Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Le but de la Congrégation

Chapitre du 1er juin 1887

Je recommence l'explication des Constitutions: pratiquons-les bien. Nos Constitutions sont tout à fait à l'ordre du jour. On s'en occupe beaucoup à Rome. Le Consulteur chargé de les revoir les a revues et la note dont il les a qualifiées est tout à fait favorable. Encore deux ou trois formalités à remplir, je pense, que nous pourrons les avoir d'ici à trois mois.

“Les membres de l'Institut, en se plaçant sous le patronage de saint François de Sales, se proposent de pratiquer les vertus sacerdotales et religieuses, suivant l’esprit du saint Docteur. Ils auront grandement à cœur de se sanctifier eux-mêmes, pour aider ensuite plus efficacement à la sanctification du prochain, par l’éducation chrétienne de la jeunesse, les missions en pays hérétiques et infidèles, et les fonctions du Saint Ministère” (Const., Art. 1; p. 1-2).

Nous nous proposons d'imiter saint François de Sales et aussi d'enseigner et de répandre sa doctrine par le monde. Nous sommes non seulement les imitateurs de saint François de Sales, mais les continuateurs de son œuvre et de celle de la bonne Mère. Comme la bonne Mère n'est pas encore canonisée, comme l'Eglise et la Cour de Rome n'admettent le patronage officiel que des saints, saint François de Sales est notre unique patron d'après les Constitutions. D'autre part la cour de Rome n'admet pas des Constitutions, des règles établies sur un précédent, sur une idée déjà mise en avant.

Dans notre première rédaction, nous avons mis que nous voulions réaliser la pensée de saint François de Sales, on nous l'a fait retrancher. Je m’explique plus clairement. Si ce premier article n'est pas plus explicite, si l'on ne parle ni de la bonne Mère, ni du but que nous avons de propager sa doctrine, c'est que l'Eglise ne veut pas fonder un ordre religieux sur une pensée quelconque. Elle veut elle-même définir le sens de chaque œuvre entreprise, et elle ne peut pas nous rattacher officiellement à la bonne Mère qui n'est pas canonisée. Pourquoi ne nous a-t-elle pas laissé insister davantage sur le but que nous nous proposons de propager la doctrine et l'esprit de saint François de Sales? Parce qu'elle a déjà approuvé cet esprit de saint François de Sales pour les Visitandines et qu’elle ne veut plus le faire pour d'autres. Voilà pourquoi ce premier article n'est pas plus explicite.

L'Eglise définit les grandes lignes. La mère Paul-Séraphine me disait: “Dans nos règles, on peut voir tout ce qu'on veut et en tirer toute espèce de conséquences. Voilà pourquoi il faut avoir la tradition de l'Institut”. Les Constitutions sont quelque chose de général qu'il faut spécifier par le témoignage oral, la tradition de l'Institut. Notre but est de faire toutes ces choses dans l'esprit et par les moyens de saint François de Sales. Non pas qu'on ne puisse rien faire en dehors de ce que saint François de Sales a fait ou dit. Il peut y avoir sans doute des modifications, mais que celles-ci soient plutôt dans la forme que dans le fond. Nous devons suivre la théologie de saint François de Sales dans l'administration des sacrements, dans la direction des âmes, dans la prédication, dans toute notre conduite intérieure et extérieure.

“Les membres de la Congrégation seront de deux rangs: les Clercs qui porteront le titre de Pères, et les Frères-Coadjuteurs qui porteront le titre de Frères.”

“Les Pères porteront l’habit ecclésiastique complet, la soutane et la ceinture; les Frères, l’habit ecclésiastique de voyage, la redingote avec d’autres vêtements de couleur noire qui les distingueront des laïques, sans  permettre de les confondre avec les Pères, ou d’autres ecclésiastiques” (Const., Art.  II:1-2; p. 2).

Nous devons porter régulièrement l'habit ecclésiastique comme on le porte à Rome. Nous le portons de fait comme on le porte dans les pays que nous habitons, afin de ne pas nous faire remarquer. Dans les pays très chauds, on pourra aviser à faire quelques modifications. En pays de mission, il n'est pas toujours possible de porter l'habit ecclésiastique; il faut toujours le prendre au moins pour la messe et les offices du dimanche. Les frères ne portent l'habit ecclésiastique de voyage que les jours de dimanches et de fêtes. Pour leur travail ils porteront des vêtements communs et ordinaires.

“Les Pères pourront avoir part à toutes les charges de la Congrégation. Ceux qui seront dans les ordres inférieurs, ne pourront exercer que les charges secondaires, c’est-à-dire qu’ils ne pourront être ni Supérieur, ni Assistant, ni Maître des novices; mais ils pourront remplir toutes les autres charges. Ceux qui ne seront pas dans les ordres sacrés, réciteront l’office de la Sainte Vierge”

“Les Frères rempliront les offices qui regardent le matériel de la maison. Ils s’occuperont ordinairement des travaux manuels. Cependant le supérieur pourra les employer comme aides à l’Economie, aux écritures, etc... Ils réciteront douze Pater et Ave et un Credo pour les petites heures, sept Pater et sept Ave pour Vêpres, dix Pater et Ave pour Matines et Laudes” (Const., Art. II:3-4; p. 3-4).

Ceux qui ne sont pas dans ordres sacrés, réciteront l’office. Ceux qui ne sont pas dans les ordres sacrés et qui doivent réciter le petit office peuvent par dévotion et font bien de réciter en place le grand office.

“On ne recevra dans la Congrégation que ceux qui ont au moins atteint l’âge de seize ans, et qui témoignent un grand désir de la perfection chrétienne” (Const., Art. III:1; p. 4).

À seize ans, d’après les Constitutions on peut être reçu novice. On pourrait à la rigueur faire faire les vœux à cet âge de 16 ans, mais la prudence ne permet pas trop d'accepter cette manière de faire. En Italie, où la loi militaire est passée, on reçoit au noviciat à 15 ans, je crois, et l'on est profès à 16 ans. On pourrait recourir à Rome pour faire pareillement, si nous nous trouvions dans la même nécessité. Alors les jeunes gens auraient le temps de faire des vœux pendant un temps assez long avant le service militaire. Il faut bien prier pour cela, nous sommes bien menacés par cette loi qui est dans les idées du gouvernement.

“Ce que le postulant devra fournir pour son entretien, sera fixé selon les besoins de la maison et l’aide que le postulant peut lui apporter” (Const., Art. III:2; p. 5).
La dot à fournir n'est pas trop habituelle pour les hommes. Nos Constitutions la réclament néanmoins, et le sujet qui le peut doit apporter ce qui est nécessaire à son entretien. Si l'on ne peut rien donner, on doit y suppléer par le fruit de son travail. Pour les femmes, la dot est une loi rigoureuse. L'Eglise ne permet pas de recevoir des religieuses sans qu’elles apportent une dot. Les Sœurs de Charité elles-mêmes doivent le faire, bien qu'elles ne forment pas une véritable communauté.

“Le postulant suivra quelque temps comme étranger les différents exercices de la maison, et quand le supérieur jugera qu’il en est temps, c’est-à-dire, après deux ou trois mois de probation, il lui fera faire la demande de son entrée au Supérieur général” (Const., Art. III:3; p. 5).

Combien de temps doit durer le postulat? Il est à désirer qu'il dure un certain temps, afin qu’on puisse bien connaître le sujet. Si la loi militaire n'était pas là, il serait bien préférable de le faire durer longtemps, peut-être deux ans.

“Avant d'être admis dans la Congrégation, les postulants devront présenter, outre leurs actes de Baptême et de Confirmation, des lettres de leurs Ordinaires, suivant le décret du Saint-Siège sur la discipline des Réguliers, en date du 25 janvier 1848” (Const., Art. III:5; p. 6).

Ce sont les lettres testimoniales. Si l’Évêque ne les donne pas, on peut recourir à Rome et procéder à la réception du sujet. C'est alors au supérieur général à s'enquérir lui-même de la conduite à tenir.

“Le Noviciat durera une année entière, selon la règle du Saint-Concile de Trente et des Constitutions Apostoliques; il ne pourra jamais être abrégé pour quelque raison que ce soit, et il ne pourra se prolonger que pour de graves raisons, dont le Supérieur et le Conseil seront juges; toutefois cette prolongation ne pourra pas excéder six mois” (Const., Art. III:6; p. 6-7).

Le Noviciat doit être la garantie de l'avenir. Il doit être court et fournir des marques certaines et évidentes de vocation. De nouveau, je recommande bien l'approbation de la Règle à vos prières; c'est toujours long.