Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Un petit mot sur la fête de saint François de Sales

Chapitre du 27 janvier 1897

J'ai reçu ces jours‑ci une lettre du P. Rollin. Il est toujours bien reçu à Rome chez les Cardinaux, on lui témoigne beaucoup d'affection et de confiance pour la Congrégation. Il espère que la cause de la bonne Mère va marcher avec succès. J'ai reçu une grande lettre du P. David. Les PP. Lardon et Saunier sont partis pour Montevideo. Lui, il essaie de rester encore à l'Equateur pour arranger les affaires matérielles. Il espère que les Sœurs pourront rester, en partie du moins. Au Cap, la famine continue toujours. Les Pères et les Sœurs sont à la veille de n'avoir plus rien à manger. Ils n'ont plus de bœufs pour aller à Springbock chercher du blé. Il faut bien prier la bonne Mère pour eux. Quand elle était vivante, elle obtenait du bon Dieu tout ce qu'elle lui demandait en fait de choses matérielles, la pluie, le beau temps, les récoltes. Il est grand besoin qu'elle aide nos pauvres missionnaires.

Mes amis, je désirais vous réunir tous, à la veille de la fête de saint François de Sales, pour vous dire un petit mot au sujet de cette fête. Il faut que nous nous resserrions tous autour de notre bienheureux père et que nous lui demandions la grâce d'accomplir le Directoire parfaitement. En effet, c'est par 1e Directoire que la Congrégation est vraiment quelque chose, qu'elle a sa raison d'être, qu'elle a sa place à part des autres Congrégations dans la sainte Eglise. Dans les lettres que je reçois à l'occasion du nouvel an, c'est un concert unanime pour dire que les Oblats sont appelés à faire un grand bien dans l'Eglise. Chez eux, me dit‑on, il y a quelque chose du bon Dieu, qui se sent, parce que la grâce, l'esprit de Dieu habite en eux par la pratique du Directoire.

 

Le Directoire, c'est la pensée habituelle de saint François de Sales, c'est le désir de son cœur et sa volonté. Or nous ne pouvons moins faire, à l'occasion de sa fête, que de lui promettre d'entrer dans cette vie intérieure qu'il a menée lui‑même. La bonne Mère sur son lit de mort me disait: “On verra encore de grandes choses. On verra le Sauveur marcher encore sur la terre. On réimprimera l'Evangile dans les âmes. Et c'est vous, ce seront vos Pères qui le feront. J'aurais aimé voir cela”, continuait‑elle, “mais ce que j'aime mieux c'est le sacrifice que Dieu m'en demande, c'est la divine intention. Il m'a fait voir et comprendre ces choses; à vous de les exécuter”. Mes amis, ce sont là des choses bien sérieuses. C'est une grande mission qui nous est confiée. Le Directoire, l'apprécions‑nous suffisamment, à sa juste valeur? Est‑ce que pour plusieurs, étant donné leurs occupations, leurs charges, leurs sollicitudes de chaque jour, le Directoire ne passe pas un peu trop inaperçu? C'est peu de chose parmi les soucis de la journée: un peu de confiture sur le pain... Le Directoire? mais c'est la base de notre nourriture, c'est le flambeau qui doit éclairer nos pas et dont la lumière nous montrera à tout instant la route de la divine volonté, du divin bon plaisir.

Demandons à saint François de Sales qu'il nous donne maintenant ce qu'il n'a pas pu donner aux hommes alors qu'il était sur la terre. Son œuvre n'est pas accomplie tout entière. Il est mort la laissant inachevée. Sœur Marie‑Geneviève me disait: “Notre saint Fondateur est bien occupé dans le ciel maintenant. Ce que le bon Dieu a mis en lui et qu'il n'a pu communiquer aux hommes, maintenant il veut le donner; et c'est par le moyen de vos Pères qu'il le donnera”.

Mes amis, ce ne sont pas là des visions creuses, des imaginations sans fondement. Il faut que ce soit un peu notre Evangile à nous, ou du moins le complément de notre Evangile. C'est la parole qui doit éclairer notre chemin. Que chacun fasse donc une quinzaine de fidélité à son Directoire, en union avec saint François de Sales et la bonne Mère.

De bien des côtés on désire des fondations, on nous en prépare. On vient à nous, au-delà et bien au-delà de ce que nous pouvons accepter. Il faudrait nous agrandir. A vous, mes amis, par votre prière et votre fidélité, d'obtenir du bon Dieu des aides, de fidèles et courageux compagnons de noviciat, qui puissent développer et élargir notre champ d'action.

Nous avons entre les mains des trésors de grâces. Nous devons être les bons et fidèles serviteurs qui font fructifier les talents qui leur ont été confiés. Et alors Dieu vous dira: “C’est bien, serviteur bon et fidèle” (Mt 25:21). Mais si vous étiez le serviteur infidèle et paresseux, qui a enveloppé son talent dans son mouchoir et l'a enterré dans un coin du jardin en disant: “Ceci ne me regarde pas, ce n'est pas mon affaire”, le Seigneur vous reprochera d’être  des serviteurs “mauvais et paresseux” (Mt 25:26).

Je le répète, ce mouvement vers nous existe depuis longtemps; il devient plus accentué que jamais. C'est avec empressement, m'écrit le P. Lebeau, que les fidèles, les prêtres, les évêques accueillent notre Congrégation et notre Association de saint François de Sales. Un certain nombre de fidèles et de prêtres s'en occupent. Autour de nous, je constate que nous n'avons plus d'ennemis, nous n'avons plus que des amis. Le clergé, ici à Troyes, apprécie les services que nous lui rendons. On sent le besoin de venir aux Oblats pour la confession et pour la prédication, parce que notre esprit est un esprit de simplicité. Nous ne cherchons, on finit bien par le voir, que la volonté et la gloire du bon Dieu, et nous savons nous mettre de côté, quand il s'agit de questions personnelles, et faire passer toujours en première ligne les intérêts du bon Dieu. Ce sont toutes ces considérations qui vont nous aider à faire de tout notre cœur la saint François de Sales.