Retraites 1881 |
Il
y a un psaume dont l'Eglise se sert tant pour les ordinations que pour les
professions religieuses. Ce n’est pas sans une profonde raison, dont une
interprétation du psaume universellement adoptée, et partant très autorisée,
nous donne la clé. C'est le psaume 24 “Qui montera sur la montagne de Yahvé,
et qui se tiendra dans son lieu saint?” (Ps 24:3). Celui qui monte à la
montagne du Seigneur, c'est le prêtre; celui qui se tient, qui demeure, par
conséquent, dans le lieu saint, c'est le religieux. Le prêtre, en effet, après
être monté à l'autel, rentre en quelque sorte dans une vie commune, tandis
que le religieux reste perpétuellement dans l'acte du sacrifice. “L’homme
aux mains innocentes” (Ps 24:4). Il faut bien comprendre en quoi consiste
cette innocence. Cela signifie: celui qui agit par un principe étranger à
soi. C’est ce que fait le prêtre, en ce sens que, quand il consacre, par
exemple, il n’agit pas par sa propre puissance; car, laissé à lui-même,
il n'est qu'un homme. Il agit par la puissance de Dieu. Il est en quelque
sorte étranger à la consécration, en un sens il est innocent de cette
grande action, si on peut employer cette expression. C'est ce que fait, en un
autre sens, le religieux. Il agit par sa volonté sans doute, sans quoi il
serait une machine, mais son acte ne lui appartient pas. Heureux qui est ainsi.
Ne craignons pas que l'obéissance enjambe sur notre volonté. Plus il y aura
de l'obéissance, et moins il y aura de notre volonté, plus aussi notre acte
sera religieux, plus le religieux sera “ l’homme aux mains innocentes”.
Tâchons que l'obéissance occupe le plus qu'il sera possible de l'acte, et si
elle pouvait tout prendre, alors tout serait de Dieu, émanant directement de
la volonté divine, et l'acte produirait des miracles. “L’homme
au coeur pur” (Ps 24:4). Le mot “pur” désigne surtout l'ordre. C'est
l'ordre dans les affections. Il faut que nous aimions, si nous sommes les
enfants de Dieu qui est Charité; mais il faut que l'ordre règne en notre cœur
et que nous aimions tout en son rang. Or, qui fait mieux cela que celui qui
pratique bien son Directoire? Le Directoire n'occupe-t-il pas continuellement
notre cœur selon Dieu, ne lui permettant pas de se distraire à quelque chose
d'étranger, à plus forte raison à quelque chose de coupable? “Il
obtiendra la bénédiction de Yahvé et la justice du Dieu de son salut” (Ps
24:5). Voyons ce que Dieu promet à ce religieux. Il sera comblé des bénédictions
de Dieu, il en recevra miséricorde. Oui, sans doute, voilà pourquoi les bons
religieux meurent dans une paix si profonde. Leur purgatoire sera nul ou de
peu de durée. Ils ont expié leurs fautes par leurs sacrifices. Car nous
avons tous contracté une dette qui doit nécessairement être payée ou dans
cette vie ou dans le Purgatoire. Quand il meurt, ce religieux, les anges le
voient et s’écrient : “Portes, levez vos frontons, élevez-vous,
portails antiques, qu’il entre, le roi de gloire!” (Ps 24:7-9). Ils le
voient, emportant ses bonnes actions toutes renfermées dans l’obéissance,
ils le voient portant un coeur dont les affections sont merveilleusement
ordonnées, ils le prennent pour le Roi de gloire, ils y sont trompés ou plutôt,
ils ne se trompent pas: c’est bien un roi de gloire, couvert de la gloire de
Jésus-Christ. Demandons une plus grande foi dans notre code religieux. Cette
foi nous sauvera. |