Allocutions

      

Ne pas regarder en arrière

Allocution du 21 novembre 1895
pour plusieurs prises d’habits et entrées au noviciat

Mes enfants, deux d'entre vous vont prendre l'habit religieux, la soutane. C'est le vêtement le plus honorable que vous ne puissiez jamais porter. Les vertus, les talents, le dévouement, le courage n'ont pas trouvé d'abri aussi sûr que la soutane. Qui est-ce qui porte, à l'heure actuelle, dans les pays lointains, la bonne nouvelle aux peuples infidèles et hérétiques? C'est cet homme vêtu de la soutane, c'est le missionnaire. Qui est-ce qui sait donner encore aux âmes découragées une parole d'espérance? Qui est-ce qui veille au chevet des agonisants? Qui est-ce qui console les affligés, les malheureux? Ce n'est pas l'habit du magistrat, du soldat, de l'homme ou de la femme du monde, c'est la soutane, c'est le vêtement religieux. Et si à l'heure qu'il est la science se développe, fait des progrès considérables, si des découvertes notoires sont enregistrées, à qui le doit-on encore? De temps en temps, à ceux qui portent la soutane et, très fréquemment, à leurs élèves. La soutane est donc le vêtement par excellence. Que ce soit pour vous un vêtement d'honneur, de joie, de félicité. En la prenant chaque matin, portez-là à vos lèvres et baisez la respectueusement, en signe d'amour et de reconnaissance.

Deux d'entre vous vont entrer dans la Congrégation; ils vont faire leur premier pas et être reçus novices. Remerciez le bon Dieu, mes amis, car la part qu'il vous fait est une part de privilégiés. Où trouverez-vous en effet un abri plus sûr, une lumière plus claire, une assurance plus entière de la Volonté de Dieu, des moyens plus efficaces de faire du bien, des encouragements plus concluants que dans la maison de saint François de Sales? Si vous voulez être fidèles, vous trouverez là tous les moyens de faire le bien, le grand bien que les Oblats sont appelés à faire. Vous donnerez aux âmes non seulement la foi et l'espérance, mais vous leur communiquerez tous les rayons divins du cœur du Sauveur. Vous les ferez entrer dans son intimité, dans le secret de son amour, et cela par des moyens que vous connaîtrez et dont je ne vous parle pas aujourd'hui parce que le temps presse.

Entrez donc dans cette voie avec courage, avec joie, avec espérance et confiance. Saint Bernard disait à ses religieux: “Pourquoi pensez-­vous? pourquoi cherchez-vous? Est-ce que la Claire Vallée n'est pas la porte du Ciel? Ecoutez à la porte et vous entendrez chanter les anges. Vous entendrez parler le Maître. Il vous fera connaître sa volonté, il vous enseignera ce que vous devez faire”. C'est à vous, mes amis, que s'adressent ces paroles de saint Bernard. Ecoutez-les. Que cette maison soit pour vous l'abri le plus sûr, la garantie la plus infaillible de votre salut. Entrez-y avec courage et ne regardez plus en arrière. Ne faites pas comme la femme de Loth. Toutes les fois qu'un homme, qu'un novice se retourne et regarde en arrière, c'est une femme de Loth! Il s'arrête, il ne progresse plus. Le premier dégel venu, il fond. Le novice n'existe plus! Cela se comprend. Si vous regardez en arrière, si vous regrettez ce que vous avez donné, vous n'avez plus la grâce divine, vous ne marchez plus dans les traces du Sauveur. Continuez donc, mes amis, de marcher avec confiance au nom de Notre-Seigneur. Avancez dans la connaissance de l'amour de Dieu, dans la pratique du sacrifice, et ainsi vous irez de clarté en clarté, de lumière en lumière, de secours en secours, jusqu'à ce que vous arriviez à la perfection de l'amour de Dieu. C'est ce que nous voulons demander pour vous, et c'est ce que vous demanderez vous-mêmes à Notre-Seigneur pendant cette cérémonie.