Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

L'oraison

Noviciat de 1873

L'oraison commence 20 minutes après le lever. Bien qu'il soit marqué au Directoire qu'on se formera à l'oraison selon les enseignements de l'Introduction, du Traité de l'Amour de Dieu, notre Révérend Père Supérieur nous fait observer qu'il n'y a pas de méthode proprement dite pour l'oraison. L'oraison, étant un entretien et un colloque avec Dieu, se fait simplement et sans apprêts. Que les âmes aillent à Dieu bonnement, en toute humilité et bonne volonté, et qu'elles demeurent près de Dieu dans les pensées qui les toucheront davantage et les uniront le mieux à Notre-Seigneur Jésus-Christ.

S'il est fait mention, même dans saint François de Sales, de la préparation à l'oraison, des considérations, des affections et résolutions, il ne faut pas croire que l'on doive comme passer successivement de ces parties aux autres, craignant d'omettre les considérations et de faire de suite des affections. Il n'est parlé de tout cela que parce que tout cela arrive dans tout entre­tien ordinaire avec Dieu. Mais il ne faut pas s’embarrasser du mode. On approche son âme de Dieu, en la mettant bien en la présence divine, puis l'on converse en laissant aller son cœur selon l'attrait particulier, et surtout selon la conduite de l'Esprit-Saint. Car, notre vie étant une vie d'union à Dieu, l’Esprit-Saint sera en nous, quand nous ferons oraison, et il nous dirigera selon sa volonté.

Ainsi, il arrivera que l'âme pourra dire en l'oraison ce qui lui convient, et tout de suite.  Si, à peine mise en présence de Dieu, elle prie, qu'elle continue à prier tant que la prière voudra se faire, lors même qu'elle ne ferait aucune considération et ne produirait aucune affection. Si l’âme est touchée d'amour, de crainte ou de repentir, qu'elle s'abandonne à Dieu en ces sentiments et qu'elle lui dise ce qu’elle éprouve en désirs, en volonté ou autrement. Si elle est simplement en admiration et en reconnaissance, qu’elle demeure encore là; car il est extrêmement utile de s'entretenir de ces saintes pensées en l'honneur de la divine majesté. Si une vertu lui fait pousser d'ardents désirs, si un défaut lui arrache des larmes de regret, qu'elle suive donc ces mouvements et qu'elle s'en nourrisse tout le temps qu'il lui plaira. Si plusieurs pensées lui conviennent mieux, qu'elle en prenne plusieurs; si une seule lui suffit, qu’elle n'en cherche pas plusieurs. Il arrivera même que l'âme pourra préférer une pensée qui lui est intime et chère au sujet d'oraison: qu'elle le fasse sans crainte. Car l'important est de converser avec Dieu, et il faut régler cette conversation selon ses besoins particuliers, surtout selon le désir de Dieu lui-même, manifesté par l'attrait.

On dira à ses supérieurs la voie ordinaire que l'on suit dans l'oraison, afin qu'ils puissent nous diriger au besoin. On fait instance sur ces grands avis, car plusieurs ont fait de l'oraison un exercice d'intelligence et de volonté, où l'on contraint l'âme tandis que l'oraison est l'union de l'âme avec Dieu, et qu'il faut laisser cette âme partir par le plus court chemin vers son Bien-Aimé, sans l'arrêter à mille endroits de la route. Ainsi faite, l'oraison est facile pour tous, surtout quand on a un sincère désir d'être à Dieu et de l'aimer absolument. Car alors, n’est-il pas facile de s'entretenir avec Dieu de ce que l'on aime si fort? Il arrive souvent néanmoins que l'âme est distraite et sèche en l’oraison. Il ne faut ni s'en inquiéter, ni s'en étonner. Alors on ramène doucement son âme à Dieu chaque fois qu'on la rencontre égarée.

Quant  aux prières à faire, lorsqu'on n'éprouve rien, elles doivent se réduire à certains soupirs répétés et cris de détresse vers la divine miséricorde, comme: “Mon Dieu, ayez pitié de moi! Mon Dieu, je vous aime! Mon Dieu, je vous veux! Mon Dieu, sauvez-moi. Convertissez-nous, donnez à tous ce qu'il faut!” Qu'on répète sans cesse ces cris, même quand il engendrent un grand ennui. Cela est très agréable à Dieu qui nous regarde et nous entend; il vaut mieux agir ainsi par soupirs multipliés que s’efforcer de courir après des pensées et des considérations froides qui nous échappent sans cesse et qui ne nous mènent à rien, parce que l'esprit ne peut les goûter, ni même les saisir. On doit estimer, dit notre Père, que la meilleure oraison est celle qui se fait ainsi dans la sécheresse, le dégoût et l'ennui.