le silence aussi, en dehors des récréations. Dites un mot, si ce mot est nécessaire, mais n'en faites pas une récréation. Dans toute communauté, le silence à la chapelle, au réfectoire, à la salle de communauté, est plus rigoureux qu'ailleurs, et ne doit pas être enfreint sans des raisons majeures. C'est une loi sacrée, en dehors de laquelle il ne peut pas y avoir d'esprit religieux dans une communauté.