Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Les vacances sont un temps de sanctification

Chapitre du 18 juillet 1894

Nous allons entrer en vacances. Cela ne veut pas dire que nous n’aurons rien à faire pendant ce temps-là. Ce sera néanmoins un temps de vacances, de relâche: le travail ne sera pas si continu, il y aura davantage de repos. Je vous engage à bien profiter de ce temps pour votre vie spirituelle, votre vie surnaturelle. C’est un peu singulier, ce que je vais vous dire, mais rien n’est plus vrai; le temps des vacances est le temps le plus propre à sanctifier l’âme. Nous lisons dans le Bréviaire: “Ce que je fais volontairement, ce que je fais volontiers, vous est plus agréable que le reste, ô mon Dieu” - [“Voluntaria oris mei beneplacita fac, Domine”]. J’ai toujours fait cette remarque que les bons séminaristes gagnent beaucoup en vacances, et les mauvais reviennent au séminaire très mauvais. C’est la même chose pour nous religieux. Les vacances, c’est généralement une diminution du travail intellectuel et une augmentation d’occupations matérielles. Or il est plus facile d’être recueilli, d’être uni à Dieu dans le travail matériel. Les obstacles à la vie intérieure, la dissipation, et ce qui dissipe par-dessus tout , la passion, se rencontrent facilement avec le travail intellectuel.

Pendant les vacances prenez la résolution de mieux faire le Directoire et la direction d’intention, de vous tenir plus unis à Dieu par la pensée. Cela ne gênera pas le repos de votre esprit ni de votre corps. Vous allez être plus libres, vous aurez plus de temps, vous ne serez plus surchargés, accablés. Allez souvent par la pensée vous reposer dans le coeur du bon Dieu, dans le coeur du Sauveur. Et vous verrez combien ce temps des vacances sera sanctifiant.

Recommandez-vous pour cela à nos saints protecteurs, à la bonne Mère. Et soyons généreux. Nous avons la vue de faire quelque chose pour le bon Dieu: le petit sacrifice d’une inclination de nature. Faisons-en la pratique. Soyons attentifs et vigilants pour bien accepter toutes les pratiques de mortification qui se présenteront, pour les bien recevoir et prendre “de la main paternelle de notre bon Dieu et Sauveur, qui nous veut faire mériter par tels moyens, pour, par après, nous récompenser de l’abondance de son amour” (Dir. Art III; p. 33). La substance, la trame de notre vie passe vite, et nous ne trouverons au bout que ce que nous aurons semé. Ce sera toute notre récolte.

Je reviens souvent sur la même pensée, et on ne saurait trop la redire. C’est un mandat qui nous a été confié, c’est un chandelier qui nous a été mis entre les mains pour éclairer autour de nous les âmes, cette doctrine de la vie d’union à Dieu par le Directoire, de la direction d’intention. Le chandelier ne nous appartient pas: Dieu l’a mis à côté de nous. Il peut le transporter ailleurs, si nous ne répondons pas à son attente. Mais c’est à nous que Dieu l’a destinée, cette lumière, afin que nous marchions à sa clarté et que nous y fassions marcher les autres.

Si saint François de Sales ôte le chandelier de nos mains, nous serons pires que les autres hommes parce que la lumière qui nous était destinée nous ayant été enlevée, nous n’aurons même pas la lumière qu’ont les autres. Nous ne pouvons pas changer l’ordre de la Providence. C’est tout à fait sérieux, mes amis. Il faut que nous allions à Dieu par ce moyen-là. Les autres moyens ne sont pas pour nous, et ne peuvent pas nous conduire. Entrons courageusement dans cette voie: nous avons l’exemple des saints qui nous précèdent, nous avons les grâces que le bon Dieu ne nous ménagera pas.

Je suis extrêmement frappé d’un fait indubitable qui se produit dans l’éducation. L’éducation vaut toujours ce que vaut la personne qui la donne. C’est terrible, mes amis, c’est effrayant. Voilà tel ou tel jeune homme, telle ou telle jeune fille: ils sont marqués à l’effigie du maître ou de la maîtresse qui les a élevés. Leur âme a pris l’empreinte, comme la cire amollie prend l’empreinte du cachet, et cela reste. Nous donnons l’éducation. Les âmes d’enfants, de jeunes gens viennent à nous confiantes. Elles vaudront autant que nous valons nous-mêmes. Il faut y penser. Cela nous aidera grandement, et nous encouragera à une vie généreusement mortifiée. La mortification est le sel de la terre. Elle conserve et empêche la corruption. Cela se reconnaît; on peut le retrouver dans ce que nous avons déjà fait. On reconnaît à leurs oeuvres ceux qui ont travaillé, donné, souffert. Nous allons faire une grande fête à Jeanne d’Arc. Il faut que nous en tirions notre profit spirituel. Demandons à Jeanne d’Arc une grand fidélité aux voix que nous entendons: voix de l’obéissance, voix divines de toutes sortes. La fidélité a fait le salut d’une grande nation. Qui peut calculer les conséquences d’un petit acte de fidélité? Demandons son secours à Jeanne d’Arc.