Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Sentir tous un même amour

Chapitre du 22  décembre 1897

Désir
à l'imitation de celui de S. Paul
Aux Frères de la Congrégation
“Donc, très-chers Frères, mes fils très-désirés, ma joie et ma couronne, demeurez ainsi en Notre-Seigneur, mes bien-aimés. O Fils des colloques célestes, je vous prie, ains je vous conjure, de sentir tous un même amour, et de vivre tous en un même accord de cette vocation en Jésus-Christ Notre-Seigneur, et en sa Mère Notre Dame. Amen” ((Dir., p. 14-15)

Dans l'Eglise, il y a les grandes lois générales, le Décalogue et les commandements de l'Eglise, le droit canonique, qui marquent les limites qu'il n'est pas permis de franchir. Nous devons les accepter en esprit d'obéissance, d'humilité et de sincère vénération. La bonne Mère avait pour elles un profond respect, une véritable dévotion. Comme elle, nous devons les aimer. Nous devons aimer avec ces lois la théologie qui nous les enseigne. Il nous faut l'étudier non seulement avec notre tête, mais encore avec notre cœur. Quand saint François de Sales subit son examen, devant le Pape, avant son épiscopat, on sentait à ses réponses que c'était avec son cœur qu'il avait travaillé. Cette méthode donne la véritable intelligence des choses. Qu'on puisse donc dire de nous ce qu'on disait de ce théologien troyen: “Il en sort avec une science pieuse et une piété savante” - [“Evadit pie sciens et scienter pius”]. De même qu'on fait chaque action sous la dépendance de Dieu, de même il faut se livrer à l'étude sous son regard, avec un esprit de soumission et d'acquiescement, dans le recueillement, éclairant la science avec la piété. Voilà ce qui fait la différence entre un saint et un savant. Ainsi saint François de Sales aura raison de nous appeler: “Fils des colloques célestes”, puisque notre vocation comporte cette vie intime de notre esprit et de notre cœur avec Dieu. Et comme cela alors éclaire notre intelligence et embrase notre cœur: “C’est peu de briller, et c’est vain de brûler, tandis que c’est parfait de briller et de brûler” - [“Lucere parum, ardere vanum, lucere et ardere perfectum”], disait saint Bernard.

À mon arrivée à la Visitation, je m'étonnais un peu de voir que les grandes lois du christianisme me paraissaient bien un peu reléguées de côté. On n'en parlait guère, mais on parlait sans cesse du Directoire, des Constitutions, des Ecrits. En réfléchissant, je me suis convaincu bientôt que nulle part cependant on ne les observe aussi bien, on ne les accepte dans toute leur ampleur. Tout est fondé là‑dessus.

Mettons‑nous donc sérieusement à l'étude de la théologie. Assurément, il n'y en a pas au monde de science plus belle, de plus capable d'ouvrir à l'esprit de vastes horizons. Il est tel traité , l'Incarnation par exemple, qui passionne. Bellarmin a là‑dessus un ouvrage entier. On passerait volontiers ses nuits à le lire. Notre professeur, M. Sébille, nous disait, sur ce sujet de l'Incarnation, des choses splendides. Et nous étudions notre théologie à la lumière de notre doctrine religieuse: c'est la meilleure. Hier, je voyais, à la réunion du Directoire, un prêtre, assidu jusqu'alors aux réunions des Pères Jésuites: “C'est très beau ce qu'ils disent”, me déclarait‑il, spontanément, “mais l'enseignement des Oblats me semble encore bien préférable. Nous sommes trop peu à en profiter. Il faudrait inviter de nombreux prêtres du diocèse”.
Il sera bon que de temps à autre je vous dise des chapitres de la bonne Mère. Il y a là une telle clarté, une telle profondeur qu'à Rome on est émerveillés. “Quel malheur”, disait un Cardinal au P. Rollin, “de n'être pas capable de comprendre et de pratiquer à fond ces enseignements”. Formez‑vous bien à cette doctrine au noviciat, où tant de pratiques appellent Dieu, sa lumière, ses consolations. Vous y trouverez d'immenses ressources. À la Visitation, cet esprit transformait radicalement les ressources des cœurs qui s'y prêtaient volontiers, si petites que fussent leurs capacités. C'est ce qui faisait dire à Mgr Cœur: “La Visitation, c'est l'aristocratie du ciel”.

Ce qu'on disait de la Visitation, il faut qu'on puisse le dire des Oblats. Mais, vous le savez, ce qui est bon coûte cher. Pour en arriver là, il faut être résolu, il faut être des déterminés.