Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

La récréation

Chapitre du 23 janvier 1879

“Les frères allant au lieu de la Récréation, demanderont à Notre-Seigneur la grâce de n’y rien dire ni faire qui ne soit à sa gloire” (Dir., Art. IX; p. 72).

Si nous devons diriger notre intention avant tous nos exercices, à plus forte raison le devons-nous faire avant la récréation, où nous trouvons plus d'occasions de pécher contre l'humilité ou contre la charité. Il ne faudrait pas parler des questions politiques. Il y a une grande grâce attachée à l'éloignement de ces sujets propres à dissiper l'esprit et diviser les cœurs. Il faut éviter de faire des éclats de rire qui conviennent peu à des religieux, et de parler de soi pour s'attirer l'estime. C'est ce que saint François de Sales appelle des immodesties, et il nous prémunit là contre par l'invocation du Saint-Esprit et du bon ange.

“Qu’ils n’estiment pas que ce soit peu de vertu de faire la récréation comme il faut, et que partant ils n’y aillent pas par manière d’acquit, et par coutume, ains avec préparation et dévotion” (Dir., Art. IX; p. 74).

Saint François de Sales disait qu'il y a trois manières d'être utile au prochain: par la mortification, par la prière et surtout par la récréation. Il faut donc bien contribuer à procurer à tous le bienfait de la récréation: nous sommes tenus en conscience d'y apporter notre part. Si on ne le peut par l'intérêt de sa conversation, il faut le faire par une contenance gracieuse et affable. Si nous trouvons quelque peine et répugnance à nous plier ainsi, offrons cela à Notre-Seigneur. Notre sacrifice sera d'une grande efficacité pour le prochain. Comme quelques religieuses se plaignaient à notre saint Fondateur de la conduite d'une de leurs sœurs, le saint leur recommanda une grande douceur et charité envers la sœur qui causait leur peine, les assurant que par cela elles changeraient son cœur, ce qui arriva, tant est puissant auprès de Dieu le support du prochain.

“Un Frère tour à tour avertira de la présence de Dieu, et, par intervalle, durant la récréation, et à la fin, dira quelque bonne et sainte retenue” (Dir., Art. IX; p. 74).

Nous aurons soin de pratiquer ce point de notre Directoire. Mais, si un de nos pères en était chargé exclusivement, il se trouverait souvent absent de la récréation. Il sera donc mieux d'établir que, parmi les religieux réunis, le plus ancien aura toujours le devoir de rappeler la présence de Dieu et de dire à la fin quelque bonne et sainte retenue, c’est-à-dire quelque sentence ou pensée tirée de l'Evangile, de l’Imitation, du Directoire ou de quelque autre lecture. Ce devoir coûte sans doute un peu, mais il faut faire généreusement ce sacrifice à Notre-Seigneur.

Non seulement à la récréation, mais partout ailleurs il faut imiter notre saint Fondateur, lequel traitait toujours le prochain avec humilité et respect. Ainsi font ceux qui, vides d'eux-mêmes, estiment le prochain au-dessus d'eux. Ce respect ne doit pas consister dans les manières extérieures et des paroles obséquieuses, car il faut être simple, mais dans un sentiment intérieur. Il faut faire ainsi envers les étrangers et les inférieurs, ne jamais leur faire sentir que quelque distance existe entre eux et nous. Notre commandement envers les élèves, par exemple, peut être ferme, mais jamais impérieux ni hautain. Ainsi quand saint François de Sales parlait à ses domestiques, il paraissait plutôt leur demander que leur commander. Que ce grand saint, dont la fête approche, nous obtienne d'être comme lui, extérieurement et intérieurement, une image vivante de Notre-Seigneur Jésus-Christ.