Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

La réfection

Chapitre du 16 janvier 1879

Notre Père nous parla de la réfection. Il nous dit que les âmes intérieures trouvent le bon Dieu au réfectoire d’une manière toute particulière. Ces agapes fraternelles, prises en silence, nourries par la sainte lecture, portent l'âme en haut. Il ne faudrait pas cependant faire oraison pendant le repas, car l'activité de notre cœur nuirait à notre santé en ce moment. Il ne faut pas seulement y venir pour manger, mais pour dire les coulpes, recevoir les avertissements. Les avertissements se pratiquent ainsi. Un frère a remarqué que tel autre pratique mal tel point de la Règle. Au réfectoire, il l'avertit devant tous, disant: J'avertis humblement le frère N. de telle ou telle chose. Mais en cela comme en tout, il faut l'obéissance. Celui qui a remarqué la faute, doit prévenir le supérieur ou le maître des novices, lequel déclare s'il y a lieu de faire l'avertissement. Peut-être la faute n'est-elle qu'apparente. Il ne faudrait pas qu'un frère fût averti mal à propos. Puis il faut s’en tenir simplement à l'avis du supérieur. C'est un excellent moyen de détruire l'estime propre et de nous empêcher de rien fonder sur nous-mêmes, que les avertissements. Quand un frère fait remarquer la faute au supérieur, cela donne occasion au supérieur de dire: “Mais vous manquez vous-même à tel point”. Nous aurons soin de pratiquer bientôt ce point de la Règle.

“Que les frères n’aillent pas au Réfectoire seulement pour manger, ains pour obéir à Dieu et à la Règle, ouïr la sainte lecture, dire les coulpes, recevoir les avertissements, et faire les mortifications qui y sont pour l’ordinaire pratiquées”  (Dir., Art. VIII; p. 70).

Ces mortifications consistent par exemple à manger à terre, à baiser les pieds des pères qui entrent et autres choses semblables.

“Qu’ils ne sortent point de table sans s’être mortifiés en quelque chose; et que, néanmoins, ils usent sans scrupule ni cérémonie des viandes qui leur seront données pour le soulagement de leurs infirmités, prenant indifféremment de la main de Notre-Seigneur, tant en viandes comme en toutes autres choses, ce qu’ils aimeront comme ce qu’ils n’aimeront pas” (Dir., Art., VIII; p. 71-72).

Cette mortification doit porter sur la qualité et non sur la quantité. Chacun doit manger suivant son appétit. On ne doit pas se régler les uns sur les autres. Ceux qui ont un grand appétit ne doivent pas se régler sur ceux qui mangent peu

“... prenant indifféremment...” — C’est là le fonds de l’esprit de saint François de Sales, non seulement pour le manger, mais pour toute autre chose. Nous devons nous souvenir, quand nous mangeons, que nous sommes pauvres; nous devons nous considérer comme gagnant notre pain et par conséquent nous contenter joyeusement de la nourriture simple et frugale qui nous est présentée, prenant modèle sur Notre-Seigneur dans la maison de Nazareth. D'ailleurs, l'esprit de pauvreté doit régner partout chez nous. La pauvreté ne consiste pas seulement à ne rien posséder, mais encore à se retrancher soigneusement toutes les petites commodités de l'usage des choses de la terre, à n'en user que le moins possible. En tout, retranchons-nous beaucoup. Le bon Dieu ne nous récompensera pas de ce qu'il nous aura donné, mais des sacrifices que nous lui aurons faits. D'ailleurs la vie d'un Oblat doit être un sacrifice continuel. Jamais un Oblat ne doit rester sans souffrir. S'il passe une heure sans souffrance, c'est une heure perdue. Souvenons-nous toujours de cela, et que Notre-Seigneur fait pauvre pour nous, nous donne l'amour de ce bienheureux détachement.