Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Comment se conduire avec les étrangers

Chapitre du 9 mars 1887

“Nos œuvres nous obligeant à communiquer avec le dehors, nous aurons habituellement la pensée que nous devons porter avec nous la lumière de Jésus-Christ, sachant que notre extérieur doit prêcher aussi bien et même beaucoup mieux que nos paroles” (Const., Art. XXII:1; p. 79-80).

Notre physique, notre extérieur doit être partout le même sans doute. Nous ne sommes pas des acteurs, nous n'avons pas à changer de masques, à faire d'autres personnes. Nous devons pourtant être plus respectueux avec nos supérieurs, plus libres avec nos inférieurs, en évitant bien toutefois d’imposer, de prendre des airs mortifiants. Évitons bien surtout de scandaliser les personnes par un air trop dégagé, des manières trop faciles. Composons notre personne selon les circonstances, mais simplement: c’est l’affaire d’un peu de jugement. Il est autant défendu de blesser le prochain par ces manières-là que par des injures. Si nous assistons à une réunion d'enterrement, il ne faut pas tenir des discours joyeux. Si au contraire nous sommes en joyeuse compagnie, nous blesserions par des airs tristes et austères. Si rien ne dépasse et ne blesse les bienséances religieuses, le mieux est de faire comme font les autres. Notre saint Fondateur jouait aux cartes par charité. Ne nous imposons jamais, surtout pour faire la correction au prochain. Ce qui serait pour nous un devoir dans un collège où nous représentons la règle, l'ordre, cesse de le devenir en dehors de là. Faisons-nous tout à tous, pour les gagner tous à Jésus-Christ.

“Nous éviterons de nous occuper des choses du monde, surtout de nous impliquer dans des questions de mariages, de testaments, etc. (Const., Art. XXII:2; p. 80).

Il ne faut pas être des agents matrimoniaux. On peut donner un conseil sans doute, mais il faut être bien prudent. Si vous dites: “Ne faites pas ce mariage”, vous rendez les deux partis mécontents. Si au contraire vous dites: “Faites ce mariage”, on vous rendra responsable. Dites, quand vous êtes embarrassé, de consulter Dieu, mais évitez surtout qu'on dise: “C’est le père un tel qui a fait ce mariage”. Effaçons-nous toujours bien. Il est bien permis sans doute et il est de notre devoir d'avoir une certaine influence, mais il faut mêler à cela tant de prudence, faire cela tellement avec le bon Dieu que nous n'encourions jamais de responsabilité. Je n’ai jamais vu, je crois, d’intimité très grande de religieux avec des personnes du monde, qui n'ait été rompue au bout d'un certain temps, et souvent après des faits regrettables.

"Personne n'entreprendra d’œuvres importantes, ni ne s'engagera à les soutenir, sans avoir obtenu la permission du Supérieur"  (Const., Art. XXII:3; p. 80).

Et toutes les fois surtout qu'il s'agit d'affaires d'intérêt, d'argent, il ne faut jamais manquer de recourir au supérieur.

“Personne n'acceptera d'invitation à dîner ou à partager une fête ou une récréation, sans une permission expresse, qui ne pourra être donnée que pour des motifs considérables”  (Const., Art. XXII:4; p. 80).

La pensée de la Règle est que cette permission ne soit pas donnée facilement. Quelquefois il est nécessaire de la donner par un motif de charité. Toutes les fois que l'on risque d'être accaparé par certaines personnes, on peut refuser en disant sans crainte: “La Règle s'y oppose”.

“On n'entretiendra aucun commerce de lettres avec les étrangers sans permission expresse, et sans avoir mis le Supérieur au courant de cette correspondance” (Const., Art. XXII:5; p. 80).

Je le disais la dernière fois: ces correspondances sont bien dangereuses. Voilà le père *** qui est parti. Je ne sais pas s'il reviendra. Il faut bien prier pour lui: il s'est fourvoyé. D’où cela vient-il? Cela vient de ce qu'il s'est mis à écrire, de ce qu'il a entretenu avec des étrangers des commerces de lettres beaucoup trop fréquentes. La Règle est faite pour qu'on l'observe; la transgression entraîne des conséquences bien graves.

“On évitera soigneusement de tenir les étrangers au courant de ce qui se passe dans la maison, tant pour l’administration que pour les détails de la direction. On pourra leur dire néanmoins ce qui sera de nature à les édifier, et à les porter au respect des choses saintes et à l’amour de Dieu” (Const., Art. XXI:6; p. 81).

Le plus grand dissolvant d'une communauté, c'est de mettre les étrangers au courant des choses intimes de la communauté; c'est le moyen le plus terrible d'amener la ruine. Les personnes des communautés ne sont pas les personnes du monde. Une foule de choses ne sont pas comprises par les gens du monde. Les mettre au courant de ce qu'ils ne comprennent pas, c'est s'embarquer dans une série d'embarras, de préventions, de difficultés d’où ensuite l'on ne peut plus sortir. Un petit mot édifiant et qui fera du bien n'entraîne pas ces conséquences désastreuses, cela va de soi, mais en cela même il faut être très discret et parler en général, sans rien de particulier.

“On s’efforcera de suivre les règles tracées par notre Bienheureux Père saint François de Sales, pour la conversation avec les étrangers, où il donne la manière de s’entretenir avec toutes les personnes, suivant leurs qualités et dispositions. (Règlement de Padoue)” (Const., Art. XXII:7; p. 81-82).

C'est le règlement de Padoue, petit chef-d'œuvre de prudence et de sagesse, qui émerveille celui qui l'étudie, quand on pense que notre saint Fondateur n'avait alors que 19 ans et savait alors se tracer des règles si sûres dans sa conduite avec les étrangers. Je ne l'explique pas ici, vous le lirez dans les écrits de notre saint Fondateur.

“En voyage les Oblats choisiront toujours les maisons les plus sûres et les plus convenables pour y demander l’hospitalité; mais s’il y a une maison de leur Ordre, ils ne doivent jamais rien accepter ailleurs que chez leurs frères”  (Const., Art. XXII:10; p. 82-83) 

Le religieux qui va en mission ou ailleurs devra s'entendre auparavant, avec le supérieur, pour savoir où il lui faudra s'arrêter. C’est une question bien importante; il y a tant de corruption maintenant, la morale fait tant défaut, Il y a beaucoup de précautions à prendre quand on voyage.