Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

L'oraison

Chapitre du 3 octobre 1878

A ce chapitre furent admis dans la congrégation deux postulants, M. l'abbé Latour, dont les exemples de piété confirmaient les bons témoignages que l'on recevait de lui, et M. l'abbé P. qui avait commencé son noviciat chez les Révérends Pères Jésuites. L'avis de la commu­nauté fut favorable à la demande d'admission de ces deux prétendants. Notre Père leur adressa quelques mots, leur représentant les luttes intérieures qu’ils auraient certainement à soutenir et qui compenseraient amplement le défaut d'austérités corporelles. Il leur deman­da s'ils consentaient d'avance à subir ces épreuves et les deux postulants répondirent affirma­tivement et prirent leur place.  Après quoi, notre Père nous parla encore de l'oraison. Il nous dit que cet exercice, pour nous, n'est pas un exercice isolé, mais qu'il se prolonge et se continue pendant le cours de la journée. Car l'oraison ne doit pas être une spéculation oiseuse; elle doit être surtout pratique et porter ses fruits. Pour cela, il faut qu’elle soit affectueuse et cordiale, que le cœur parle et non pas simplement l'esprit. Or les Oblats doivent ressembler à Notre-Seigneur non pas tant dans sa vie extérieure que dans sa vie intérieure. Ils doivent donc imiter la parfaite soumission de Notre-Seigneur à la volonté de son Père. Telle doit être l'âme de leurs actions et exercices.

Si donc l'oraison doit porter ses fruits sur nos actions et les vivifier, elle doit être pénétrée de cette soumission de la volonté à la volonté divine. Il faut donc que la moitié de notre oraison consiste dans un repos de notre volonté en celle de Dieu. Qu'alors notre cœur seul parle et que seul le cœur de Dieu nous réponde. Telle était l'oraison de Notre-Seigneur: “Que ne ce soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse”(Lc 22:42). Nous ne voyons pas autre chose dans les évangiles.

Sainte Jeanne de Chantal dit que les âmes qui sont en cette voie sont dans la voie de la perfection. Ainsi, devons-nous faire cette oraison. Cela pourra être pénible, car c'est la mort de notre volonté, néanmoins, il faut s'y adonner courageusement. Notre Père nous exhorta à prier, pour apprendre le chemin de l'oraison de la vénérée mère Marie de Sales. Ainsi faisait-elle oraison, et elle était parvenue à une perfection éminente, quoique sa vie extérieure ne se distinguât nullement de celle des autres religieuses. Pendant tout le temps de sa supériorité, on ne l'entendit jamais faire la moindre plainte contre personne, tant elle redoutait ce qui aurait pu blesser la charité.

Après ces quelques paroles, notre Père nous conduisit à la chapelle où nous remerciâmes, par la récitation du Magnificat, la divine bonté, qui donnait un accroissement à notre congré­gation, et nous donnâmes le baiser de paix à nos nouveaux frères, leur souhaitant la bénédiction divine sur la vie religieuse qu'ils embrassaient généreusement.