Allocutions

      

Nous sommes tenus à l’imitation personnelle du Sauveur

Allocution du 3 janvier 1900
pour la profession du Père Fourrier et trois autres

Mes amis, je recevais ces jours-ci une lettre du Père Isenring qui est en Amérique, aux Etats-Unis. Il me disait: “Mon Père, je souhaite que vous ayez la même grâce que la sainte Vierge dans son étable de Bethléem. Elle préparait son petit Oblat à la vie de prédication et de sacrifices. Je souhaite donc que le bon Dieu vous donne cette année les forces et les lumières, qu'il bénisse vos paroles et votre ministère, pour que vous puissiez façonner vos petits Oblats”. Voilà une gracieuse pensée et des vœux formés bien à propos. En effet, pourquoi Rome a-t-elle agréé avec tant de bienveillance la naissance de l'Institut des Oblats? Pourquoi nous a-t-elle environnés de tant de soins et de précautions dans nos commencements si éprouvés, si ébranlés, sinon dans une intention qui justifie bien la pensée du Père Isenring? Pourquoi a-t-elle approuvé notre Institut alors qu'il y en a tant d'autres qui lui rendent d'éminents services et qui attendent encore son approbation? Pourquoi ce nouveau-né?

C'est parce que l'Eglise va toujours en se rapprochant du divin Maître. À en croire la doctrine janséniste, l'Eglise marcherait vers son déclin. C'est une grande erreur! Sans doute les premiers chrétiens étaient plus fervents que beaucoup de chrétiens d'aujourd'hui, mais la grâce, la lumière, la vie qui découlent de la crèche du Sauveur, étaient-elles plus abondantes chez eux que de nos jours? Non. Si donc la grâce a dû croître, la lumière grandir, nous, les héritiers de ce progrès, nous sommes en mesure de les recevoir et de les communiquer aux autres plus largement que par le passé. “Jésus Christ est le même hier et aujourd’hui, et il le sera à jamais” (He 13:8). Alors qu'avons-nous à faire pour remplir le but de la sainte Eglise? Nous avons à nous mettre à la besogne avec activité. Oui, si à Rome on nous a acceptés, c'est qu'on espère voir les Oblats répandre la vie du Sauveur plus encore que leurs devanciers. Toutes les fois que l'Eglise a admis un ordre nouveau, elle n'a pas eu d'autre pensée.

Donc nous sommes tenus à l'imitation personnelle de Notre-Seigneur, dans sa manière d'opérer avec les âmes, dans ses rapports avec son Père, dans ses pensées, ses travaux, tous les actes de sa vie. Aimez Notre-Seigneur, aimez sa volonté, comme il aimait celle de son Père, suivez ses ordres comme il suivait et respectait les ordres de son Père. Etudiez avec lui. Oh! N’étudiez jamais seuls, mais avec lui, la lumière du monde, l'intelligence du Père.

“Mais”, direz vous, “étudier ainsi la philosophie, la théologie, oui, mais le reste, les mathématiques, la grammaire, les langues?” Eh bien oui, étudiez de même le reste, les mathématiques, la grammaire, les langues. Est-il étranger à tout cela? N'en est-il pas l'inspirateur et le créateur? Et en voyant les immenses progrès des sciences de nos jours, n'en doit-on pas faire remonter les actions de grâces jusqu'à Jésus-Christ, lumière du monde? Donc, que vos études soient pieuses, que la prière les accompagne. Alors, comme elles sont bonnes, comme elles apportent la lumière!
Nous trouvons dans le Directoire le secret infaillible d'en arriver là. Le Directoire, j'en parle très souvent, mais n'est-ce pas un chef-d’œuvre de théologie et de philosophie, pour la direction de la vie surnaturelle? Avant saint François de Sales, qui a parlé ainsi? Personne. Les grands docteurs, saint Augustin, saint Chrysostome, saint Bernard ont bien adopté cette voie. Mais qui l'a formulée avec autant de plénitude et de précision que saint François de Sales, que l'auteur du Traité de l'Amour de Dieu? Personne, je le répète. Donc, apportez tout votre cœur à l'étude et à la pratique de votre Directoire.

Est-ce assez? Non. Avez vous réfléchi, en lisant l'Evangile, pourquoi il revêt une forme si simple, si vulgaire même, disons le mot, dans sa manière d'enseigner? Comment Notre-Seigneur renferme le code le plus élevé et le plus complet de la morale sous la forme la plus facile à saisir, et en même temps en des expressions incontestables et incontestées? Tout le monde le peut comprendre. Or nous, Oblats, nous arrivons à une époque d'ignorance du Christianisme où les trois quarts des hommes ne connaissent plus les premiers éléments de la doctrine chrétienne. Ne ressemblent-ils pas à ces âmes que le Sauveur avait à évangéliser, dont il entendait les plaintes, dont il éclairait les doutes? Or, remarquez-le: en prêchant, Notre-Seigneur ne conteste pas, il affirme, et quand on proteste, il reprend son affirmation avec plus de force et de précision. Et qui donnait à sa doctrine sa force et sa puissance? L'onction, et surtout la sainteté du divin Maître. Nous autres, prêchons comme Notre-Seigneur et nous aurons la même puissance que lui: il l'a promis formellement: “En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres que je fais, et en fera même de plus grandes” (Jn 14:12). C'est par le Directoire que nous devenons semblables à Notre-Seigneur, que nous obtenons lumière et force pour annoncer la vérité.

Je désire me faire bien comprendre. Est-ce que j'entends qu'il n'est pas besoin de lire, d'étudier sa théologie? Oh! Non. À la base de toute étude, de tout enseignement il faut une doctrine sûre, des principes solides. Mais, cela posé, je dis que le meilleur moyen de convaincre notre auditoire, c'est notre sainteté personnelle et la simplicité de notre parole, proportionnée au talent et à la capacité des fidèles de l'auditoire. Ce n'est pas la méthode de contestation, c'est l'exposé clair, simple, charitable de la vérité. Voilà pourquoi l'Eglise nous protège. Il faut donc que les Oblats tiennent leur place dans l'Eglise et se rapprochent le plus possible de l'exemple de Notre-Seigneur, d'autant plus qu'à notre époque les ténèbres sont plus épaisses et la maladie demande des remèdes plus énergiques.

Et vous, mes amis, qui venez demander à l'Eglise de vous enchaîner par les liens si doux de la vie religieuse, demandez au Sauveur de vous faire entrer et de vous faire marcher dans cette voie, de vous faire comprendre ce que c'est que d'être Oblat, dévoué au service divin, à la vie et à la mort. Amen.