Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Obéissance active

Chapitre du 29 mai 1879

Notre Père nous lut le chapitre de la Règle touchant l'obéissance. L'obéissance doit être entière et, suivant saint François de Sales, elle doit être non pas passive, mais active. Le religieux doit s’affectionner à la chose commandée et la faire promptement, joyeusement, amoureusement. Ceci se doit faire, comme dit saint François de Sales, avec la fine pointe de l'esprit, car il nous serait souvent impossible de le faire en la partie inférieure. D'ailleurs, il ne nous est pas dit d'aimer la chose commandée en elle-même et de forcer les ressorts de notre volonté en lui imposant d'aimer ce qu'elle n'aime pas. Mais il faut aimer la chose commandée en tant qu'elle nous est commandée, et par conséquent agréable à Dieu si nous la faisons.

Dans les autres ordres religieux, il est ordonné de soumettre sa volonté à l'obéissance; dans la Règle de saint François de Sales il y a plus. Il nous est ordonné de soumettre notre jugement. Cela paraît bien fort et bien difficile, lorsque nous recevons un ordre contraire à nos vues et à notre sens. Alors on doit se dire: “J'ai résolu de me plier à toutes les obéissances qui me seraient données; donc je me soumets à celle-ci absolument, j'y soumets mon jugement”. Après cela nous vient-il des pensées que la chose a été mal ordonnée, nous détournons ces pensées comme nous faisons des pensées contre la foi ou contre la sainte vertu. Or, il n'est pas bien difficile de se divertir d'une pensée contre la foi, il n'est pas impossible de chasser une pensée contre la pureté. De même un religieux obéissant peut-il bien repousser les suggestions de son propre jugement. Saint Bernard disait que quand nous nous remettons à notre jugement, nous nous confions à un fou. Celui qui s'attache aveuglement ainsi à l'obéissance opérera des miracles, et il y a un grand nombre de faits merveilleux sur ce point.

Un jour, un Père Jésuite apprend par une lettre que son père est à l'extrémité et que lui seul est capable de l'amener à se confesser. Le supérieur cependant dit au religieux: “Vous n'irez pas”. Soumettre son jugement était difficile. Le religieux connaissait son père. D'ailleurs il n’y avait que quelques lieues à faire. Le religieux se soumet malgré tout. Peu après, en disant la messe, il connut par une révélation que son père venait de mourir et était sauvé. En effet une lettre arrive bientôt qui apprend que le père s'était confessé auprès de son curé et était mort dans des sentiments admirables. La mère Marie de Sales disait que, quand l'homme se soumet et s’efface si absolument, ce n'est plus lui qui agit, mais le Sauveur qui prend sa place. Enfin saint Thomas déclare que ces renoncements intérieurs du jugement et de la volonté nous acquièrent une gloire et un mérite égaux à la gloire et au mérite du martyre. Que Jésus, obéissant à la sainte Vierge et aux puissances de la terre, nous apprenne à obéir.