Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Les Oblats à la hauteur de leur mission

Chapitre du 8 janvier 1896

(Les Chapitres des trois mois précédents et le commencement de ce chapitre ont été perdus. Notre Père parle de la mission confiée par Dieu aux Oblats de saint François de Sales.)

Or, mes amis, qui est chargé de cette mission, quelle congrégation en a la tâche? Qui est chargé de donner la vie, de donner le mouvement à cette grande œuvre? —  car certainement ce sera grand. Je ne vous fais pas une prédiction, mais je vous trace une ligne de conduite. Je constate, mes amis, dans le sentiment universel, dans les paroles de ceux qui sont en rapport avec nous, dans les paroles que l'on m'a dites à Rome et ailleurs, que tout le monde croit que ce moyen aura une grande influence et un grand résultat dans la société chrétienne. Qui est chargé de cette œuvre? Ce sont les Oblats de saint François de Sales. Et cette œuvre, pour avoir la vie, pour avoir le mouvement, doit prendre son impulsion uniquement des Oblats de saint François de Sales.

Il faut, mes amis, que nous soyons à la hauteur de cette mission, qui a été annoncée par la bonne Mère il y a 50, 60 ans bientôt. Elle a été prédite maintes fois par la bonne Mère et par les âmes saintes qui l'entouraient. Je le répète, c'est la pensée des prélats, des évêques qui sont entrés dans cette voie, ou qui commencent à la connaître. Il y a là assurément une espérance bien grande, et cette espérance, sur qui repose‑t‑elle? Sur les Oblats de saint François de Sales. C'est tellement sur nous que la bonne Mère disait et répétait: “Ce seront ces religieux‑là qui auront cette œuvre et qui seront chargés de la répandre dans le monde”. Mais pour réaliser cette œuvre, il faut que nous soyons vraiment des Oblats de saint François de Sales.

Il faut que cette doctrine de saint François de Sales que nous enseignons parte de notre cœur et d'un cœur qui soit généreux. Il faut que notre vie soit courageuse; il faut que nous marchions en déterminés. Cette vie‑là, au fond, n'est pas difficile, seulement elle est mortifiante. Elle n'a rien de bien extraordinaire; on n'a pas à crucifier sans cesse sa chair, à se torturer par des austérités extérieures. Mais on fait davantage. Cette vie, c'est la mort à soi‑même, c'est la démission de la personnalité humaine complète. Cette personnalité doit disparaître devant la volonté divine, devant le bon plaisir divin.

Il faut bien comprendre et il faut bien mener cette vie‑là. Chacun de nous a là le moyen de se mortifier sans cesse, de se priver de quelque chose, de se donner, de se sacrifier. En un mot, pour bien conduire cette œuvre, il faut un homme qui soit du métier. Si vous ne savez pas faire le métier, vos paroles seront sèches. Il n'y aura pas d’écho dans les âmes qui vous entendront. Il n'y aura rien. Mais faites vous-mêmes d'abord. “Agir vaut mieux qu’enseigner” - [“Melius facere quam docere”]. Que chacun de nous se mette donc bien à l'observance, simplement, bonnement, généreusement et fortement. Ne soyons pas des lâches, mettons là toute notre énergie. Nous ne pouvons pas être religieux sans souffrir. Cela n'est pas possible. Acceptons vaillamment les peines et les mortifications qui se trouvent dans cette voie‑là; le bon Dieu nous récompensera de l'abondance de son amour. Nous prendrons l'habitude d'aimer bien, quand quelque chose nous mortifiera. On ne peut pas, sans doute, l'aimer naturellement. Il faut l'aimer surnaturellement. Il faut bien que nous sentions le joug de la vie religieuse, sur nos épaules, sur nos cœurs; et il faut acquiescer amoureusement à la charge de chaque journée, dans les mortifications qui nous accablent.

Je peux bien compter sur vous, mes amis, sur votre foi, sur votre générosité; car j'ai des motifs pour y compter. Il y a donc un grand travail à accomplir, et ce travail doit produire ses effets; et c'est vous qui êtes chargés de donner les effets de ce travail à l'Eglise et au monde. Cela sera une belle mission, un magnifique apostolat.

Il ne faut pas nous priver du nécessaire, sans doute, mais il faut savoir nous priver de bien de satisfactions personnelles, d'un mot de plainte, d'un mot de blâme. Un malaise que nous ressentons: offrons‑le au bon Dieu. Quelque chose nous manque: offrons-le encore au bon Dieu. Les choses que nous avons à faire, la manière dont nous devons les faire: offrons bien tout cela. Faisons bien argent et fortune de tout. Pénétrez‑vous bien de cela, mes amis, et que chacun le fasse bien résolument: dans la préparation de sa classe, dans la surveillance des é1èves, dans les contacts de la vie commune. C'est dur tout cela! On ne mange pas ce qu'on veut, on ne fait pas ce qu'on veut, ainsi de suite. Apprenez bien à donner toujours tout cela au bon Dieu. Voilà la vie de l’Oblat de saint François de Sales, voilà ce que nous aurons à enseigner aux prêtres qui seront de notre association. Il faut qu'ils deviennent, et nous avec eux, d'autres saint François de Sales, et il faut que nous leur donnions la marche. Il faut que nous leur donnions l'exemple. Il faut que nous sachions, les premiers, souffrir et donner.

Voyez les Pères de l'Assomption avec Notre-Dame de Lourdes. Sans les Pères, sans leurs trains de pèlerinages, il y a peu de miracles et il n'y a guère de Notre-Dame. Est‑ce qu'ils sont de grands saints, des hommes extraordinaires pour faire cela? Ils sont des prêtres bien bons, bien zélés, comme nous tous nous le pouvons être. Mais ils font leur chose, et il faut que les Oblats fassent aussi leur chose. Que chacun de nous prenne la résolution d'être fidèle au Directoire, d'accepter les peines qui se rencontrent, les souffrances, avec égalité, je dis même avec un peu de goût. Il y a des personnes qui aiment ce qui est amer. Aimons ce goût-là. Quand nous sommes tout dans les amertumes, dans les mortifications, aimons‑le bien.