Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Le prix inestimable des petites pratiques

Chapitre du 10 octobre 1894

Voici une nouvelle année scolaire qui recommence. C'est à nous à la bien commencer, sinon, nous ne ferons rien de bien pendant tout le reste de cette année. Et nous la commencerons bien en nous mettant entièrement à notre vie religieuse. Le matin, nous prendrons la ferme résolution de ne pas manquer à la Règle, au Directoire; que chacun fasse, le matin, la préparation de sa journée, avec son Directoire, qu'il prévoie ses occupations, qu'il s'examine surtout au point de vue de la charité, qu'il pressente aussi les chutes qui pourront lui arriver au milieu de toutes les circonstances de la journée. A l'heure qu'il est, le monde éprouve une sorte de malaise, qui dissout les liens de la société, l'union des familles. Ce malaise, nous le ressentons comme un air mauvais. Saint  Bernard a dit qu'il était nécessaire que les  cœurs des religieux ramassent un peu la poussière du siècle. Ce n'est plus maintenant de la poussière seulement: il y a de la boue.

Attachons‑nous donc au Directoire, remplissons nos charges en bons religieux, comme un hommage que nous voulons offrir à Dieu. En préparant ainsi notre journée, nous ferons une grande besogne, nous serons prêts à tout, nous n'aurons plus à chercher ce que nous devons faire, ce qui nous arrivera. Nous nous tiendrons prêts. La sainte Eglise a besoin de religieux. Il faut nous fonder solidement dans notre vie. Le succès d'une armée ne dépend pas du nombre des soldats, mais de chaque soldat en particulier, de sa manière de faire. Si chaque soldat ne marche pas au pas, n'obéit pas aux commandements de ses chefs, il y aura du désordre dans l'armée. Il en est de même pour la vie religieuse. Si chaque religieux ne suit pas exactement sa Règle, il met le désordre dans la communauté, en mettant ses frères dans l'impossibilité d'accomplir leur devoir. La sainteté du religieux ne se compose pas de grands sacrifices, mais d'une foule de petites pratiques qui, aux yeux du monde, peuvent sembler inutiles, mais qui, devant Dieu, ont un prix inestimable. Accomplissons donc bien ces petites choses, les moindres détails de notre Règle, si nous voulons devenir des saints. Faisons donc bien notre oraison le matin avec piété et avec cœur. Aimons notre Règle: ce qu'on aime, on le fait bien. Si nous avons à soutenir des luttes pendant le cours de la journée, offrons‑les à Dieu, pour le bien de ceux qui nous sont confiés.

Je n'ajoute pas que, pour les permissions, il faut être extrêmement sévère sur soi‑même. Soyons de bons religieux, au moins de bons séminaristes. Je me souviens que, de mon temps, au grand séminaire de Troyes, les séminaristes étaient presque tous fidèles à ne rien faire sans permission; aussi ont‑ils tous fait de bons prêtres. Attachons‑nous à une grande fidélité aux petites choses. Cela forme beaucoup l'homme intérieur, et aussi l'homme extérieur. L'influence que vous avez sur les élèves dépend de votre  manière d'être extérieure. Tous les prêtres confessent, donnent des conseils, des avis. D'où vient que certains avis sont plus goûtés et suivis venant de certains prêtres que provenant d'autres? Tout dépend de la formation intérieure de l'homme, du prêtre, du religieux. L'esprit de Dieu est là. C'est lui qui donne le complet, le parfait. Au commencement de cette année, demandons donc cette grâce à la bonne Mère. Du haut du ciel, elle nous voit, elle nous bénit: soyez sûrs d'être toujours exaucés lorsque vous lui demanderez de faire la volonté du bon Dieu. Qu'il nous bénisse tous et nous donne une grande fidélité à notre Règle.