Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

La bonne Mère

Chapitre du 7 octobre 1891

Aujourd'hui nous avons tous prié pour la bonne Mère. Voilà 16 ans aujourd'hui qu'elle nous a quittés. Demandons à Dieu qu'elle soit bientôt canonisée. Ce travail de canonisation est plus facile, tant qu'il y a des témoins en vie, tant que les personnes qui l'ont connue et qui ont vécu avec elle peuvent venir attester ses vertus. Les personnes qui l'ont connue ont plus de zèle pour mener à bonne fin cette grande affaire. Ce sera pour les Oblats un grand point d'appui et la confirmation de toutes les promesses qui leur ont été faites. Cela aidera puissamment à répandre leurs oeuvres. Nous la prierons aussi, chacun en particulier, pour qu'elle nous donne notre véritable esprit, notre véritable pensée. Nous faisons comme beaucoup d'ordres religieux, nous venons à notre heure, à l'heure où l'on a besoin de nous, de notre esprit. Tous ceux qui ont appris à connaître la bonne Mère, qui ont lu et apprécié sa Vie, tous rendent témoignage de l'entière justesse de ses vues et de ses pensées. Sa sainteté ne fait pas de doute. Mais ce que l'on admire surtout, c'est son bon jugement, c'est le grand sens dont elle a toujours fait preuve, c'est le complet de ce qu'on appelle sa doctrine. Ceux qui ont fait l'expérience de sa charité et de sa puissance auprès du bon Dieu s'en louent extrêmement. Elle leur est d'un grand secours. Recourons donc bien à elle dans nos prières. Pourquoi ne l'invoquerions-nous pas tout spécialement quand nous avons quelque chose à faire de pénible, de difficile? Pendant tout le temps qu’elle a vécu je n'ai jamais su ce que c’était que d'avoir une difficulté. La bonne Mère est là, me disais-je toujours, et la bonne Mère arrangeait tout.

Faisons usage, maintenant encore, de la bonne Mère. Elle est notre bien, notre ressource. Tout ordre religieux a dans son Fondateur un protecteur et un guide. La bonne Mère sera cela pour nous. Prenons-la avec nous en toute espèce de choses et de circonstances. Il faut qu'elle parle, qu'elle agisse avec nous et pour nous; il faut qu'elle nous tire d'embarras, qu'elle nous préserve de telle ou telle difficulté. Dans chaque circonstance pénible ou périlleuse, je le répète, recourons à son aide. Le ciel n'a pu restreindre son pouvoir, ni son amour pour les Oblats, ses enfants. Regardons-la comme notre patronne toute spéciale. Fortifions-nous aussi par le souvenir de ses exemples. Chez elle ce qui était de la Règle, de l'obéissance, ce qui, par conséquent, faisait le fonds de sa vie n'apparaissait pas tellement. Elle était exacte et fidèle. Cela ne paraissait rien. Ce qui restait apparent dans sa vie, c'étaient les dons signalés, les grâces extraordinaires, le secours qu'elle apportait au prochain. Le fonds de sa vie n'apparaissait guère à l'extérieur que par la fidélité absolue de l'observance, des saints vœux, de la charité dont elle se faisait toujours une loi inviolable et qui était la base de toute sa vie et de toute opération matérielle, naturelle et surnaturelle. Elle nous donne l'exemple d'une parfaite régularité. Invoquons-la pour cela. Qu'elle nous garantisse et nous protège; qu'elle règle notre esprit et l'élève. Qu'elle soit notre modèle dans tout ce que nous avons à faire, dans notre manière d'être avec les âmes, avec le prochain. Prenons son âme, son esprit, sa manière d'être, de faire, d'agir, sa prudence, sa simplicité, sa désappropriation d'elle-même pour être agréable au prochain.

Personne de nous ne peut douter de sa charité toute particulière à notre égard. Adressons-nous donc à elle comme à une mère, avec une confiance, un abandon filial, et nous recevrons son secours. Dans la santé et dans la maladie, dans nos rapports avec les âmes qui nous sont confiées et dans nos rapports les étrangers, avec toute espèce de gens, recourez à elle. Elle vous donnera bien quelque chose de particulier; elle sera votre modèle et votre conseillère; elle animera votre vie, vos actes, vos œuvres. Surtout depuis quelque temps, je fais personnellement cette remarque que la bonne Mère a avec nous des rapports plus suivis, plus secourables, plus attentifs et affectueux que jamais.

Pour bien commencer cette année, encourageons-nous donc à nous tenir bien chacun dans les limites qui nous sont attribuées, dans les limites de l'obéissance: maintenons bien nos cœurs en haut. La bonne Mère est notre bien. Ne laissons pas dilapider et se perdre notre part d'héritage. C'est pour nous une grande ressource, c'est notre bien propre. Nous sommes ses enfants; c'est nous qu'elle aime davantage.

Je ne vous dirai que ce mot ce matin. Recommençons l'année sous ses auspices et sa maternelle protection. Que les surveillants lui demandent la bonne manière de faire l'étude; les professeurs celle de faire bien la classe; ceux qui travaillent des mains le secret de bien diriger leurs travaux. Elle sera très contente et très touchée de voir que l'on recourt à elle; elle ne demande qu'à exercer sa maternelle sollicitude envers nous: “Montre que tu es mère” -[Monstra te esse matrem]. C'est quelque chose, mes amis, que l'influence d'une sainte. Je l'ai bien vu pendant 40 ans . J'ai eu sous les yeux un spectacle unique au monde, la fidélité ponctuelle à l'observance de toute une communauté. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de loin en loin quelque mauvaise tête, quelque cerveau un peu déséquilibré placé là pour exercer le prochain, mais l'ensemble était admirable. Les journées que l'on passait là étaient des journées du ciel. On savait ce que voulait le bon Dieu. C'était la vérité et non pas l'imagination. De la part des religieuses, c'était partout une obéissance absolue. Pas un seul murmure ne s'entendait. Chaque âme cherchait Dieu et le cherchait de tout son cœur.

Quand on me parlait de reliques, de pèlerinages, d'aller voir la Salette, le Curé d'Ars, jamais je ne m'y serais décidé, et je n'en sentais nul désir. “Qu'est-ce que je pourrai trouver ailleurs, pensais-je alors, que je ne l'aie ici”? Nous l'avons avec nous, nous aussi. Sanctifions-nous donc par la fidèle observance de la Règle et de nos saints écrits et de l'obéissance, qu'elle nous tourne à droite ou à gauche. Nous ne pouvons pas nous séparer d'elle. Tendons-lui les mains, demandons-lui son secours, en vrais enfants de son cœur maternel, et elle nous gardera.