Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Chapitre, correction fraternelle, reddition de comptes

Chapitre du 11 juin 1891

“Chaque mois le supérieur ou celui qui tiendra sa place devra faire soit en chapitre, soit en particulier, la correction fraternelle à tous les Oblats, sur les fautes ou les défauts relativement aux règles et aux Constitutions” (Const., Art. XVIII:1; p. 66).

Au noviciat, on s'observe un peu plus. Quand on est profès, on se regarde volontiers comme un écolier en vacances, on prend l'habitude de ne plus se gêner. Cela vient-il du dehors ou du dedans? Cela vient du dedans, si l'on n'a pas tout à fait l'esprit intérieur, si l'on manque d'un fonds de charité sincère, de douceur, de donation de soi-même, d'oblation. On ne se donne plus, et c'est entièrement le contre-pied de ce que nous devons être. Voyez les anciens Pères. Peu importe ce qu'on leur demandait, ils se sacrifiaient. Ils n'avaient pas l'esprit de particularisme qui fait qu'on se tient chez soi: “Ne me touche pas” (Jn 20:17).

Quand le supérieur voit ces manquements, il faut qu'il fasse des réprimandes; il faut qu'il ramène à la vraie vie intérieure. Les manquements extérieurs viennent du dedans. Quand on est bien avec le bon Dieu, quand on pratique bien le Directoire, qu'on fait ses exercices, qu'on est fidèle au renoncement à soi-même, à l'humilité, alors le dehors reflète le dedans. Diogène cherchait un homme avec une lanterne; nous, nous cherchons d'abord la lanterne bien allumée; si la charité est bien pratiquée, si le Directoire est bien observé, alors le cœur est illuminé et il rayonne tout alentour: “[Il] sera lumineux tout entier” (Lc 11:36). S'il n'en était pas ainsi, s’il était “ténébreux” (Lc 11:34; Mt 6:22), je manquerais à tous mes devoirs en ne faisant pas la réprimande dans ce sens que je vous indique. Il n'est pas bien difficile de voir où vous en êtes, chacun. Je regarde à travers la vitre et je vois comment la chandelle éclaire.

Il est difficile sans doute d'être fidèle à cet esprit intérieur; il faut un grand renoncement, une grande vigilance. Il faut bien se mettre à toutes les observances, se garder de la fausse liberté et indépendance; il faut que nous soyons vraiment chez nous. Autrement “le corps tout entier ... est ténébreux” (Lc 11:34). La lumière est éteinte, ou elle est fumeuse, ou elle ne brille pas comme elle devrait. Nous avons grand besoin de lumières brillantes pour que la Congrégation ne défaille pas dans sa haute vocation, pour que nous soyons beaucoup de religieux et que nous soyons bien où le bon Dieu veut. Vous vous suivez vous-mêmes, vous n'êtes pas charitables, vous êtes personnels, durs au prochain. Il ne fait pas clair chez vous, la lanterne est éteinte. Ce n'est pas pour toujours, sans doute, ce n'est pas un péché mortel, mais il y a défaut d'huile ou d'entretien. Je ne réprimande pas suffisamment, je le sais. J'ai une telle répugnance à cela que je puis à peine la surmonter. Quand j'étais petit gamin, que j'allais à l'école, le père Simard, le maître d'école, ne pouvait pas crier toujours. Il s'armait d'une gaule d'une longueur prodigieuse, avec laquelle il atteignait les dernières limites de la classe. Un jour je sentis quelque chose me tomber dessus. Qu'est-ce que c'est? C'était la gaule. Je causais avec mon voisin et la gaule venait m'arrêter. Je voudrais bien avoir une gaule assez longue pour taper et arrêter ainsi tout ce qui ne me va pas. Comme le père Simard, je suis trop vieux pour crier. A défaut d'une gaule assez longue entre mes mains, que chacun trouve bien en soi-même son stimulant pour ranimer son courage et sa lumière. Que chacun fasse bien son examen, pour voir s’il ne défaille pas, s'il ne descend pas. Le bon Dieu est toujours là tout près, quand on veut lui être fidèle.

”Chaque membre de la Congrégation pourra rendre compte à son supérieur, en dehors de la confession, des manquements publics qu’il aura faits aux Constitutions, de ce qu’il aura pu perdre ou acquérir dans la pratique de l’Observance et des vertus qui lui sont recommandées. Ce point est facultatif et nullement obligatoire” (Const., Art. XVIII:2; p. 66-67).

La cour de Rome a publié récemment un décret concernant la reddition de comptes. Ce décret s'adresse aux Congrégations de femmes et de religieux qui ne sont pas prêtres; il prend certaines mesures de rigueur pour empêcher qu'on exige la manifestation de la conscience en dehors de la confession. Ce décret ne nous concerne en rien puisque nous sommes une Congrégation de prêtres; du reste la reddition de comptes est chez nous facultative. A vous dire ma façon de penser, je regarde la reddition de comptes comme très utile, sinon nécessaire pour le maintien de notre esprit religieux. Nous sommes libres de la faire ou de ne la pas faire; faisons-la et nous nous en trouverons bien.

“Chacun relira tous les mois les Constitutions tant générales que particulières à chaque emploi, et prendra note des points auxquels il aura manqué, pour les remplir fidèlement pendant les mois suivants” (Const., Art. XVIII:2; p. 67).

Ceux qui n'ont pas été fidèles à ce point des Constitutions doivent s'en confesser. Tous ces petits moyens font que l'on est religieux, que l'on devient des hommes invincibles, de grands saints. Sans tout cela l'on n'est rien du tout.