Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Documents fort utiles

Chapitre du 23 avril 1879

Notre Père nous lut l'article intitulé: “Documents fort utiles”. Notre saint Fondateur recommande tout d'abord qu'on ne prenne absolument aucun moyen de sanctification en dehors de ce qui est compris dans l'Institut. Il est bien remarquable que saint François de Sales, qui était si doux et si condescendant, soit ici si exclusif. Il avait donc fait quelque chose de nouveau, car on ne donne le titre de docteur qu'à ceux qui ont développé tel ou tel point de doctrine ou de morale, et il ne veut pas qu'on sorte de là. Or c'est ce qui n'a lieu dans aucun autre ordre religieux. Partout ailleurs, si un moyen est bon et sanctifiant par lui-même, il est permis de s'en servir. Pourquoi donc saint François de Sales ne nous permet-il pas de faire rien en dehors de l'institut? C'est qu'il veut ne rien laisser à notre initiative particulière, il veut que le religieux soit sous une obéissance universelle. Hors de l'obéissance à la Règle, n'allons pas chercher de sanctification pour nous. L'obéissance s'étend à tout et nous prend tout entiers; si nous prenons quelque chose, si bon qu'il soit, hors de là, nous sommes hors de l'obéissance. Pour les mortifications extérieures, prenons celles que la Règle nous propose.

Notre saint Fondateur veut donc par là faire mourir continuellement notre volonté en lui imposant toujours quelque chose qu'elle n'a pas créée, faire mourir toujours notre jugement en le faisant passer par des vues qui ne sont pas les siennes. Cette mort de la volonté est difficile, parce que la volonté est ce qui résiste le plus longtemps. Pour nous, nous devons commencer par où d'autres finissent. Il semble que cette dépendance absolue entrave l'activité de l'homme. Ceci est une grande erreur. Quand l'homme est livré à sa propre initiative son action est limitée. Mais quand il s'est livré et adonné à la volonté de Dieu, il peut immensément, il participe à la puissance de Dieu. Donnons-nous donc à l'obéissance. De nos trois vœux, l'obéissance est celui qui domine et comprend tous les autres. Si nous ne nous y donnons pas tout entiers, nous perdons notre temps. Après de longues années, nous verrons que ce que nous avons fait de nous-mêmes est peu de choses, et que le peu que nous avons fait, nous l'avons mal fait.

“Et surtout il est requis que les frères continuent à se découvrir au Supérieur, avec l’entière simplicité et sincérité que la Constitution marque, et que réciproquement les Supérieurs aient un très grand soin de conserver cette confiance filiale des frères en leur endroit, par un amour tout cordial, suave et fidèle à garder leur secret” (Dir., Art. XVIII; p. 134-135).

Cela se fait par la reddition de comptes. Dans celle-ci, il ne doit pas être question des péchés autres que ceux qui entraînent la violation de la Règle. Pour les points des Constitutions, comme celles-ci n'obligent pas par elles-mêmes sous peine de péché, on n'est pas obligé non plus de les déclarer. La reddition de comptes consiste donc non pas à détailler, mais bien plutôt à aller puiser la confiance auprès du supérieur ou du maître des novices, en lui découvrant naïvement les pensées de son intérieur. Cette seconde loi est la conséquence de la première, et voilà les deux grandes bases, sur lesquelles nous devons fonder, d'après saint François de Sales, l'obéissance et la confiance envers les supérieurs.

Les frères doivent continuellement aspirer à la véritable humilité de cœur. Notre saint Fondateur ne dit pas l'humilité d'esprit, mais l'humilité de cœur. Prenons un exemple. Voici un homme plein de science et d’érudition. Son esprit s'humiliera difficilement, il ne peut guère se persuader qu’il est ignorant. Il faut donc qu’il s’humilie en disant: “J’ai des lumières, il est vrai, mais je n'en suis que plus coupable devant Dieu. J'accepterai donc avec joie toutes les humiliations qui se rencontreront, comme mon lot, comme ce qui me convient, comme ce qui m’est dû”. Voilà dans quel sens nous devons aspirer à l'humilité. Plusieurs personnes s'imaginent qu'il faut, pour être humble, faire des actes violents, pour se persuader qu’on est en tout inférieur aux autres, quand on est évidemment supérieur à certains points de vue. Non, pratiquons l'humilité en recevant avec joie les humiliations; ce n'est pas toujours facile, la nature s'y refuse. Mais par là, nous imiterons Notre‑Seigneur, lequel ne pouvait avoir l'humilité d'esprit, mais a pratiqué très excellemment l'humilité de cœur.