Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Tout faire passionnément bien

Chapitre du 6 décembre 1893

Il y a dans chaque ordre ou congrégation une manière de faire qui lui est propre et qui manifeste son caractère. Les membres de ces ordres ou communautés doivent s'y conformer, car pour eux le bien n'est possible qu'à cette condition. Inutile d’étudier quel est l'esprit, le caractère et la manière de faire des autres religieux. Nous pouvons et devons admirer ce qui chez eux nous semble bon et utile, mais gardons‑nous de suivre leur voie propre si elle diffère de la nôtre. Car, si parfaite qu'elle soit, elle ne nous conduirait pas au but que nous nous proposons.

Nous avons, comme toute société religieuse, notre esprit, notre manière de faire. Or la manière de faire des Oblats, c'est de faire passionnément bien tout ce qui est imposé par le devoir ou par l'obéissance. Faire passionnément bien! Cette expression a une grande étendue. Il ne suffit pas à 1'Oblat de faire bien, il doit agir avec autant de coeur que si la chose qu'il fait était sa chose propre. Il doit y mettre toute son intelligence, toute sa volonté, tout son coeur. Il faut qu'il puisse dire, comme Jésus-Christ: “J’oeuvre moi aussi” (Jn 5:17). Il reste maître de son acte. Rien n'entrave son action, rien ne la contraint. Par suite, quel mérite pour celui qui agit de la sorte! Mais cette parole de Jésus: “J’oeuvre moi aussi” n'est applicable à nos actes qu'autant que nous agissons en union avec Dieu. Il en résulte qu'il n'y a pour nous rien d'indifférent, rien de petit. Tout est grand, parce que le principe de nos actes est la volonté et le bon plaisir de Dieu. Dieu n'a pas besoin d'employer de grands moyens pour opérer des merveilles. Qu'est‑ce qu'une goutte d'eau versée sur la tête d'un enfant? Qu'est‑ce qu'une parole telle que celle‑ci: “Je vous absous” ou “Ceci est mon corps”. Et cependant cette goutte d'eau, ces paroles si simples, si brèves, opèrent les plus grands miracles de la grâce. Il en est de même de nos actes. Je suis surveillant d'étude, je suis professeur, je prêche, je confesse. Ce sont autant d'actes qui produiront pour nous et pour les autres des merveilles de sanctification, si nous les faisons passionnément bien et si nous pouvons dire: “J’oeuvre moi aussi”. J'agis librement, volontairement, amoureusement.

Comment arriverons‑nous à réaliser cette parole? C'est en nous habituant à ne rien concevoir, à ne rien faire sans nous être assurés de l'assistance de Dieu par la prière. C'est en nous habituant à agir toujours bonnement, simplement, sans recherche de nous‑mêmes, sans retour sur ce qui est fait. N'oublions pas qu'en agissant nous sommes donnés en spectacle aux hommes et que notre extérieur doit refléter le sentiment qui nous anime. Saint François de Sales a été, sous ce rapport, un modèle que nous ne saurions trop étudier. Chez lui tout était ordonné, simple, et naturel. Nulle part, qu'il fût seul ou en public, il ne se départait de cette belle tenue qui ravissait les âmes. Il n'était pas arrivé là sans efforts, sans sacrifices, sans une grande vigilance sur lui‑même.

Il faut former les novices à cette manière d'être. Il y aura là pour eux un exercice de mortification parfois difficile et rude, mais le mérite qui s'attache aux sacrifices doit leur en inspirer le désir et l'amour. Etudions, recueillons-nous et appliquons‑nous donc tout ce qui porte le cachet de notre manière d'être, de notre manière de faire, agissant “pour l’amour de Dieu”. Ce fut le secret des vertus et des mérites de la bonne Mère. Nous y trouverons nous‑mêmes notre sanctification et le secret de parler aux âmes, de les amener et de les unir à Dieu.