Retraites 1886

      


ONZIÈME INSTRUCTION
La prédication

Continuez votre retraite dans le recueillement, afin de ne point perdre les fruits de ces jours de sanctification, afin que vous receviez bien pleinement toutes les grâces de la retraite. Il faut non seulement recevoir les dons, mais il faut encore les conserver pour qu'ils nous soient utiles au temps pour lequel la Providence nous les a destinés. Pour réimprimer vraiment l'Evangile, il faut le réimprimer d'un bout à l'autre. Si les Oblats n'ont pas un caractère spécial dans l'Eglise de Dieu; s’ils n'ont pas des vertus plus particulières, plus pratiques; si leur minis­tère ressemble à celui de tout le monde; s'il ne sont pas des hommes de doctrine, de raison, d'une instruction toute spéciale, comment appliqueront-ils le programme tracé par la bonne Mère? Comment réimprimeront-ils l'Evangile? Comment le réimprimeront-ils complètement, car il ne faut pas que le résultat de leurs efforts ne donne qu'une réimpression partielle. Il faut réimprimer tout l'Evangile. Nous ne devons pas, par exemple, nous attacher à tel point de l'Evan­gile exclusivement, au zèle, à la mortification des sens, mais il faut étendre notre travail à toutes les choses de l'Evangile.

La troisième œuvre évangélique dont j'ai à vous parler, c'est l'évangélisation des nations , c'est la prédication de Notre-Seigneur. Notre-Seigneur est venu sur la terre pour nous donner l'exem­ple, nous instruire et nous racheter par ses souffrances. La prédication de l'Evangile a été un des grands buts de sa venue. Nous devons donc réimprimer nous aussi l'Evangile par notre prédication. Tous nous devons prêcher. Ceux qui travaillent manuellement aussi bien que ceux qui s'occupent des Œuvres, que ceux qui font la classe, ou qui enseignent par la parole, ceux qui dirigent les âmes ou qui sont appliqués au ministère de la chaire, tous nous devons prêcher. Nous devons prêcher pratiquement, nous devons enseigner notre prochain, sinon par nos paroles, au moins par nos actes. Que notre modestie religieuse, que nos manières simples et dignes soient déjà une première prédication. Que l'esprit de charité et de cordialité nous unisse bien les uns aux autres; que nous ayons bien tous une manière d'être uniforme et simple, de nous habiller, de parler, de nous tenir; et croyez-vous que vous resterez indifférents et sans action sur ceux qui vous verront? Que le religieux se tienne toujours convenablement; quand il s’agenouille, qu'il ne se courbe point et reste droit, sans s'accouder, à moins qu'il ne soit fatigué. Que dans l’église surtout, il ait souci de sa tenue digne et respectueuse. Cela gêne, sans doute, cela fatigue; mais c'est notre cilice à nous, c'est notre mortification de règle. Puisque nous ne pouvons pas faire de grandes austérités, faisons celle-là. Nous prêcherons ainsi par notre tenue simple et modeste, et toujours bien correcte. Nous nous souviendrons dans toutes nos démarches de la modestie de Notre-Seigneur. “C’est moi, Paul en personne, qui vous prie par la douceur et l’indulgence du Christ” [“per modestiam Christi”],  disait Saint Paul aux premiers chrétiens de Corinthe (2 Co 10:1).

Quand on est seul chez soi, qu'on est un peu fatigué, on peut bien, sans doute, se mettre un peu à l'aise. Je sais bien que saint François de Sales faisait autrement, et qu'en toute circonstance, il prenait énormément sur lui. La bonne Mère, qui était une simple femme, d'une faiblesse excessive, sans cesse malade, n'avait jamais rien dans sa tenue extérieure qui aurait pu faire croire qu'elle fût autrement que d'une constitution très forte et très robuste.

Rien ne porte plus au bon Dieu, soi-même et les autres, que cette manière d'évangéliser. Voyez les Pères de l'Eglise, comme ils aiment à parler de la manière d'être, de la tenue de Notre-Seigneur, comme ils s'étendent sur la sérénité de sa vie, sur la sagesse de ses paroles. Il fallait que Notre-Seigneur eût fait une bien grande impression sur les peuples par sa modestie, puisque saint Paul en était encore tout embaumé (2 Co 10:1). Prêchons donc, nous aussi, l'Evangile par notre extérieur.

Saint Paul dit encore à ce sujet une parole bien forte (Rm 15:16). L'Evangile doit nous sanctifier; mais nous aussi, en quelque façon, nous devons sancti­fier l'Evangile. Ce que l'Evangile dit, c'est la Règle, la loi, le fait. Il faut le rendre vivant, le mettre en action, le reproduire en nous. Que ce qu'a fait, dit, pensé Notre-Seigneur dans l'Evangile, nous le pensions, le disions et refassions. Que sa manière d'être humble, simple et douce, soit la nôtre. Reproduisons la vie de Notre-Seigneur dans sa forme extérieure elle-même; non pas avec une gravité austère et morose, mais dans une tenue toujours correcte, dans la simplicité, la convenance. Que ce soit la vie de Notre-Seigneur lui-même.

Nous avons une surveillance à faire, faisons-la en présence de Dieu, avec un esprit vraiment religieux. Encourageons-nous, en cette action si humble, à exprimer, à sanctifier l'Evangile de Dieu, à être de saints prédicateurs de l'Evangile. Pour faire du bien, il n'est pas nécessaire d’être un homme bien extraordinaire. Ceux qui en profiteront et seront ainsi édifiés, ne le diront peut-être pas, mais ils le sentiront. Je me rappelle d'un aumônier de marine, qui était un petit homme, et qui avait passé toute sa vie à bord avec les officiers. Il aurait été bon pour faire un aumônier de la Visitation ou de pensionnat de jeunes filles. Je rencontrai un jour l'oncle d'une pensionnaire de la Visitation qui avait été capitaine d'un vaisseau sur lequel le petit abbé avait longtemps navigué. C'était un officier qui n'était pas très religieux, qui aimait son plaisir et ses aises. Il me parla avec un souverain respect, avec une réelle vénération, de son aumônier. Il me raconta qu'à bord tout le monde lui était gagné et qu'il exerçait une réelle et très grande influence et universellement, sur tous les officiers et les hommes de l’équipage. Comment avait-il pu acquérir une pareille influence? “Tout le monde dit que c’est un saint," me dit le capitaine. Cette parole fut une révélation pour moi. Pour faire du bien aux soldats, faut-il prendre les manières des soldats? Non. Il faut leur parler du bon Dieu. Il faut surtout et plutôt encore leur montrer le bon Dieu et l’Évangile en action. “Notre aumônier ne s’est pas trop mis au genre militaire”, disait le bon capitaine. “Mais, répétait-il, tout le monde dit que c'est un saint”.

Parlons maintenant, mes amis, de l'autre prédication. Dans la prédication de la chaire, il faut enseigner la doctrine, la doctrine telle qu'elle est, et sans affaiblissement. Mais cette doctrine, faut-il la présenter sous l'apparence d'une thèse théologique? Il y a cent ans, il y a deux cents ans, on l'aurait pu peut-être. Il faut bien s'en garder maintenant. Une des causes du dépéris­sement de la foi dans notre société — c'est une parole que me disait Mgr Mermillod avant le Concile — est précisément cette manière de prêcher savante, raisonnée, sèche, qui ne dit rien à l'imagination et au cœur du peuple, et que par conséquent on n'écoute pas et on ne comprend pas. Le Concile du Vatican devait s'en occuper, et un travail avait été préparé pour tracer une direction tout autre dans la prédication. Voyez comme les méchants arrivent par la parole, comme ils se font écouter autrement que nous! Un prédicateur monte en chaire, développe un texte. C'est bien, c'est un cours d'Ecriture Sainte, c'est une leçon de théologie. On voit qu'on a affaire à un homme habile. Par exemple, tous les fidèles qui sont dans l'auditoire sont loin de comprendre ce qu’il dit, et beaucoup, le grand nombre, n’écoutent pas. À quoi bon? Voilà cent ans que nous faisons cela en France; et pendant ce temps d’autres ont parlé!

Prêchons comme prêchait Notre-Seigneur. Voilà ce que doit être la prédication des Oblats. Comment s'y prenait-il? Il s'adressait d'abord à son auditoire. Quand il se trouvait devant la foule, c’était à la foule et pour la foule qu’il parlait. Quand il adressait des reproches et des malédictions aux Pharisiens, c'est que les Pharisiens étaient là: “Faites tout ce qu’ils disent , mais ne faites pas ce qu'ils font!” (Mt 23:3) Quand il parle à Nicodème, il lui tient un langage que comprendra un docteur de la Loi. Il parle pour l'auditoire qu’il a devant lui; et les paroles qu'il leur adresse conviennent à leur condition, à la portée de leur esprit, au genre de vie qu’ils mènent. Quand il est dans les plaines de Galilée, au milieu d'une population agricole, il prêche la parabole du semeur, celle de l'ivraie, et du bon grain de la  vigne. Il parle dans le pays où il est, et pour les gens de ce pays. On pourrait reconstituer la vie de Notre-Seigneur, ses voyages, ses divers séjours, uniquement par les paroles, les images et raisonnements de sa prédication, tant elle s'appliquait bien au peuple chez lequel il se trouvait. Il est sur les bords du lac de Génésareth, au milieu d'une population de pêcheurs: le royaume de Dieu est semblable à un filet jeté à la mer. À  Capharnaüm, ce sont des négociants: le royaume de Dieu est semblable à un marchand qui cherche une perle précieuse.

N'oublions donc jamais d'abord ce principe essentiel de la prédication, qui est de parler pour les gens que nous avons devant nous, de parler suivant leur condition et leur éducation, de leur parler des choses qu'ils savent, qu’ils comprennent, qu'ils aiment. C’est comme cela que parlaient les Saints Pères. Saint Jean Chrysostome à Constantinople trouvait là ses grands moyens d'éloquence. Il avait devant lui un peuple de mariniers: une grande partie de ses comparaisons sont empruntées aux choses de la mer. Quand c'était à des femmes du monde qu'il parlait, à de grandes dames de la cour impériale, il parlait de bagues, de joyaux, de choses qu'elles connaissaient, qu'elles aimaient, au milieu desquelles elles passaient leur vie. Voilà la vraie méthode. Il n'y a pas d’autre manière de s'y prendre pour réussir. Voilà comme vous réimprimerez l'Evangile tel qu'il est, vivant, l'Evangile pour vos auditeurs. Parlez-leur selon leur emploi, selon leur intelligence, leur capacité, les idées du moment.

Un jour un prédicateur, d'un certain renom, était venu prêcher un sermon solennel à Sainte-Madeleine. J'y assistais avec M. Boulage, le curé de Saint-Pantaléon. Le prédicateur était un jeune prêtre d'esprit et de talent. Après le sermon, il était à la sacristie, attendant naturellement quelques compliments: ”Vous avez fait un beau sermon, lui dit M. Boulage; mais vous devriez changer votre exorde. Un point essentiel a été omis par vous.”— “Lequel?”  — “Il aurait fallu commencer par dire: «Mes chers frères, allez-vous-en tous et qu'on ferme les portes de l'Eglise! Et vous, morts, qui depuis trois ou quatre cents ans reposez sous les dalles de cette église, levez-vous, venez écouter mon sermon. C'est à vous seuls à qui j'adresse la parole, les autres n'y comprendraient rien»”. La leçon était dure, mais elle était vraie.  “A qui avez-vous parlé? continuait le bon M. Boulage, aux dames de Sainte-Madeleine: c'est tout ce qu'il y avait dans votre auditoire. Mettez avec cela une personne d'esprit, la femme du juge d'instruction, quelques couturières, le sacristain, le suisse, les enfants de chœur, M. le Curé, M. le Vicaire, M. l'Abbé et moi, voilà tout votre auditoire. Vous n'avez parlé à aucun de nous. Je comprends que vous nous laissiez de côté, nous le clergé, le bedeau et le suisse; mais, de grâce, adressez-vous aux autres, aux vivants, et non aux morts”.

Notre-Seigneur, dans ses prédications, parlait à ceux qui l'entouraient. S'il s’était adressé aux gens de la cour d'Hérode, au sénat de Rome, son langage n'eût pas été le même. Voyez saint Paul parlant à l'Aréopage: quel beau et splendide discours, comme il faudrait que les Oblats en fissent quelquefois. Il montre à ces savants les preuves de la divinité de Jésus-Christ par l'histoire, et il finit par affirmer le dogme de la résurrection des morts. Tout le monde est étonné. Les uns croient, les autres disent: “Nous reviendrons l'entendre une autre fois” (Ac 17:32).

Prêchons à ceux qui nous écoutent. Cherchons à les instruire. Donnons-leur de la théologie sans doute. Voyez comme ce que disait Notre-Seigneur, ce que disaient les saints Pères, est substantiel et théologique. Mais voyez aussi comme cela est à la portée de l'auditoire qui écoute. Il faut bien se garder de formuler des thèses théologiques: ce n’est pas ainsi que prêchaient Notre-Seigneur et les saints Pères. Personne ne comprendrait et n'écouterait; il faut digérer la théologie pour la donner vivante et saisissante à ses auditeurs. Evitez bien la forme didactique des traités de théologie. Voyez comme Notre-Seigneur parlait d'une façon vivante et saisissante dans ses paraboles, dans tout l'Evangile. Notre-Seigneur parle le langage de ceux qui l’écoutent, il parle des choses qu'ils connaissent et qu'ils comprennent. Quand vous prêcherez une mission, une retraite à des villageois, vous vous garderez bien de leur prêcher des sermons d’apparat que vous aurez donnés dans une ville ou dans une commu­nauté. On lit le journal et on n’écoute pas les sermons. Ne vous faites pas d'illusions, c'est parce que le journal est intéressant, raconte des faits, et que les sermons ennuient.   Le Père Rolland, quand il était enfant, pendant dix ans qu’il a été enfant de chœur à la Cathédrale de Langres, n'a gardé le souvenir que d'un seul sermon; il en a pourtant entendu des centaines. C'est le sermon d'un Capucin très original, qui racontait des histoires. Il prêchait une retraite à des jeunes gens, tous l'écoutaient. Ce qu'il disait n'était pas déplacé là, au contraire. C'eût été inconvenant peut-être et trivial devant d’autres auditoires.

Vous faites une retraite à la Visitation: que ce soit vraiment une retraite pour la Visitation. N'allez pas vous inspirer dans Rodriguez ou dans les sermons d'un bon Père Jésuite quel­conque, vous mettriez complètement à côté. Inspirez-vous de l'esprit et des règles de la Visitation; parlez sur les sujets que vous voudrez, mais mettez bien ces sujets dans le moule de la Visitation. Vous prêchez à des Sœurs de Charité: lisez saint Vincent de Paul, et prêchez saint Vincent de Paul. Vous avez un auditoire de jeunes gens, dites ce qui peut intéresser des jeunes gens, et ce qui leur fera du bien. Vous parlez à des jeunes filles, traitez des devoirs de la jeune fille. Si vous leur parlez de la prière, ne faites pas une instruction didactique copiée dans un sermonnaire, mais expliquez comment doit prier la jeune fille. Que ce que vous dites aille à votre auditoire, soit à sa portée, soit pratique pour lui. Autrement, ces jeunes filles n'écouteront pas votre sermon, et elles n'en retireront rien, si ce n'est qu'il a duré tant de temps. Mais si vous prenez vos auditeurs corps à corps, si vous les touchez au vif, ils vous écouteront, parce que vous les intéresserez. Dites à ces jeunes filles ce qu’elles devraient faire pour bien prier, les défauts de leurs prières hâtives, distraites, inconstantes; dites-leur les différentes prières qu'elles doivent faire dans la journée, apprenez-leur à faire leur oraison du matin en préparant pieusement leur journée avec Notre-Seigneur: vous aurez fait un beau et bon sermon. Avec le sermon sur la prière que vous auriez pris dans votre sermonnaire, vous n'auriez pas eu plus de succès que si vous vous étiez avisés de prêcher sur le soleil ou sur la lune, moins encore certainement! Il faut pourtant avoir pitié du prochain, mes amis. Il ne faut pas faire perdre leur temps aux gens qui sont là assis au pied de la chaire. Une heure, c’est quelque chose. L'heure rapporte huit sous et demi à l'ouvrier. Vous faites un sermon d'une heure qui n’est pas écouté: c'est au moins huit sous et demi que vous faites perdre à chacun de vos auditeurs.

Le monde est ce qu'il est. Nous ne le changerons certainement pas sous ce rapport-là. Il faut aller à lui, il faut le prendre avec les défauts qu'il a, et tâcher d'en tirer le meilleur parti possible. Préparez donc bien vos instructions en vue des auditeurs que vous aurez, parlez-leur le langage qu'ils comprendront et qui les intéressera. Tâchez d’arriver à leur cœur afin de leur inspirer quelque bon mouvement et de les convertir. Encore une fois, prenez modèle sur Notre-Seigneur. Voyez comme il parle à la Samaritaine, voyez ce qu'il dit à ses Apôtres; écoutez le Sermon sur la Montagne: il ne parle pas du tout de la même façon avec ces différentes espèces d'auditeurs. Sur la montagne, il a une grande foule devant lui. Il lui aurait été difficile de captiver toutes les attentions en prenant un sujet particulier. Il prêche alors un ensemble de doctrines; il pose les bases de son enseignement en paroles incisives, imagées, frappantes; il s’adresse au cœur des malheureux, de ceux qui souffrent, qui sont fatigués. Et ces pauvres gens, épuisés par la chaleur de ce ciel ardent, par les fatigues de la marche, l'écoutent et acceptent ses paroles. “Heureux” leur dit-il en commençant: le bonheur ! Cela les intéresse, le bonheur! Et Jésus leur montre comment ils l'auront, ce bonheur, dans la pauvreté, dans la douceur, dans la faim et la soif. “Mais, mon Père, il faut bien de la capacité, il faut beaucoup de jugement pour prêcher ainsi”.  Oui, il en faut beaucoup. Il en faut plus que nous n’en pouvons avoir naturellement. Aussi faut-il toujours prier avec ferveur avant de prêcher. Ne faites jamais votre préparation sans prière: “Seigneur, que dois-je dire? Mettez dans mon cœur et sur mes lèvres les paroles qui éclaireront les âmes et qui toucheront les cœurs. Que ce ne soit pas moi qui parle mais vous; que ce ne soit pas le langage de l'homme, mais la parole divine, l'Evangile”. Dans les catéchismes, appliquez-vous surtout à être très pratiques; expliquez soigneusement le sens de la lettre; faites les applications utiles, et dites aussi quelque chose qui aille à l'âme de l'enfant, qui l'excite à la piété. Le catéchisme, grâce à Dieu, se fait actuellement moins mal que la prédication proprement dite. On s'efforce plus volontiers de se mettre à la portée des enfants,

Demandez bien à Notre-Seigneur de prêcher comme il prêchait , et d'avoir le don de parler aux âmes et de leur donner la parole de l'Evangile. Jamais peut-être le monde n'a eu tant besoin qu'aujourd'hui de l'Evangile. C'est la lumière dont les esprits ont besoin; c'est lui qui donnera l'ardeur aux volontés. Les ténèbres envahissent tout. Un concert épouvantable de clameurs blasphématoires monte journellement vers le Ciel pour étouffer la voix conso­latrice et rédemptrice de Notre-Seigneur. Ce sont les clameurs de tant de journaux, de brochures,—les dissertations des professeurs sans Dieu, les discours des députés et des sénateurs,  les invectives des réunions populaires, des cabarets, des pères de famille mécréants et impies, les décrets des sociétés secrètes. Tout cela monte, s'étend, absorbe la vie des âmes. Et le sang de Notre-Seigneur, et ses souffrances, et ses divins enseignements vont donc être perdus! Que les voix fidèles montent comme une douce et féconde harmonie au milieu de ce chaos: “Vivante, en effet, est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit” (He 4:12). La parole divine et vivante qui jaillira de notre cœur et de nos lèvres, séparera ce qui est de Dieu de ce qui est humain. C'est la parole de Dieu qui fait le bonheur et l’assurance de l'âme, et c'est nous qui devons en être les organes et les porteurs. Cette mission de choix est la nôtre.  La bonne Mère, dans le Cahier de Fribourg, dit qu'elle apprend de Notre-Seigneur qu'elle doit être apôtre, qu'elle doit faire des apôtres. Le dernier mot de l’apostolat, c’est de prendre l'Evangile dans toute sa pureté, dans toute son intégrité, et de le donner aux âmes. Demandons à la bonne Mère Marie de Sales cette grande sagesse, cette grande discrétion qui, nous dit saint Augustin, nous fait comprendre qui est-ce qui parle, et à qui nous parlons. Qu'elle mette en nous la vie du Sauveur, afin que nous puissions sauver les âmes, et nous rendre semblables à Lui.