Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Comment agir avec les gens du monde

Chapitre du 16 février 1887

“Nos œuvres nous obligeant à communiquer avec le dehors, nous aurons habituellement la pensée que nous devons porter avec nous la lumière de Jésus-Christ, sachant que notre extérieur doit prêcher aussi bien et même beaucoup mieux que nos paroles” (Const., Art. XXII:1; p. 79-80). 

Il faut bien nous pénétrer de cette pensée, surtout si nous avons quelque mission à remplir, que nous avons à porter partout avec nous l'esprit de Notre-Seigneur, que nous devons parler et agir comme Notre-Seigneur aurait fait. Quand cette mission est une mission sainte qui s’adresse aux âmes, que nous avons à confesser, à prêcher, il faut porter avec nous ce fonds. C'est ce qui fait le religieux, c'est ce qui fait sa puissance, c'est ce qui donne la grâce à ses paroles, à sa présence. Nous ne nous doutons pas de l'influence qu'exerce un saint religieux sur les âmes fidèles. Toute notre force vient de nos dispositions intérieures, de notre communion avec Dieu.

“Nous éviterons de nous occuper des choses du monde, surtout de nous impliquer dans des questions de mariages, de testaments, etc.” (Const., Art. XXII:2; p. 80).

Il faut bien éviter de s'impliquer dans les choses du monde. Cela ne veut pas dire qu'on ne puisse donner à ses pénitents ou pénitentes quelque indication, quelque renseignement; on peut le faire; mais il ne faut pas entrer, ni s'entremettre dans les questions de mariage, de testament et prendre surtout bien garde aux lettres qu’on pourrait écrire à ce sujet. Quand notre ministère nous appelle à cela, allons avec une extrême prudence. Il est bien rare que ceux que l'on a mariés gardent un souvenir de nous parfaitement bon. A la moindre difficulté, à la moindre discorde, le père un tel est rendu responsable: cela arrive neuf fois sur dix. Les testaments sont chose encore plus grave que les mariages. Si l'on vous appelle pour cela, ne faites pas cela seul: consultez quelque père grave et sérieux, et au courant de ces sortes de choses, consultez surtout le supérieur de la maison et même le supérieur général.

Il faut prendre de très grandes précautions dans toutes ces questions-là. Il faut bien se garder de faire naître ou d'entretenir des dissensions, des divisions dans les familles, il ne faut pas séparer le mari de la femme, ou la femme du mari, les enfants des parents, afin d'accroître son influence et d'entrer dans la maison. Agissons toujours sous le regard de Dieu qui nous recommande la charité. Le ministère du prêtre est un ministère de paix et de conciliation; que ce soit toujours celui de l’Oblat de saint François de Sales. Unissons toujours au lieu de diviser. Et si nous avons quelquefois devant les yeux quelque exemple contraire, que cet exemple fâcheux nous instruise et nous rappelle l’obligation de faire le contraire.

“Personne n'entreprendra d’œuvres importantes, ni ne s'engagera à les soutenir, sans avoir obtenu la permission du Supérieur” (Const., Art. XXII:3; p. 80).

Par œuvre importante, on entend la fondation d'une maison, l'acceptation d'un don pour faire un orphelinat, une œuvre quelconque ou quelque chose de ce genre. Il faut n'agir qu'en suite de l'avis du supérieur, et si la chose en vaut la peine, il faut recourir au supérieur général.

On ne peut engager ni sa personne, ni son matériel, ni sa communauté. Il faut être extrêmement prudent et ne rien faire sans la permission du supérieur, car chacun est susceptible d'être changé, de voir modifier ses attributions et sa charge.

“Personne n'acceptera d'invitation à dîner ou à partager une fête ou une récréation, sans une permission expresse, qui ne pourra être donnée que pour des motifs considérables" (Const., Art. XXII:4; p. 80).

 La pratique là-dessus est bien établie, qu'on continue d’y être fidèle.  Quand on a à sortir de la communauté pour aller dire la messe, il faut bien éviter de prendre un repas et d'accepter ce qu'on offre. Il y a là un péril extrême. Dix fois sur onze les difficultés entre les communautés et les prêtres sont venues à la suite du petit déjeuner qui était servi après la messe.

"On n'entretiendra aucun commerce de lettres avec les étrangers sans permission expresse, et sans avoir mis le Supérieur au courant de cette correspondance" (Const., Art. XXII:5; p.80-81).

Si ce sont des affaires temporelles que l'on a à traiter, cela va de soi; si ce sont des affaires spirituelles, il faut aussi mettre le supérieur au courant, la Règle ne fait pas de distinction. Ce n'est pas à dire que le supérieur devra toujours lire ce qui est dans la lettre, mais il ne faut jamais envoyer sans permission. Ce n'est pas un mal du reste que le supérieur exerce un certain contrôle. Il y a quelquefois un danger très grand dans ces sortes de correspondances faites sans contrôle. J'en ai un exemple bien triste et bien douloureux à l'heure qu'il est. Je n'en dis rien aujourd'hui, peut-être en parlerai-je la prochaine fois. En observant bien cet article de la Règle, on évitera beaucoup de choses extrêmement regrettables.

"On évitera soigneusement de tenir les étrangers au courant de ce qui se passe dans la maison, tant pour l’administration que pour les détails de la direction. On pourra leur dire néanmoins ce qui sera de nature à les édifier, et à les porter au respect des choses saintes et à l’amour de Dieu” (Const., Art., XXI:6; p.81).

Ne mettons pas les étrangers dans la confidence de l'intérieur de la maison, de l’administration matérielle. Entre voisins même quand on entre dans ces détails intimes, la bonne harmonie est bientôt troublée. Ce qui est de nature à édifier, ce qui porte à aimer Dieu, on peut le redire sans doute, mais avec prudence et discrétion.

"On s’efforcera de suivre les règles tracées par notre Bienheureux Père saint François de Sales, pour la conversation avec les étrangers où il donne la manière de s’entretenir avec toutes les personnes, suivant leurs qualités et dispositions. (Règlement de Padoue)” (Const., Art. XXII:7; p.81-82).

Ces règles se trouvent dans le règlement de Padoue et ont été écrites par notre saint Fondateur, alors qu'il était encore tout jeune. Elles témoignent d’une sagesse au-dessus de son âge, qu'il possédait dès lors. Tout ce qu'il écrivait, dès ce temps-là, il ne le tirait pas que de sa cervelle, mais c'était bien certainement le Saint-Esprit qui le lui inspirait.

“Quand le supérieur adjoindra un Oblat à un autre pour l'accompagner, celui qui accompagnera cédera toujours le pas à l’autre et le laissera parler” (Const., Art. XXII:8; p. 82).

Il faut faire cela, quand même le socius serait supérieur à son compagnon par sa situation, son âge. Les personnes témoins de cette réserve en seront édifiées et verront qu'elles ont affaire à des religieux.

“Personne ne demandera à communiquer avec les étrangers ni à sortir, sans dire au Supérieur avec quelles personnes et pour quel motif il désire le faire. De retour à la maison, on lui rendra compte, s’il le juge convenable, de ce que l’on aura fait” (Const., Art. XX:9; p. 82).

Si l'on agissait autrement, il n'y aurait plus de soumission et des abus funestes se seraient bientôt glissés et entraîneraient presque infailliblement la ruine de la vocation. Je n'ai pas encore vu, avec ma vieille expérience, un seul cas de perte de vocation qui ne vînt de là. De ces rapports résulte nécessairement une vocation tout à fait perdue ou tellement amoindrie qu’elle devient pour le prochain une occasion de scandale.