Allocutions

      

Le joug du Seigneur

Allocution du 21 novembre 1894
pour les vœux perpétuels du Père Siroux et la profession du Père Poisson

Mes chers amis, Notre-Seigneur, s'adressant à ceux qui l'entouraient, leur disait: “Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. Oui, mon joug est léger et mon fardeau léger” (Mt 11:29). Si cette parole est vraie lorsqu'elle s'adresse au commun des chrétiens, à plus forte raison l'est-elle, quand elle s'adresse au religieux, Oui, mes amis, prenez le joug du Seigneur, acceptez son fardeau, et alors vous trouverez que son service est doux, qu'il ne comporte rien de trop pénible. Je vous félicite, vous qui venez demander à Dieu de prendre sur vos épaules ce joug béni. Que d'épreuves, que d'inquiétudes, de déceptions, d'injustices, de calomnies renferme le monde, et que vous ne connaîtrez jamais!

Oh! Que l'on se trompe lorsqu'on regarde la vie religieuse comme une vie pénible! Le bon Maître nous a-t-il donc trompés? S'est-il trompé lui-même? Comment se fait-il que des religieux même jugent leur vie pénible? Qu'est-ce que cela veut dire? Le joug du Seigneur est doux, mais il faut le porter entièrement. Si l'on n'accepte pas généreusement tout ce que le bon Dieu nous envoie, alors, on se blesse, on se fait une part d'amertume dans sa vie: l'âme éprouve du dégoût, de la tristesse. Vous voulez une chose, elle vous échappe. Tel est le sort de ceux qui ne prennent pas entièrement le joug du Seigneur. Vous qui allez contracter les trois grandes obligations de la vie religieuse, acceptez-les de tout cœur. Vous prenez place dans une voiture qui vous mènera bien commodément. Si vous en descendez, ce sera à vous de la traîner: vous sentirez alors la différence. C'est l'image de la vie religieuse.

Laissez-vous conduire par Dieu. Vous vous donnez à lui. Il vous a dit comme à Pierre: “Venez à ma suite, je vous ferai pêcheurs d’hommes” (Mt 4:19). Que sommes-nous? Rien, de pauvres pécheurs qui travaillons lourdement, péniblement, qui traînons notre vie, et vous voulez, ô mon Dieu, nous faire pêcheurs d'hommes! Qu'est-ce à dire? Nous ferons comme vous, comme vous nous passerons en faisant le bien.

Voilà la vie que vous devez mener, la voie que vous devez suivre. Préparez-vous-y bien par l'acceptation entière des vœux. Portez-­les sur votre tête, comme une couronne de gloire. J'insiste pour que vos âmes se donnent entièrement à Dieu, en toute sincérité. Laissez de côté vos inclinations, vos goûts, votre jugement, votre amour-propre, vos défauts. Tout cela, ce ne sont que des misères qui s'attachent à vous et vous empêchent d'avancer. Bénissez le Seigneur, mes amis, car entre toutes les grâces qu'il peut nous faire, il en est une bien grande: il nous donne son amour. Pour nous, il fait jusqu'à l'impossible. Vous êtes un pauvre pécheur, et voilà qu'il vous prend pour son disciple, comme un autre Jean bien-aimé, et qu'il vous dit: “Marche avec assurance”. Celui qui vous appelle, ne vous trompe pas, il vous promet son secours, il vous donne tout ce qu'il est capable de donner: son amour. Dites-lui donc: “Merci, ô mon Dieu, je viens à vous sans jamais me décourager, jusqu'à ce que j'arrive au Ciel pour y chanter l'éternel Alléluia. Oui, Seigneur, je viens à vous, prenez-moi entre vos mains, je me donne tout entier à vous, car telle est ma volonté”.