Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Le maître des novices et le supérieur

Chapitre du 17 avril 1879

Notre Père nous rappela les devoirs envers le maître des novices et le supérieur, nous disant que plusieurs fautes avaient été commises sur ce point. Ces fautes ne peuvent être commises par des âmes dédiées à Dieu sans un grand aveuglement de l'esprit, si on n'en comprend pas la gravité, ou sans que la volonté dévie gravement. Elles sont de nature à attirer les malédictions de Dieu. Je ne dis pas les malédictions éternelles, mais peut-être la perte de la vocation. “Or, nous dit notre Père, je puis citer l'exemple de la Visitation. Pendant 25 ans, pas une seule religieuse ne s’est arrêtée volontairement à une pensée de jugement propre contre ce que faisait la maîtresse des novices ou la supérieure. N'est-ce pas admirable? Cela ne veut pas dire cependant que les supérieures aient fait tout parfaitement. Ne disons pas non plus que les femmes se soumettent plus facilement que les hommes: elles ont leurs caprices. Aussi, toutes ces religieuses étaient-elles de saintes religieuses, et la maison de Troyes était-elle citée comme une maison modèle”.

Il faut donc se mettre à l'obéissance, mais une obéissance non pas passive, mais souverainement active. Car, obéir ainsi, c'est l'acte suprême de la volonté, c'est un acte d'autant plus fort qu'on fait la volonté d'un autre. Les anges et les bienheureux dans le ciel sont souverainement actifs, parce que leur volonté est parfaitement unie à la volonté de Dieu. Si nous avions seulement un grain de foi, nous transporterions des montagnes. C'est Notre-Seigneur qui le dit. Et cette foi, ce n'est pas la foi aux mystères, nous l'avons, c'est la foi à l'obéissance. Par cette foi, nous irions planter un chou la tête en bas, les racines en haut. Or pour faire un tel acte, il faut la toute puissance de Dieu, tant cet acte est grand. Pour planter un chou dans l'ordre naturel, l'homme y suffit.
Ailleurs peut-être ne trouverons-nous pas le même genre d'épreuves, mais nous en aurons d'autres, nous aurons des austérités que nous n'avons pas ici, de plus longues oraisons, moins de sommeil, des jeûnes. Si nous ne nous mettons pas à pratiquer entièrement notre vie religieuse ainsi entendue, que faisons-nous ici? Nous sommes heureux et en paix, nous sommes nourris et logés, nous faisons notre volonté du matin au soir. Ayons donc du jugement et du bon sens. Si nous voulons être religieux, soyons-le entièrement et parfaitement, ne faisons rien à demi. Si nous ne voulons pas, quittons, non pas demain, mais de suite. Si nous voulons, faisons et faisons bien. Un jour notre sainte mère [Jeanne de Chantal] demandait à saint François de Sales: “Mais, mon Père, vous nous avez fondées, nous religieuses. Pourquoi ne formez-vous pas des prêtres dans votre esprit?” A quoi le saint répondit:  “La grande difficulté est qu'on nous apprend trop à raisonner. Le raisonnement tue l'esprit de Dieu”. Sainte Jeanne reprit:  “Mais si des hommes voulaient ...”. Et notre saint Fondateur:  “Oh! oui, quand un homme veut! ...”.

C’est qu'en effet, quand un homme veut il peut se soumettre, et il se soumet mieux qu'une femme. Sans doute, nous aurons des difficultés, mais si nous lisons la Vie de la mère Marie de Sales nous la trouvons admirable. Ne croyons cependant pas qu'elle se soit trouvée dans cet état de perfection sans peines, sans difficultés. Jamais religieuse n’a eu plus de peines pour embrasser la vie religieuse. De plus elle avait le jugement très bon, elle était portée à juger. Et cependant elle n’a jamais jugé ce que faisaient ses supérieures, tant qu'elle a été inférieure, et par conséquent pendant la moitié de sa vie. Il faut donc que chacun promette à Dieu de lui donner son jugement et sa volonté, et cela entièrement et sans réserve. Il faut que nous priions beaucoup les uns pour les autres, afin d'obtenir de Notre-Seigneur ressuscité cette vie qui n'est plus sujette à la mort, la vie inaltérable de la résurrection.