Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Le Directoire

Chapitre du 8 décembre 1886

Que notre âme soit fidèle à se tenir en la présence de Dieu, à travailler en union avec Dieu: voilà notre esprit. Ecouter la parole intérieure de Dieu qui ramène les âmes à lui et la suivre fidèlement, sans rien manquer, en toute justice et toute exactitude, voilà l'esprit complet de notre saint Fondateur. En toute sévérité même, car nous voyons que saint François de Sales était sévère avec ses curés. Il était bon, mais il ne laissait rien passer.  Il  ne voulait pas qu'on omît rien de ses devoirs. Au moment de sa mort, saint François de Sales prophétisa qu'il y aurait autre chose encore que ce qu'il avait fondé. Il vit en esprit que ce qu'il avait établi pour les femmes se répandrait aussi chez les hommes. C'était la réalisation de la prophétie que le Pape Clément avait faite de lui: “Allez, mon fils, buvez des eaux de votre fontaine, et qu'elles se répandent sur les places publiques”. Tenons-y. Voilà pourquoi les Constitutions ne veulent pas que pendant les retraites on se confesse à un autre prêtre; c’est même très délicat de le faire en tout autre temps. Les autres prêtres n'ont pas l'esprit du Directoire. Plus ils seront bons même, plus il y aura de danger pour vous, parce qu'ils vous attireront davantage et auront plus d'influence sur vous, Notre grande manière de diriger les âmes, c'est de pratiquer d'abord notre Directoire, c’est lui qui nous donnera le vrai sens de la direction. Nous pouvons étudier sans doute, lire des conférences, des livres de direction, c’est bien, mais pour avoir le vrai sens pratique, il faut pratiquer le Directoire. Les âmes sentent bien cela et font bien la différence du prêtre qui pratique le Directoire et de celui qui ne le comprend pas. On peut sans doute et on doit avoir des moyens pour grouper les âmes, les amener au bien, et cela est nécessaire puisque l'homme est corps et âme. Il faut faire leur part aux sens. Et alors seulement vous comprendrez saint François de Sales, autrement vous ne serez rien qu’un bon prêtre. Ils croient comprendre la doctrine de saint François de Sales et ils en tirent des conséquences absolument opposées au vrai sentiment du saint. Ils n'ont pas le fonds, et le sens de la doctrine leur échappe. Cet esprit de saint François de Sales se trouve donc seulement dans la pratique du Directoire. Ce n'est pas un motif pour ne pas estimer et vénérer les autres ordres. Nous sommes tous les enfants d'un même Père, et il faut désirer que tous les ordres soient tellement florissants que la France et le monde entier soient sous leur influence bénie, au lieu d'être sous celle des ennemis de Dieu, sous la griffe des francs-maçons. Ne faisons et ne disons donc jamais rien qui puisse être interprété contre quelque ordre que ce soit: ce serait contraire à la charité et à la justice. Mais il faut bien garder notre fonds. Le père de famille partage son champ entre ses enfants; cultivons bien notre part, sans nous occuper des autres et les critiquer s'ils ne font pas comme nous. Il faut bien comprendre cela et nous attacher de toutes nos forces, de toutes nos entrailles à bien maintenir notre esprit.

Vous lirez la Vie de la bonne Mère, vous y verrez ce que doit être notre esprit, notre manière d'être, les vertus qu'elle a pratiquées et que nous devons reproduire. Que tout cela fasse un ensemble, un fonds, comme cela faisait le fonds de la bonne Mère, fonds qu'elle tenait du Directoire. Comme le dit notre saint Fondateur à propos de Mithridate qui s'était habitué à prendre du poison et avait ainsi rendu son corps insensible à toute atteinte vénéneuse, de même nous aussi en nous nourrissant toujours des mêmes choses, en prenant tous la même formation, rien ne pourra jamais nous abattre ni nous détruire. Nous demanderons bien à notre saint Fondateur, à notre sainte mère [Jeanne de Chantal], à la bonne Mère Marie de Sales, de bien comprendre cet esprit, de l'avoir en toutes nos actions, et pour cela de bien pratiquer le Directoire. La bonne Mère a dit bien des fois qu’elle laissait aux Oblats son don, c’est-à-dire le don de bien comprendre et de bien pratiquer ces choses. Elle a dit qu'elle ne l'emportait pas, qu'elle le laissait en héritage. Ceux qui voudront le recueilleront, suivant la mesure de leur bonne volonté et de leur courage. Portons tous en nos âmes ce cachet. C'est le cachet auquel le Sauveur et les âmes nous reconnaîtront.

Nous sommes dans l'Avent. La bonne Mère avait une grande dévotion à ce saint temps. Elle disait que c'était le temps des désirs, le temps de désirer l’esprit du Sauveur. Notre vie toute entière doit être un Avent pendant lequel nous attendons la vue de Dieu, la vision béatifique. Le bon Dieu sait à quelle époque l'Avent finira pour nous. En attendant, prions-le, avec les paroles de désir des patriarches et des prophètes, appelons-le de toutes nos forces à commencer son avènement en nous. Prions la bonne Mère pendant ce temps de l'Avent, invoquons-la plusieurs fois le jour, pour obtenir d'elle ce que nous avons dit aujourd'hui.