Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Chez nous les histoires sur ceci et sur cela sont absolument bannies

Chapitre du 13 octobre 1897

Nous allons nous remettre à la besogne avec tout le courage possible. Pour nous soutenir dans notre travail, pour que ce travail soit utile et produise des fruits sur nos élèves, il faut de toute nécessité être de bons religieux. Une fois que vous êtes bons religieux, tout va bien.

Je vais vous faire une recommandation importante. Il y a chez certains un genre qui consiste à raconter des histoires sur celui-ci, sur celui‑là. Je sais bien qu'au fond cela n'est pas pervers. On appartient à la Congrégation, dès lors on s'en occupe, on y porte intérêt, affection, et on parle beaucoup de ce qui la concerne et concerne quelques‑uns de ses membres. Je préviens donc quelques‑uns d'entre vous de ne plus se mettre à raconter toutes ces histoires. On ne doit pas parler de ce qui se passe dans la Congrégation, du déplacement de celui‑ci ou de celui‑là, des raisons qui ont pu motiver ce déplacement. C'est absolument défendu. Cela nous rapetisse, mes amis, de parler de ces choses. Il faut avoir un peu de dignité.

Nous autres qui avons passé par le séminaire, je sais bien que nous avons pu y prendre quelque peu cette mauvaise habitude. Au séminaire, ces choses‑là se font volontiers. On s'occupe du déplacement des maîtres, du déplacement des confrères, de l'administration diocésaine. Mais, entre religieux, cela est absolument défendu. Saint Bernard disait que ce  qui est une vétille pour des laïques, devient un blasphème dans la bouche d’un prêtre ou d’un religieux.  Ce sont des paroles qui choquent, des paroles en dehors de ce qui est convenable, innocent, permis. Faites donc bien entre vous la correction fraternelle sur ce point. Quand l'un de vous se dirige de ce côté, tirez‑le par la manche et dites‑lui: “Ce n'est pas par là qu'il faut aller”.

Je sais bien que tout le monde, grâce à Dieu, n'agit pas ainsi.  Mais enfin il en est qui se racontent d'une maison à l'autre ce qui s'est passé ici ou là. Je le défends. Que ce qui se fait à Saint-Bernard, reste à Saint-Bernard, que ce qui se fait ailleurs reste ailleurs. Nous ne sommes pas des gazettes chargées de le raconter. Cela donne un genre rabaissé; cela se sent, et je ne puis pas dire l'impression que cela produit dans la société, parmi les gens qui savent vivre et qui vous entendent.

Pour les exercices religieux, il faut les faire bien exactement, ne jamais se dispenser de l'oraison, ni de la visite au saint sacrement sans permission spéciale du supérieur. Il est d'usage dans les maisons de la Visitation de renouveler ce genre de permission tous les 15 jours. C'est un assujettissement très bon et qui obtient la grâce de Dieu. Il est absolument défendu de sortir en ville ou d'aller en promenade sans la permission du supérieur. Cette permission d'aller faire une promenade pourra s'accorder quand il s'agira d'aller à la campagne, mais il ne faut pas faire de la ville un but de promenade, maintenant surtout que nous avons quelque chose de spécial dans notre costume, que nous avons un uniforme. Les personnes que nous rencontrons ne sont pas toujours bien disposées en faveur du clergé et des religieux. Qu'on ne nous voie qu'au Collège, à l'église, là où nous pouvons porter les autres à l'édification. En général aussi, n'allons pas acheter nous‑mêmes nos souliers, nos lunettes, etc. Adressons‑nous pour tout cela à 1'économe, au P. Lambert. Il donnera des ordres en conséquence. Voyez: on se donne volontiers un petit genre en 1'air qui n'est pas du tout celui qui nous convient. Il n'y a rien de bon à recueillir là. Nos devoirs sont assez sérieux pour concentrer toute notre attention, toute notre énergie.

Je voudrais bien aussi que nous mettions notre communauté sur un pied convenable, que les Oblats soient quelque chose de bien. Pour l'intérieur de la maison, il faut dépendre entièrement du supérieur. Le P. Rolland donnera les programmes. C'est lui  qui surveillera tout, c'est à lui que toutes les questions doivent revenir. Il a la charge: il faut qu'il ait les moyens de l'exercer. Par vos rapports de confiance, de soumission, de dépendance, vous pouvez remplir, parfaitement, tous, les conditions d'enseignement, de surveillance qu'on vous demande.

Que chacun de nous tienne bien son âme devant Dieu, pure de toute mauvaise chose, soit contre le sixième commandement, soit contre tous les autres, en particulier contre la charité, contre l'esprit de support. Pour l'esprit de support, il faut partir d'un principe. Vous êtes de telle ou telle façon. Votre manière d'être, de voir, d'agir, ne plaît pas à tous ceux qui vous entourent. Il ne faut donc pas vous étonner de n'être pas ravi vous‑même de la manière d'être d'un autre. Ce qu'il faut faire? Chacun de nous doit voir dans son confrère ce qu'il y a de bon. Et il y a toujours un bon côté. Il faut partir de là, puis élargir, étendre ce bon côté, et non le restreindre. Autrement si vous ne vous serrez pas vers ce bon coté, si vous ne vous cantonnez pas là, les relations se rétrécissent, deviennent de plus en plus difficiles, et on finit par ne plus s'entendre du tout.

Donc, voir le bon côté, puis s'établir sur ce terrain, s'étendre, s'approfondir et s'élever et construire. C'est un vrai terrain à défricher. Nous avons là‑bas, en Afrique, de l'autre côté de l'Orange, un terrain de 4O km. carrés de superficie. Il y a à certains endroits des fontaines, de la verdure, et plus loin, il n'y a plus rien. C'est l'image réelle de ceux avec qui nous vivons. Que ce soit là toujours la règle de notre conduite vis‑à‑vis de nos confrères, vis‑à‑vis de nos élèves pareillement. C'est le point d'où il faut partir. Affectionnons-nous à ce qui est bon en eux, et tâchons de l'agrandir par la confiance, par le dévouement. Plaçons‑nous toujours à ce point de vue. C'est le seul bon et le seul vrai.

Dans les rapports entre nous, observons bien ce qui est marqué dans les Constitutions. Que nos manières n'aient rien de rustre, de dur, qui ne sente la bonne éducation. La bonne éducation n'est pas autre chose que l'application pratique des principes de la vie chrétienne.

Je vois que la cause de la bonne Mère s'avance. Le P. Rollin nous écrit qu'on va préparer tout ce qui est nécessaire pour la formation des tribunaux apostoliques, qui doivent succéder maintenant aux tribunaux des différents diocèses. Nous avons dans la bonne Mère une protectrice. Tout le monde est frappé de l'union de toutes les âmes en faveur de la bonne Mère. C'est une occasion de plus de la faire connaître et aimer dans nos œuvres qui sont les siennes. Des ecclésiastiques font remarquer que la cause étant jugée, on peut maintenant marcher en toute sécurité, ce qui est un grand point. Le Saint‑Père s'est prononcé solennellement et publiquement.

Il nous faut, mes amis, garder l'empreinte de la famille, il nous faut nous modeler sur le type qui nous est mis sous les yeux, pour le fond et pour l'extérieur. C'est une raison pour nous de nous tenir, vis‑à‑vis de tous, vis‑à‑vis du clergé en particulier, dans la condition de vrais religieux, de bons Oblats de saint François de Sales. Prions pour que Dieu permette que la cause de la Bonne avance. Je crois qu'il y aura bien tout ce qu'il faut pour la béatification, en fait de preuves des vertus héroïques, et pour la canonisation, en fait de miracles.