Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Nos malades

Chapitre du 16 mars 1887

“On aura dans la Congrégation un soin tout spécial des malades; on les affectionnera particulièrement, parce qu’ils sont la bénédiction de la maison, attirant sur l’Institut les grâces les plus abondantes et les plus efficaces” (Const., Art. XXIII:1; p. 83).

Cette doctrine est une grande consolation pour les malades. Quand nous ne pouvons plus travailler ni nous rendre utiles, alors, par le fait même de la souffrance et de la maladie, nous travaillons, nous attirons une somme de bénédictions sur l'institut, nous faisons descendre abondamment les grâces de Dieu. A première vue, ces paroles des Constitutions semblent n'être pas grand chose. Ce sont des paroles bien bonnes, sans doute, oui, mais ce n'est pas tout. Ce sont des paroles de la Règle. Ce n'est pas seulement pour nous une consolation, un encouragement, c'est une doctrine, c'est une réalité consacrée par la sainte Eglise, c'est la volonté expresse de Dieu.

Dans la plupart des congrégations il n'y a pas, pour les malades, d’article spécial dans la Règle, comme chez nous. Il suit de là que, dans beaucoup de communautés vouées à la vie active, on peut faire une remarque douloureuse. Tous les pères, les frères hors de service, dans les communautés de femmes surtout, sont là à l'infirmerie, et c'est une chose bien triste, bien redoutable en même temps: “Je ne fais plus rien, je ne suis plus capable de rien. Cela m'ennuie de souffrir, d'être à charge. Je ne souffre pas bien...” Et ces pensées de découragement rendent extrêmement amère l'approche des derniers moments. Nous, en souffrant, nous agirons plus efficacement que ceux qui remplissent les emplois qui réclament le plus d'activité et d'intelligence. La bonne Mère me disait: “Dans certaines communautés, les dernières années sont tristes. Le bon Dieu sans doute récompense cette nouvelle souffrance qui est la tristesse, mais c'est bien dur tout de même et bien dangereux. C'est une tentation périlleuse, quand on n’a pas cette foi que le malade est utile à soi et aux autres”. Nous, nous saurons alors les bénédictions que nous attirons sur l'institut. Il faut bien comprendre dans toute son étendue cette doctrine, qui est aussi la doctrine de l'Eglise. Tout le monde dit: “Si je souffrais bien, mais je ne souffre pas bien et mes souffrances sont perdues”. Dans la formule de l'absolution, le prêtre ne dit pas: “Que tout ce que vous avez bien souffert...”. Il dit: “Ce que vous souffrirez et tout ce que vous supporterez mal vous serve pour la rémission des péchés” - Ce que nous avons bien souffert est beaucoup plus méritoire sans doute, mais ce que nous avons mal souffert a aussi son mérite. Il faut bien accepter cette doctrine de l'Eglise sur le mérite intrinsèque de la souffrance. Notre Règle est l'application complète de cette doctrine.

“Les infirmiers qui auront la charge de les soigner, s'acquitteront de leur emploi en toute dilection, non seulement quant aux soins matériels, mais aussi quant aux délassements, distractions et consolations, qu’il faut procurer aux malades”  (Const., Art. XXIII:2; p. 83-84)

C'est le devoir des infirmiers d'adoucir aux malades les souffrances de leur position, par de bons procédés, par des paroles de charité et de consolation dites à propos. Pour bien faire l'emploi d'infirmier, il faut aller auprès de Notre-Seigneur, penser que c'est lui que nous soignons, et avoir pour ce frère malade, comme dit saint François de Sales, les yeux, la main et le cœur que nous aurions pour Notre-Seigneur lui-même.

“Dans le soin des malades, ils se conformeront à l’obéissance et aux ordres du médecin. Ils se souviendront de prier pour leurs malades, ils se rappelleront les promesses que Notre-Seigneur a faites à ses Apôtres: Curate infirmos - [Guérissez les malades]. Ils mettront entièrement leur confiance dans le secours de Dieu, et ils inspireront ce sentiment à leurs malades” (Const., Art. XXIII:4; P. 84-85).

Il ne faut pas que les infirmiers soignent à leur fantaisie les malades. Il faut qu'ils obéissent au supérieur et au médecin. Leurs soins dans ce cas, seront  bénis du bon Dieu. Si cependant ils avaient mission de donner leur avis, ils le feraient en toute simplicité et confiance.

A ce propos-là, Notre-Seigneur envoyant les Apôtres leur donna mission de guérir les malades: “Guérissez les malades” (Mt 10:8). Les prêtres, qui ont la mission des Apôtres et continuent leur œuvre, reçoivent dans l'ordination le pouvoir de guérir les malades tout comme ils reçoivent le pouvoir de remettre les péchés, bien que ce pouvoir de guérison soit sans doute moins efficace, moins infaillible. L'infirmier qui a foi en sa Règle et en la parole de Notre-Seigneur, donnera donc aux malades des soins efficaces qui détermineront toujours un soulagement spirituel et ordinairement un soulagement matériel. Il ne faut pas que le prêtre se pose en médecin, ce n'est pas l'esprit de l’Eglise, mais il est bien certain que la volonté du prêtre agit sur le malade. Il faut toujours prendre Notre-Seigneur à la lettre:  “Pour bien comprendre la sainte Ecriture, demandait-on à Bossuet, faut-il vous étudier?” — “Non, répondit il, il suffit de la lire et de la relire. Le meilleur commentaire, c’est de s'en pénétrer bien, c’est d'y croire de tout son cœur”. La visite des malades est un bien beau ministère du prêtre qui exerce par là son pouvoir sur l'âme et sur le corps. Il faut faire ces visites avec de grands sentiments de foi, de révérence de Dieu, de confiance en ses promesses.

J'ai horreur de ce préjugé-là que la doctrine du médecin est tout. Il faut faire ce que dit le médecin, mais il faut avant tout mettre sa confiance en Dieu. La science de l'homme n'est pas ce qui agit, ce qui a de l’efficacité, mais c'est la force de Dieu qui opère. Pour nous, observons bien toujours notre Règle. Dans la direction dans celle des femmes vivant en communauté surtout, faisons en sorte qu'au temps de la maladie le bon Dieu soit quelque chose et que le médecin ne soit pas tout. Si le médecin a une bonne inspiration,  n'est-ce pas de Dieu qu'elle vient? La nuance est un peu délicate à saisir et à pratiquer surtout, je le sais. Je demande à Dieu de vous la faire bien comprendre. Que Dieu soit le premier, qu’il soit tout.

“Les malades à l'article de la mort seront assistés par un prêtre, suivant la prescription du Rituel romain” (Const., Art. XXIII:5; p. 85).

Le Rituel ne veut pas qu'on les laisse mourir sans prêtre. Cet article n'avait pas été mis d'abord dans les Constitutions. Il n'avait pas semblé nécessaire. La Cour de Rome en a jugé autrement et l'a ajouté.

“Afin de prévenir les abus, les Oblats qui se sentent malades, doivent le dire au Supérieur, ou à celui qui est chargé du soin de la santé ou à l’infirmier. Mais personne ne doit prendre aucun médicament, ni consulter le médecin de la maison, ou un autre, sans l’approbation du Supérieur” (Const. XXIII:6; p. 85).
 
Il ne faut pas pour soi ou pour les autres s'engrener dans des théories, des recettes ou autres histoires médicales, qui deviennent un grand sujet de distractions et de préoccupations. Confions tout à l'obéissance et tout réussira.