Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

La préface au Directoire

Chapitre du 1882 (sans date précise)

“Venez, ô fils de la bénédiction éternelle! et comme il fut dit à Ezéchiel, et au cher bien-aimé du bien-aimé de nos âmes: Venez, tenez, prenez et mangez ce livre, avalez-le, remplissez-en vos poitrines, et en nourrissez vos cœurs: que les paroles d’icelui demeurent jour et nuit devant vos yeux pour les méditer, et sur vos bras pour les pratiquer, et que toutes vos entrailles en louent Dieu. Il donnera de l’amertume à votre intérieur: car il vous conduit à la parfaite mortification de votre propre amour. Mais il sera plus doux que le miel à votre bouche, parce que c’est une consolation nonpareille, de mortifier l’amour de nous-mêmes, pour faire vivre et régner en nous l’amour de celui qui est mort pour l’amour de nous. Ainsi votre très amère amertume se convertira en la suavité d’une paix très abondante, et vous serez comblés du vrai bonheur. Je vous prie, mes fils; ains je vous supplie et conjure, mes fils bien-aimés, soyez forts, fermes, constants, invariables, et demeurez ainsi, afin que rien ne vous sépare de  l’Epoux céleste qui vous a unis ensemblement, ni de cette union qui vous peut tenir unis à lui: en sorte que n’ayant tous qu’un même cœur, et qu’une même âme, il soit lui-même votre seule âme et votre cœur. Bienheureuse l’âme qui observera cette Règle, car elle est fidèle et véritable: et à toutes les âmes qui la suivront, soit à jamais donnée abondamment la grâce, la paix, et la consolation du Saint-Esprit. Amen” (Dir., Préface, p.5-7).

“Prenez et mangez ...”  — Saint François de Sales n'est pas un homme d’imagination: pas d'exagération. Saint Jean et Ezéchiel se servent des mêmes termes.

“Il donnera de l'amertume à votre intérieur ...” — Toutes les règles religieuses tendent au même but par des moyens différents: faire mourir en nous le vieil homme. Les uns arrivent à ce but par la mortification de la chair, le jeûne, en domptant le corps, et ils arrivent vite. Ces ordres austères ont fourni le plus de saints, car la mortification de la chair attire des grâces extraordinaires, grâces de miracles. Aussi les Chartreux, les Barnabites ont-ils donné beaucoup de saints. Dans ces ordres, on arrive au but par un grand coup. Mais ils ne dominent pas par l'humilité et la charité, et ils ne sont pas toujours pas bien sûrs de leur voie, mais, enfin, le but est le même que pour nous.

Donc, le Directoire donne de l'amertume, mais au fond de l'âme il procure une paix surabondante, comme disait sœur Laurent sur son lit de mort — elle avait été alternativement supérieure avec la bonne Mère. Elle ajoutait : "Ce n'est qu'après dix années que j'ai bien compris le Directoire et me suis mise à la pratique”.

“... jour et nuit ...” — Car dans toutes nos actions, même en prenant notre repos, nous devons avoir la pensée du Sauveur, vivant de sa vie, faisant tout en union avec Lui.

“... soyez forts, fermes, constants ...”  — C'est que dans notre vie, il n'y a pas de grands efforts, de grands coups de collier, qui, comme dans certains grands ordres mortifiés, austères, font avancer vite, mais des efforts continuels, de tous les instants. C'est plus difficile, et pour cela il faut un grand courage.

“... invariables ...” — N’ayant pas une manière de faire aujourd'hui et demain une autre. Attachons-nous au Directoire seul, notre vraie et unique voie.

“... n'ayant plus qu'un même cœur ...” — La vie que nous fait pratiquer le Directoire est une vie toute opposée à celle du monde qui ne veut Dieu nulle part. Nous, au contraire , nous mettons Dieu dans toutes nos actions, nous le plaçons partout, voyant tout, comme disait la bonne Mère, à travers Dieu, nos actions à travers Dieu, le prochain à travers Dieu.

“Bienheureuse l'âme qui observera cette Règle ...” — C'est-à-dire, qui tient ce qu’elle a promis à Dieu, car, s’il n'y a pas le Directoire, notre vie est toute ordinaire et il n'y a plus rien qui nous distingue.