Retraites 1884

      


DIXIÈME INSTRUCTION
Réimprimer l'Evangile, la prière et le travail

Ne vous fatiguez pas pendant la retraite, allez courageusement à chacun de vos exercices. N'oubliez pas non plus que vous la faites avec l'univers tout entier, avec la sainte Eglise, avec vos frères qui doivent être admis au noviciat ou faire la sainte profession. La bonne Mère disait souvent qu'il fallait réimprimer l'Evangile. A cette expression, mes amis, il faut donner un sens très étendu. Il faut réimprimer l'Evangile dans notre cœur et dans le monde. Pour réimprimer l'Evangile, il faut le connaître. Il est impossible à un imprimeur d’imprimer ce qu'i1 ne connaît pas. Si l'on avait perdu l'Evangile selon saint Jean et qu'on vous chargeât de le réimprimer, le commencement irait tout seul, parce que vous le savez par cœur. Mais le reste? Sachez donc, pour réimprimer. Dans nos études, on apprenait chaque jour quelques versets, on retenait ainsi quelque chose de l'Evangile. Il faut que vous sachiez l'Evangile. Notre Règle nous oblige à lire le Nouveau Testament, tous les jours un chapitre. Soyez-y bien fidèles, et lisez attentivement, de façon à comprendre et à retenir.

On demandait à Bossuet le meilleur commentaire de l'Evangile. Il ne répondit pas. “Quel est celui dont vous vous servez?”, reprit-on.  “Une deuxième lecture”, répondit-il alors, “une troisième , une quatrième”. Aussi voyez avec quelle habileté il se sert dans ses sermons de ce qu'il sait de l'Evangile. Il faut donc, pour réimprimer l'Evangile, le lire d'abord, et le lire bien. Que ce ne soit pas une lecture distraite, ou simplement pieuse; mais une lecture faite avec une grande attention, une grande onction, comme si on l'entendait par la bouche de Notre-Seigneur. Et puis tâchez de bien pénétrer le sens. Je vous recommande néanmoins de vous servir un peu des commentateurs les plus connus. Un bon commentateur donne la clé de la manière dont on doit comprendre et interpréter l'Ecriture. Dans nos cours d'Ecriture Sainte, on donne la manière d'interpréter l'Ecriture dans son sens obvie, surnaturel, accommodatice. Il faut savoir ces choses-là. Il sera nécessaire que nous ayons dans quelque temps un cours d'Ecriture Sainte. Les Protestants étudient l'Ecriture très attentivement. Les Juifs étudient l'Ecri­ture avec leur Talmud. Il faut des connaissances approfondies, des méditations, des études pour se rendre parfaitement compte du sens de la Sainte Ecriture. Prenez un commen­taire court, clair, net, pieux au moins, s'il n'est pas d'un saint. C'est la sainteté qui donne le vrai sens de l'Ecriture. Un docteur permet de ne pas faire erreur quant au dogme; sa science éclaire, mais il n'est pas saint, il n'échauffe pas. D'autre part, pour vous Oblat, il ne suffit pas de la partie affectueuse, pieuse: il faut la science.

Lisez l'Evangile comme Notre-Seigneur l'a inspiré, comme le Saint Esprit l'a dicté, dans son sens naturel, droit. Notre-Seigneur dit qu’il faut pardonner soixante-dix-sept fois sept fois. Faites-le. Qu’il faut se fier à la Providence comme les oiseaux des champs. Imitez-les dans cette confiance. Si une objection se présente, remarquez que ce qui y donne lieu est précisé­ment qu'on n'est pas dans les conditions que demande Notre-Seigneur, qu'on n'a pas com­mencé par faire tout ce que le bon Dieu voulait de nous. Cherchons déjà le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste nous sera donné par surcroît, et dans la mesure de nos besoins.

Tous les grands commentateurs, Bossuet le premier, disent que la seule manière de bien expliquer l'Ecriture, c'est de prendre les paroles telles qu'elles sont sorties de la bouche de Notre-Seigneur, et de les entendre ainsi qu’il le voulait de ses auditeurs. Nourrissez-vous-en; lisez-la lentement, trois ou quatre, quatre ou cinq versets à la fois, puis arrêtez-vous, pénétrez-vous-en. Demandez-en l'intelligence à Dieu. Vous l'avez lue tant de fois, et il semble que cela n'a rien produit. Priez et vous serez surpris de tout ce que vous trouverez dans les paroles de la sainte Ecriture. Ceux qui cherchent de l'argent ou de l'or sont obligés de soulever pénible­ment des croûtes formées par d'autres métaux moins précieux. Ils font sauter les rochers, ils lavent la boue des ruisseaux, et ce n'est qu'ainsi qu'ils trouvent la nappe argentifère, les paillettes d'or qui valent cent fois, mille fois plus que la peine qu'ils se donnent. Bien d'autres hommes, bien des bergers étaient passés là avec leurs troupeaux sans s'en douter. Si l’on n'avait pas ouvert péniblement la croûte supérieure, on n’aurait jamais rien trouvé. Le jour où vous aurez pu comprendre et goûter quelques versets de la Sainte Ecriture, vous aurez là une mine ouverte, et vous trouverez là l'or pur, éprouvé par le feu, comme s'il sortait du creuset, dit l'Apocalypse (Ap 3:18).

Si jusqu'ici l'Evangile ne vous a rien dit au cœur, c'est que vous n'avez pas encore ouvert la mine. Employez la prière et Dieu vous donnera la clé. Soulevez les obstacles, et vous trouve­rez une mine immense de lumières, de consolations, de matériaux pour vos instructions. Vous ne direz jamais rien aux âmes sans la Sainte Ecriture. La bonne Mère aimait l'Evangile. Pendant les retraites, elle relisait l'Evangile selon saint Jean. Elle trouvait là le bon Dieu, la lumière. Elle réfléchissait longuement là-dessus, et elle avait des intuitions d'une très profonde théologie. M. Chevalier me disait quelquefois: “Ce qu'elle dit, nous ne pouvons pas le dire; nous ne pouvons deviner ces affaires-là, nous autres”. Il ne suffit pas de lire l'Evangile pour le comprendre, il faut encore le pratiquer. L'Evangile, c'est l'histoire expresse du Verbe de Dieu paraissant sur la terre parmi les hommes. C'est de l'Evangile ainsi compris que nous devons faire l'édition nouvelle parmi les hommes, par la prière, par le travail, par l'évangélisation des nations, par le sacrifice: quatre points en tout.

La prière: “Il passait toute la nuit à prier Dieu” (Lc 6:12). Remarquez l'expression. Qu'est-ce que c'est que cette oraison de Dieu qui dure la nuit tout entière? C'est le Verbe fait homme. Dans son essence infinie, il est égal à Dieu son Père; mais comme homme il est bien au- dessous de Dieu, et c’est par la prière qu'il s'élève au-dessus de la terre et communique avec lui. Dieu fait homme, il prie comme homme. Il nous montre comment il faut élever au-dessus de terre notre humanité pour l'associer à Dieu. L'humanité a le rôle de la prière. Elle n'est rien en elle-même: par la prière, elle s'élève jusqu'à l'infini.

Le Verbe de Dieu priant doit être notre modèle; notre vie, notre volonté doit être au diapason de la sienne; sa prière doit être le modèle de notre prière, la mesure de notre prière. C'était la prière de la bonne Mère, ce doit être la prière de l'Oblat. Cette prière fait que le cœur, que l'homme tout entier s'élève vers Dieu, se donne à Dieu, dans toute son étendue, sans réserver rien, comme en Notre-Seigneur la nature humaine était intimement unie à la nature divine. La volonté, l'action humaine, ne faisaient qu’un avec la volonté et l'action divines. Que tout ce qui est en nous, que tout ce qui est de nous passe en notre prière, se fonde dans l’union à Dieu et l’abandon à son amour, et l'on pourra dire aussi de nous: “Il passait toute la nuit à prier Dieu” (Lc 6:12). Ce ne sera plus en effet la prière de l'homme, mais la prière de Dieu. Elle ne restera pas circonscrite dans les limites de la nature humaine. C'est Dieu lui-même, c'est sa grâce qui opérera cette prière en nous; et cette prière sera efficace, puisque nous aurons apporté et donné à Dieu tout ce qui est de nous.     Que cette prière soit bien confiante, bien unie à Dieu. Si votre prière est isolée, solitaire, elle n'aboutira pas. Avec qui Jésus priait-il? Avec Dieu, à qu'il était intimement uni, avec lequel il ne faisait qu'un. A qui s'adressait-il? A Dieu son Père. Adres­sons-nous aussi à lui dans notre prière, adressons-nous à Jésus lui-même, notre Sauveur. Ne faites jamais votre oraison sans lui dire: “Seigneur, voilà mes misères passées, voilà mon rien”. Investissez-moi de votre grâce, de votre amour, pour qu'ils donnent quelque onction et quelque valeur à ma prière. C’est avec vous que je veux prier”. Quand vous dites le Pater, dites-le bien avec lui. Vous le commencez, il le continue avec vous, et c'est lui qui dit l’Amen. Regardez-le en le récitant, épelez-le mot à mot après lui, comme le petit enfant s'essaie à répéter et balbutie les mots qu’on lui apprend et qu'on veut lui mettre sur les lèvres. Ne restez donc jamais seul dans la prière, passant ce temps béni dans la nuit de l'oubli et de la misère, mais appelez le Sauveur à votre aide.
Voilà comme nous réimprimerons l'Evangile de la prière et comment aussi la prière deviendra la fonction la plus grande et la plus sainte que nous puissions remplir sur la terre. De nous-mêmes, il est impossible que dans notre oraison nous puissions nous élever au-dessus de la terre, mais adressons-nous à Notre-Seigneur, prenons les pensées de notre Directoire, qui nous unissent intimement à lui. Et quand nous ressentons quelque épreuve ou quelque tentation, regardons le Sauveur dans sa prière nocturne, et nous serons encouragés et aidés. Attachons-nous à le suivre pas à pas. Ce n'est pas très élevé, cela, ni très difficile. Le petit enfant qui ne sait pas marcher donne la main à sa mère; celui qui ne sait pas parler regarde sa mère, et la mère devine et explique sa pensée. Est-ce que Notre-Seigneur n'est pas pour nous un père, une mère? L’amour maternel, voilà la mesure de mon amour.

En priant ainsi tout simplement et pratiquement, nous ne resterons pas seuls. Nous ferons comme Notre-Seigneur dans l'Evangile, nous appellerons Dieu en nous, nous appellerons Notre-Seigneur lui-même auquel nous nous attacherons, que nous imiterons. Et quand la bonne Mère sortait de son action de grâce, après la communion, elle portait sur son visage des rayons célestes. Avait-elle prié seule? Elle avait prié avec le Sauveur, elle l'avait regardé; elle lui avait dit. “Faites l'action de grâces pour moi; moi seule je ne saurais pas, je ne pourrais pas. Ma volonté est à vous, à vous sans limites; qu’elle s'en aille avec vous jusqu'où vous la mènerez”. Voyez cette belle prière que Notre-Seigneur fait après la Cène, au Jardin des Oliviers. Comme c'est bien là encore le modèle de notre prière. Il priait pour nous éclairer et non pour lui-même, pour nous apprendre comment il faut prier: “Mon Père, dit-il, je vous demande ces choses, ce n'est pas pour moi, mais pour eux” (Cf. Jn 17,9).

Avec la prière, le travail. Il faut réimprimer l'Evangile, et le réimprimer page par page, sans en omettre aucune. Or Notre-Seigneur étant venu sur la terre, a passé trente ans dans des travaux manuels. Ce n'était pas des travaux d'intelligence, et pourtant il était la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde (Jn 1:9). “N’est-il pas le charpentier? (Mc 6:3) “le fils du charpentier?” (Mt 13:55). Et les Juifs se demandent: “Comment connaît-il les Ecritures, lui qui n'a pas étudié, qui ne connaît ni les sciences, ni la littérature, lui qui est un ouvrier?” C'est précisément parce qu'il est un ouvrier, parce qu'il a travaillé manuellement qu'il parle ce langage de la science divine si élevée au-dessus des conceptions humaines, le langage de l’union à la volonté de Dieu. Il a commencé par le travail manuel. Sans doute nous ne pouvons pas tous travailler manuellement, c'est vrai; mais dans notre vie il y a toujours un peu de travail manuel. C’est une bibliothèque à ranger, un coup de main à donner, un peu de jardinage à faire, un nettoyage ou un rangement quel­conque. Vous êtes chargé d'une classe. Il se rencontre souvent quelque soin matériel. Je recommande instamment la dévotion au travail matériel. Dieu a attaché au travail matériel une grâce immense. Toutes les communau­tés religieuses qui ont en honneur le travail matériel, c'est une remarque à faire, ont produit de grands saints. Ou bien alors ont eu à supporter de grandes misères, parce qu'elles n'avaient pas correspondu aux grandes grâces que leur avait apportées leur travail. Voyez dans la vie de la bonne Mère les lumières que Dieu donne à Sœur Marie-Donat qui faisait la lessive, à Sœur Marie-Geneviève qui épluchait les légumes.

J'étais à la Grande Chartreuse, j'allais voir le Père Retournat: “Je n’ai pas le temps de vous entendre”, me disait-il. “Mais je voudrais que vous me parliez, que vous me racontiez des choses intéressantes de vos novices”. —“Je ne veux rien vous dire, mais je vais vous faire faire une remarque. Avez-vous passé devant la cuisine?”—“Oui”. —“Cela ne vous a rien dit?” —  “Elle n’est pas trop bonne, votre cuisine! Mais en regardant par la porte, j'ai vu un religieux tellement modeste, tellement pieux que cela m'a frappé. J'ai bien passé quatre ou cinq fois pour le voir”. —“C'est en effet un très grand saint. Le bon Dieu donne à notre cuisinier des grâces sans pareilles, et à nous, beaux esprits, le bon Dieu semble dire: «Je n’ai rien à vous donner, vivez sur votre acqui»”.

Il y a donc, sur le travail, des grâces immenses. La bonne Mère disait,  et je le voyais bien, qu'elle faisait plus pour la communauté en travaillant avec tout le monde, que par ce qu'elle disait au Chapitre. La communauté disait: “On est heureux, on reçoit tant quand on travaille avec elle". Travaillez donc beaucoup. Je le dis bien souvent aux Oblates. Le bon Dieu n'est pas toujours celui de l'oraison; il n'est pas souvent celui de la retraite. Celui du travail, on l'a toujours dans sa main, on le manie comme son ouvrage. J’aimerais bien qu’un peu de travail manuel se mêlât à nos exercices. Que ceux qui en sont chargés surtout, en profitent donc, que les autres s'y associent, s’y unissent en esprit quand ils ne peuvent pas le faire en réalité. En réimprimant cette page de l'Evangile où l'on voit Jésus travailler de ses mains, façonner le bois, gagner péniblement le pain qui doit nourrir la Sainte Famille, et avoir en même temps les contemplations les plus élevées, bien au-dessus de celles des anges et des chérubins du Ciel, songeons qu'il est notre modèle, notre exemple, le garant des grâces et des illuminations que nous recevrons d’en haut. Ce n’est pas un ange, c'est un Dieu. Réimprimons en nous ces grandes pages des trente années de Notre-Seigneur, pendant lesquelles il consacra tout son être divin à opérer sur la matière.

Quand des misérables viennent soulever les ouvriers contre Notre-Seigneur, quand ils montent la tête au peuple avec leurs théories abominables, n’est-ce pas un odieux mensonge? Voyez quels trésors de félicité ils enlèvent à la terre, la félicité qu'apporterait le travail fait selon Dieu, et selon l'Evangile. Ces misérables tarissent les sources de la fortune, de la vraie richesse et du bonheur. Je me réjouis que le bon Evêque du Cap ait écrit au Saint-Père en lui disant; “Les Oblats sont les hommes qu'il nous faut pour amener la foi en nos régions. Ils font comme les anciens missionnaires, ils travaillent des mains en même temps qu'ils instruisent." Notre-Seigneur n'avait pas besoin de travailler intellectuellement. Il possédait toute science et toute connaissance sans effort. Nous, nous sommes des esprits bornés et ignorants, en suite du péché originel. Sans le péché, notre âme, comme celle des anges, se serait éveillée à la lumière de la vérité, et aurait su et compris, de prime abord, la volonté de Dieu. Mais le péché est venu mettre obstacle. Eve a désobéi en mangeant du fruit défendu: elle en a été punie par l'ignorance et la concupiscence. Au lieu de la science divine, elle a eu en partage le désir immodéré des félicités matérielles. Et aussi depuis ce jour l'homme a voulu s’élever, il a eu un désir immodéré d'être honoré, glorifié, de réagir contre le travail matériel, et de travailler excessivement à acquérir les dons de l'intelligence. Il faudrait qu’un Oblat ne travaillât jamais sans dire: “Verbe divin, éclairez-moi“. Faites comme saint Thomas qui ne travaillait jamais sans prendre son crucifix entre ses bras, sans l'appuyer sur son cœur, et sans contempler son Dieu avant de méditer et d'écrire. Et quand on lui demandait comment il se faisait que la doctrine coulât si facilement de sa bouche et de son cœur, il pouvait bien répondre: “Ma doctrine n’est pas de moi, mais de celui qui m’a envoyé” (Jn 7:16). Faites-en l'expérience; priez avant d'étudier et d'enseigner, même quand c'est des mathématiques, de la littérature, des sciences naturelles.

C'est ce que faisait saint Jean Chrysostome quand il avait à parler au peuple de Constant­inople: “J'étends, disait-il, mes bras vers le ciel, et j'aspire après la venue de l'intelligence. Puis, confiant en la foi que j'ai en la prière, je donne la parole que j'ai reçue”. On sait comme parlait saint Jean Chrysostome. Il avait tout ce qu'il faut pour bien dire naturellement, mais l'onction, mais la grâce pratique qui touchait les cœurs, il la puisait directement dans le ciel, fécondant le travail intellectuel par la prière. Prions nous aussi en travaillant. C'est la foi de: “Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme venant en ce monde” (Jn 1:9). C'est la lumière divine qui éclaire tout homme. Les philosophes ont compris cela. Voyez ce qu'en dit Malebranche. Il a poussé cette doctrine-là bien loin. Je n'irai pas si loin que lui, mais il faut bien reconnaître encore que l'intelligence des méchants eux-mêmes vient de Dieu. Ils en abusent, ils profanent le souffle de Dieu, mais enfin c'est le souffle de Dieu. Si vous voulez savoir, adressez-vous à Dieu. Voilà le sens de l'Evangile, voilà l'Evangile complet. Ce n'est pas là une affaire de dévotion, de perfection, de surérogation, c’est ce qui est. L’homme n'est vraiment homme qu'avec la prière; sans le secours de Dieu son intelligence est peu de chose. Dieu seul est le distributeur et le maître des choses de l'intelligence.

Notre saint Fondateur, pendant qu'il composait son Traité de l'Amour de Dieu, essayait de se mettre en communion avec la source de toute grandeur, de toute sainteté, de toute lumière. Quand il avait reçu quelque grande lumière, il se mettait à écrire  et on entendait parfois alors autour de lui un bruit épouvantable: l'enfer cherchait à le détourner de son entreprise. Moi aussi, depuis la mort de la bonne Mère, je crois au diable. J'ai expérimenté tout ce qu'il peut faire pour détourner d'une entreprise qui lui déplaît. Et par les peines que j'ai eues à écrire la Vie de la bonne Mère, j'ai été pleinement converti à la foi en sa sainteté; plus d'une circon­stance analogue à celles qu'on lit dans l'histoire de saint François de Sales m'ont prouvé, à moi aussi, que le diable voulait m’empêcher d'écrire.

Travaillons donc et prions: la prière nous donnera la lumière et ce que nous aurons appris comme cela, nous le saurons bien. Ce sera pour nous la source du puits de Jacob. L'eau est rare, le puits est profond. Mais, comme à la Samaritaine, Jésus, si nous le lui demandons, fera jaillir pour nous les sources de la vie éternelle. Jésus est plus puissant que le patriarche Jacob. Le patriarche n’avait que cette eau-là, pour s'abreuver et abreuver toute sa troupe, l'eau de la citerne. Et voilà que de cette citerne à moitié tarie Jésus fera jaillir une eau vive, claire, qui ne tarira pas. Voyez, il est là assis sur le bord du puits: demandez-lui cette eau qui jaillit jusqu'à la vie éternelle. Ne vous contentez point de cette eau marécageuse dont boivent les passants, hommes ou animaux, dont boivent les impies et la science moderne, ceux qui étudient et travaillent contre l'Eglise. Demandez votre eau au Sauveur: il vous donnera la vraie eau, l'eau vive qui désaltère éternellement. Non seulement vous aurez la science et la lumière, mais vous aurez aussi la sanctification de vos âmes. Ce que vous saurez par votre travail intellectuel, fera monter votre âme jusqu'au ciel, l’approchera de Dieu.