Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Un mot d’appui pour le présent et d’espérance pour l’avenir

Chapitre du 4 février 1891

Je reçois tous les jours des nouvelles de Rome du Père Rolland et de la canonisation de la bonne Mère. Le P. Rolland me dit que Mgr Haas, l'évêque de Bâle qu'il accompagne, met beaucoup de zèle pour activer les travaux. Il va parler aux cardinaux. Il dit à tout le monde qu'il est venu à Rome uniquement pour la canonisation de la bonne Mère. Il fait toutes les démarches, toutes les visites qu'il juge opportunes. Tout tient maintenant à la décision du théologien qui examine les écrits. Ce théologien est tenu au secret. Il n'est connu que du cardinal-vicaire. Le cardinal-vicaire a dit qu'il allait faire tout son possible pour activer les choses et qu'il serait bien possible que la bonne Mère fût Vénérable dans le courant de cette année.

Aujourd'hui, mes Amis, je voudrais vous dire un mot d'appui et d'espérance: d'appui pour le présent et d'espérance pour l'avenir. La bonne Mère, nombre de fois, m'a dit que quand même on croirait tout perdu, renversé, anéanti, alors que personne n'aurait plus d'espérance, le Sauveur montrerait son action et sa puissance. Tout le monde verrait que c'est lui qui fait les choses, que l'homme n'y est pour rien. Les Oblats sont fondés pour recueillir à ce moment-là les fruits de l'action du Sauveur, pour employer les moyens de sa grâce, de sa Rédemption, pour sauver le monde. C'est pour cela qu'ils sont établis. Jusque-là donc ayons courage; ne nous laissons pas vaincre et accabler par quoi que ce soit. Nous sommes assurés que si notre action actuelle n'est pas bien étendue, bien efficace, il faut nous préparer pour les temps qui suivront. Il faut qu'au jour où le bon Dieu manifestera sa puissance, nous soyons là. Je vous l'ai dit bien souvent. L'important est d'être stables, fermes, confiants. Ce n'est pas de faire beaucoup, mais de soutenir beaucoup, d'attendre beaucoup, d'espérer beaucoup. Il nous faudrait vivre de plus dans la vie intérieure, dans la charité les uns avec les autres, jusqu'au jour de la manifestation divine.

Tenons-nous prêts à faire l'œuvre de Dieu. Il ne faut pas dire: “Mais jusque là nous ne sommes rien!” Notre œuvre fait certainement du bien autour d'elle; elle agit dans l'esprit de notre saint Fondateur; elle est approuvée, elle est goûtée: partout on l'aime bien. De différents côtés les préjugés contre nous sont tombés, les opinions se sont modifiées et retournées. On voit que les Oblats travaillent dans la paix, dans l'attente du Seigneur, qu'ils ne vont pas de l'avant, ni au-delà de la volonté divine. Il est bien certain que nous assistons à une grande révolution. Les forces de l'enfer se décuplent, se multiplient. Les Gouvernements sont mauvais, mal inspirés; ils sont dirigés par la franc-maçonnerie. Les adepes du diable croient leur empire définitivement établi. Ils pensent que rien ne leur résistera. Les braves gens eux-mêmes voient les choses un peu de cette façon.

Il faut donc nous tenir bien fermes, bien assurés: nous avons à passer à travers des jours mauvais. Si nous tenons bon, nous serons victorieux: “Et telle est la victoire qui a triomphé du monde: notre foi” (1 Jn 5:4) Que chacun s'encourage bien dans ses fonctions, dans la mission qui lui est confiée. Souvenons-nous que nous faisons œuvre divine. Elle est notre garantie, notre affirmation. Aucune Congrégation n'a d'assurance aussi positive, aussi absolue. Que cela nous serve à nous fonder de plus en plus, à nous unir à Notre-Seigneur, à nous rendre fidèles à sa volonté sainte, à développer en nous l'esprit de sacrifice, de générosité, qui ne recule devant rien, qui fait tout simplement et tout bonnement son devoir, qui donne tout sans réserve, surtout ce qui lui est personnel, la manière de voir, de juger. Abandonnons bien tout cela. Que nos manières de juger, nos opinions soient toujours bien dans le sens de la sainte Eglise, de la vraie doctrine théologique, de la pratique des vertus religieuses. Ne soyons pas nous, et nous serons tout à fait victorieux. Que la personnalité chez nous s’anéantisse. Que chacun fasse bien son emploi, suivant l'obéissance, la dépendance religieuse, afin que nous nous rendions dignes des promesse de la bonne Mère.

Une résolution pratique à prendre, ce sera le matin de faire son oraison avec ses occupations de la journée, de s'y préparer aux luttes, aux combats; de commencer des journées de fidélité au Directoire, de mortification, d'union à Dieu. Enchaînons toute notre vie dans ces liens, les liens de la dilection, qui sont forts comme la mort et plus forts que l'enfer.

Une recommandation que je fais en terminant, c'est que chacun se regarde comme obligé envers la Congrégation, et pour le matériel et pour le spirituel. Dans nos prières, nos saints sacrifices, nos communions, ne restons jamais seuls. Nous ne faisons tous qu'un par la charité. Prions, agissons, travaillons, souffrons avec nos Pères; entrons en participation des peines et des épreuves de chacun, et aidons-les. De la sorte nous serons agréables à Notre-Seigneur et nous nous préparerons à être là, debout et dispos, au moment où il voudra utiliser les Oblats.