Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

La vie d’union à Dieu

Chapitre du 18 février 1891

Nous recommençons aujourd'hui l'explication du Directoire. Les Règles et Constitutions sont pour l'extérieur, le Directoire est pour l'intérieur. L'objection qu'on fait, quand on voit le Directoire pour la première fois, c'est qu'on n’y trouve rien d'extraordinaire, cela ne dit rien. Une autre objection, c'est que le Directoire peut bien être sans doute un aide, un secours, mais il ne faut pas le regarder comme obligatoire.

Le Directoire est vraiment obligatoire pour les Oblats. Là est leur cachet particulier. Sans Directoire, il n'y a pas d'Oblat. Pour entrer dans l'essence de la vie d'Oblat, il faut pratiquer le Directoire; il faut que nous nous confessions de nos manquements au Directoire. Il ne faut pas dire non plus que le Directoire ne soit pas grand chose quant à la doctrine. Faisons réflexion que beaucoup de très grandes choses n'avaient aucune apparence et ne semblaient rien. Qu'y a-t-il de plus grand après Notre-Seigneur que la sainte Vierge? Qu'a-t-elle écrit? Qu'a-t-elle fait? Rien, aux yeux des hommes. Il y a de bonnes filles qui ont fait l'histoire toute miraculeuse et merveilleuse de la sainte Vierge. Il ne faut ajouter à toutes ces révélations qu'une croyance fort légère. D'après le texte évangélique, d'après le sentiment de l'Eglise, la sainte Vierge a mené une vie très ordinaire; mais dans cette vie ordinaire, elle avait certainement des dispositions intérieures d'amour pour le bon Dieu au-dessus de toute créature. Que sa vie ait eu des événements extraordinaires, merveilleux, il n'en est pas question, quoi qu'en dise Catherine Emmerich, et d'autres encore. Mais que sa vie a été un acte continuel et parfait d'union à Dieu, et voilà ce qui en a fait le mérite et la grandeur.

Le Directoire est un petit livre, mais qu'est-ce que l'Evangile? N'est-ce pas l'un des plus petits livres qui aient jamais paru? Et pourtant tout le christianisme y est renfermé, toutes les merveilles du christianisme, tout ce qui a changé et sauvé le monde. C’est ce que le bon Dieu a fait de plus grand et de plus extraordinaire dans le monde. Le Directoire ne paraît rien. Et pourtant il a produit déjà et il produira encore dans le monde un effet énorme, incomparable. Nous devons être les prédicateurs du Directoire; nous devons le pratiquer nous-mêmes et l'enseigner aux chrétiens. Les autres moyens peuvent être bons, ainsi que le dit notre saint Fondateur; celui-là est le plus efficace, le seul bon pour nous.

Le Directoire est vraiment notre propriété. On l'avait pratiqué dans les premiers temps de la Visitation, du temps de notre sainte Mère. Mais depuis lors cette pratique s'était oubliée dans beaucoup de monastères. Avant l'arrivée de la bonne Mère à Troyes, on ne le pratiquait pas dans la communauté. Quand j'entrai à la Visitation, je fis cette réflexion à M. Chevalier: “Quelle doctrine faut-il tenir au sujet du Directoire? Les esprits sont partagés. Les unes pensent qu'il oblige, les autres que non”. Puis tout le monde a fini par penser comme la bonne Mère, et les fruits du Directoire sont là. C'est la sainteté de toute cette communauté. Ce que j'ai vu d'âmes saintes là est très considérable. Partout, grâce à la bonne Mère et grâce aux Oblats, le Directoire redevient en honneur. Nous devons donc le regarder comme notre bien particulier; c'est nous qui l'avons remis en exercice.

Le Directoire est peu de chose, mais voyez la Règle de saint Augustin, c'est peu de chose aussi; cela ne paraît rien. Remarquez pourtant comme c'est une doctrine, une législation large, sans limites circonscrites, et qui est capable de produire les plus grands effets, et elle les a produits en effet. Comme fonds de doctrine, elle a servi de législation à tant d'ordres si divers.

Le Père de Mayerhoffen a commencé à Paris une réunion de personnes pieuses qui pratiquent le Directoire. Le Père Bony m'écrit qu'il a été extrêmement édifié de cette réunion et qu'elle apporte de bien grandes espérances pour l'avenir.

 

“Que toute leur vie et exercice soit pour s'unir avec Dieu, pour aider par prières et par bons exemples la sainte Eglise, et le salut du prochain; et pour ce, ils ne doivent rien tant désirer que d’être tellement vertueux, que leur bonne odeur en agréant à Dieu, se répande dans les coeurs des fidèles: ce désir a fait écrire au commencement du Livre de leur Profession, ces trois souhaits” (Dir., Art. 1; p. 9).

Toute notre vie, tous nos exercices, notre respiration même, nos travaux, nos prières, nos peines, tout ce qui compose notre vie doit être dirigé par la pensée de notre union au bon Dieu. Il faut que ce soit là notre pensée habituelle, de nous unir au bon Dieu. De même que la bonne Mère ne faisait rien, ne disait rien sans le consulter, de même aussi nous devons le consulter à chaque obéissance à faire, à chaque point de la Règle à observer, à chaque devoir qui nous est imposé. Nous consulterons, et le bon Dieu nous répondra: Voilà ce qu'il faut faire. Sa réponse sera nette et claire. Nous devons prier pour le salut du prochain, pour le salut de ceux qui sont fidèles à Dieu, de ceux auxquels nous donnons nos soins, nos élèves, nos enfants, les âmes que nous dirigeons et qui marchent dans la bonne voie. Nous devons prier aussi et beaucoup pour les pécheurs.

“... et par bons exemples ...” — On a des charges, de la peine, dès lors qu'on vit en communauté. Il faut aussi qu'il y ait dans cette vie de communauté quelques bénéfices. L'un des plus précieux de ces bénéfices, c'est précisément le bon exemple de ses frères.

Le fonds de l'esprit de notre saint Fondateur, c'est d'agrandir le royaume de Dieu, d'attirer les âmes à lui. Nous devons par notre vie toute entière, par la pratique des devoirs de notre vocation, des vertus de l'état religieux, attirer les fidèles à la sainte Eglise, et à Dieu, les encourager dans la pratique des devoirs communs de la vie chrétienne.

Nous nous attacherons à bien pratiquer pendant ce carême ce petit chapitre. Il est court, mais il est large et profond. Nous nous surveillerons bien pour voir si nous faisons bien notre Directoire, les aspirations du silence, celles de l'heure et la pensée de la mort. Ceux qui étudient ne peuvent sans doute pas interrompre aussi souvent leur travail pour faire ces aspirations que ceux qui travaillent des mains; et c'est là un des avantages du travail manuel.

Pendant le carême, on est ordinairement plus tenté que dans les autres moments de l'année. Nous nous rappellerons les tentations de Notre-Seigneur. Nous sommes ses enfants, nous suivons sa voie. Prions alors, disons un petit mot du cœur au bon Dieu: “Je veux vous être fidèle, Seigneur, je vous donne tout ce que j'ai de mauvais en moi”. Jetons ainsi notre âme toute entière dans le bon Dieu, afin qu'il ait pitié de nous. Le temps que nous passerons ainsi nous sera plus profitable que les moments de paix et de tranquillité intérieures.