Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

L'examen de conscience

Chapitre du 23 mai 1888

“Les Frères doivent faire l'examen deux fois le jour, à savoir [dans la matinée et] à l’exercice du soir, en cette sorte. Les Frères rendront grâce à Notre-Seigneur de tous ses bénéfices et particulièrement de celui de sa sainte Passion, de ses divins sacrements, du bien de leur vocation, et de ce qu’il lui a plu les conserver en cette journée, leur administrant en icelle par sa douce bonté toutes leurs nécessités. Faut qu’ils confessent et reconnaissent devant Dieu que ce jour ne s’est point passé, sans qu’ils l’aient offensé en quelque sorte. Et parce que nous sommes aveugles en nos propres affaires, il faut demander la grâce et la lumière du Esprit-Saint, afin qu’ils puissent bien reconnaître leurs fautes” (Dir., Art. VII; p. 64-65).

 Vous avez reconnu en ce que nous dit notre saint Fondateur l'exercice du soir tel que nous le récitons. Il nous indique la manière de faire cet examen, en repassant l'une après l'autre toutes nos actions et remarquant les fautes commises en chacune. On termine par le Confiteor et un acte de bon propos que l'on fait avec toute la dévotion et l'affection possibles. C'est un exercice de la Règle. Il faut donc, par amour de la Règle, faire cet acte le plus complètement et le plus parfaitement possible, avec un grand regret, avec un grand amour de Dieu. Cet acte ainsi fait aura le pouvoir de remettre les fautes commises. Mettons donc toujours dans cet acte le désir d'obtenir le pardon de nos fautes, afin que, si nous venions à mourir pendant la nuit, nos fautes ne nous soient pas imputées, que nous n'ayons à en rendre compte et à payer pour elles à la justice de Dieu.

Saint François de Sales prévoit le cas bien rare où nous ne trouvons rien à nous reprocher. Notre vie est composée de beaucoup d'actions. Certainement il y a beaucoup de ces actions qui ne sont pas faites avec toute la perfection désirable; il y a bien des manquements, bien des défauts. Si par hasard ces manquements nous échappent tout à fait, il faut faire la prière du Psalmiste: “Purifie-moi du mal caché” (Ps 19:13). Et il est bon de la faire en tout temps, cette prière, même quand on a vu ses fautes, parce qu'il y a toujours beaucoup de fautes en nous que nous ne voyons pas, parce que nous sommes aveuglés par nos passions, notre estime de nous-mêmes, de notre valeur personnelle, par notre attache à nos sentiments, à nos jugements. Nous sommes susceptibles: nous nous fâchons pour un manque d'égards, pour une parole dite sans dessein ou sans matière suffisante pour nous blesser. La bonne Mère disait que le péché originel avait fait des ravages plus grands dans l'intelligence que dans la volonté et que la plus grande trace de ce péché était l'ignorance.

“Pour faciliter leur examen , il leur sera fort utile, lorsqu’ils tombent en quelque faute parmi la journée, de s’examiner sur le champ, et de regarder un peu par quel mouvement ils l’ont fait, puis s’abaisser devant Dieu, et graver cela dans l’esprit, pour le mettre en l’examen du soir” (Dir., Art. VII; p. 67-68).

Il ne faut jamais manquer de faire cela et quand nous tombons, de mettre, avec une humilité profonde, cette chute au catalogue de nos fautes. Cette méthode est excellente en elle-même, et puis c'est un moyen donné par notre saint Fondateur, un moyen de notre Règle, il ne faut pas l'oublier.

“En l'examen du matin, il n'est pas requis d'y apporter tant de formalités; ains seulement avant midi, il faut dire le Confiteor et regarder un peu comme l’on s’est comporté la matinée ès offices et oraisons; puis, si l’on trouve quelque faute, l’ajouter aux précédentes, et faire l’acte de contrition, avec un ferme propos de s’amender” (Dir., Art. VII; p. 67).

Cet examen se fait sur le lever, l'oraison, la préparation à la messe et l'action de grâces, le déjeuner, la classe, l'étude. On peut faire cela en trois minutes.

“Outre cet examen général, les Frères pourront pratiquer le particulier, lequel se fait d’une vertu particulière, qui soit la plus convenable et qui s’oppose directement aux imperfections auxquelles l’on se sent plus incliné” (Dir., Art. VII; p. 68-69).

L'examen particulier est facultatif pour nous, d'après la Règle. Dans les séminaires on a l'habitude de l'examen particulier. C'est bien bon: on s'examine sur tel défaut, sur telle faute que l'on commet habituellement, et l'habitude se détruit par l'habitude contraire. On peut bien conseiller l'examen particulier à tout le monde, comme moyen de déraciner les penchants mauvais. Notre saint Fondateur conseille quelque part de pointer le nombre de nos manquements; on peut le faire, et c'est très bon. C'est nécessaire surtout quand nous sentons certaines inclinations qui dominent, quand nous sommes portés à la haine, à la jalousie, à l'orgueil, à la négligence.

Outre l'examen que je recommande bien instamment, je veux vous dire encore aujourd'hui que plus les moments avancent et plus je remarque que l'action de saint François de Sales par la bonne Mère produit de grands effets dans le monde. Il n'y a pas de jour que je ne reçoive des lettres, des visites qui m'affirment la puissance de la bonne Mère: c'est le souffle de Dieu. A nous d'en être dignes. Nous sommes les dépositaires de cette grâce-là ; à nous de l'utiliser, de la faire produire. Elle produira en suite de nos dispositions personnelles: ce n'est pas comme les sacrements qui produisent ex opere operato. Nous ne répandrons l'esprit de la bonne Mère que si avons l'esprit religieux, nous ne gagnerons des âmes qu'à cette condition. Ces grâces tiennent essentiellement à la disposition des personnes, à l'état dans lequel nous nous trouvons. J'ai recueilli des témoignages bien nombreux et bien pressants. Aussi je désire bien que cette semaine qui est l'octave, la semaine du Saint-Esprit, nous fassions une neuvaine, que chacun dise le Veni Creator, avec quelques aspirations à l’Esprit-Saint pendant la journée, pour demander l'Esprit de Dieu sur nos œuvres, sur la Congrégation, l'esprit principal: “Assure en moi un esprit magnanime” (Ps 51:14). Qu'il n'y ait rien chez nous de l'esprit de l'homme, rien de petit, de mesquin, de cet esprit qui rapporte toute chose à lui-même et qui ne va pas plus loin. Effaçons-nous personnellement le plus possible en toute circonstance: “Nous sommes en ambassade pour le Christ” (2 Co 5:20).

Que cela se fasse surtout pour les missions. Prenez les Actes des Apôtres: supposez qu'il y eût avec saint Paul un farceur, un homme obéissant à son esprit propre. "Mon ange, disait saint Paul, me dit d'aller ici ou là”. “Son ange, aurait répondu l'autre, mais qui l'a vu? comment est-il fait?” Et qu'aurait pu faire saint Paul? Et que cet homme se soit mis à écrire les Actes des Apôtres en place de saint Luc, avec son esprit propre, qu'est-ce qu'il serait resté de saint Paul? Un aventurier, un discoureur, un ouvrier qui faisait des tentes à Corinthe, une tête chaude venue à Jérusalem pour judaïser et qui s'était emballé, passez-moi l'expression. Je dois vous dire de la part du bon Dieu que la mission que nous avons reçue est aussi sainte que celle des Apôtres. Jésus est le même aujourd'hui qu'au temps des Apôtres, vous servez à son œuvre comme le faisaient les apôtres, avec moins de grâces sans doute, dans un rayon moins étendu, mais la parole de Notre-Seigneur est la même, le caractère divin de la mission est le même.

Quand le Pape m'a dit: “C'est moi qui vous envoie”, est-ce que ce n'est pas la parole que Notre-Seigneur avait dite à saint Pierre et aux autres apôtres? Voilà le point de vue auquel il faut nous placer. Nous ne sommes pas des enfants, nous ne sommes pas des séminaristes, des gens quelconques. Nous sommes des religieux dans toute la force de ce mot, croyant comme saint Pierre à tout ce que dit et commande Notre-Seigneur; autrement nous ne serions pas dignes d'être prêtres, d'être religieux, d'être Oblats. Faisons tout avec un grand sérieux, une grande attention. C'est comme cela que nous gagnerons le cœur des fidèles et le cœur de Dieu. La bonne Mère me l'a répété mille fois: “Ceci est pour vous, me disait-elle, c'est pour l'appliquer aux âmes, c'est votre besogne, votre charge”.  "Cela m'ennuie", lui répondais-je. Je suis bien forcé de reconnaître maintenant qu'elle avait raison. La voix du Saint-Père, des théologiens, du peuple chrétien tout entier attestent que c'est l'esprit du bon Dieu qui parlait par elle. C'est la parole de Dieu, c'est l'Evangile. “Il faut réimprimer l'Evangile”, disait la bonne Mère. Il ne faut pas changer l'Evangile, mais en faire une nouvelle édition, avec des caractères qu'on puisse lire et comprendre, car beaucoup ne l'ont pas saisi. Il faut le réimprimer pour ceux-là et c'est vous qui devez le faire.

Comprenez la foi , le sérieux que vous devez attacher à votre mission. Faisons bien dans ce but notre neuvaine au Saint-Esprit et demandons que chacun de nous comprenne bien ce qu'il doit être: “Dieu, restaure en ma poitrine un esprit ferme” (Ps 51:12). Comme c'est beau, comme c'est juste, cette prière! Seigneur, renouvelez en moi l'esprit de rectitude, de vérité. Mes occupations, mes passions, mes faiblesses m'ont fait dévier souvent. Donnez-moi cet esprit qui fait et juge sainement et qui me donne, de toute chose, l'estime exacte que j'en dois avoir.