Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Temps mauvais et bons religieux

Chapitre du 14 janvier 1891

Je reviens bien souvent sur la même pensée: plus les temps sont mauvais, et plus nous devons être bons religieux. Comme chaque ordre naît à l'époque où l'Eglise a le plus besoin de lui, chaque ordre est en opposition complète avec le mal de son temps. Le système actuel est de faire disparaître Dieu de partout, d'empêcher même de le nommer, de n'en jamais parler que pour le blasphémer, d'ôter Dieu de toutes nos habitudes, de nos mœurs, de le faire disparaître de partout. Il faut, à l'encontre de cela, que chez nous Dieu soit partout, que notre vie soit réellement surnaturelle, qu'elle se dirige entièrement du côté de Dieu et du ciel. Notre vie autrement n'aurait pas de sens. Les moyens que nous avons entre les mains sont excellents pour nous faire arriver là. Nous n'avons qu'à les employer, à les faire fructifier. Chaque matin en nous éveillant, en faisant oraison, il faut faire comme une rénovation de nos résolutions, des promesses que nous avons faites au bon Dieu de le servir avec une plus grande fidélité qu'aux jours précédents, de nous donner au bon Dieu sans mesure.

Il n'est pas nécessaire que cette offrande soit faite avec un grand sentiment; nous n'en aurons que plus de mérite. Faisons bien chaque jour une nouvelle consécration, une nouvelle oblation de notre cœur à Dieu. Faisons cette oblation à chaque instant du jour sans discontinuer, mais aussi sans gêne. C'est une habitude à prendre. Le Directoire nous aidera à prendre cette habitude-là, il nous conduira à cette vie d'union, jusqu'à ce que, comme dit notre saint Fondateur, nos âmes soient dérompues et dégourdies et que ce travail un peu pénible du commencement soit changé en disposition d'union, de complaisance. Laissons le bon Dieu tout arranger autour de nous, acquiesçons à Dieu, ou bien, ce qui est encore plus parfait, exerçons-nous à l'amour d'union à la volonté de Dieu, affectionnons-nous à tout ce qu'il veut, tout ce qu'il permet.

Souvent je reviens sur ces choses-là: c'est le fonds de notre existence religieuse. Il faut que chacun se rappelle tous les jours ses bonnes résolutions, et qu'il devienne de plus en plus fort et énergique pour les accomplir. Faites bien cela, je vous en conjure. Le temps presse, les jours sont mauvais, les ennemis de Dieu ont une action incomparable. Les moyens à employer sont ceux que nous a enseignés la bonne Mère. Soyons, pour ainsi dire, tout pénétrés de ces enseignements, vivons-en continuellement. Les préoccupations, les travaux, la besogne peuvent-ils empêcher cette union à Dieu? Nullement. Plus la tentation nous agite, et plus nous devons nous rattacher à Dieu, plus nous sommes envahis, et plus nous devons nous tenir fermement auprès de lui. C'est le moment alors de faire monter vers lui une prière ardente du fond des ténèbres: “Des profondeurs je crie vers toi, Yahvé” (Ps 130:1). Cramponnons-nous au bon Dieu; ne nous laissons pas séparer de lui par quoi que ce soit. Qu'il soit tout à fait à l'intérieur de notre vie, et de cet intérieur-là résulteront des actes extérieurs, bien autrement forts et énergiques que si nous nous reposions sur le vouloir humain. Rien n'est plus fort que l'homme ainsi établi et fondé en Dieu. Il est inébranlable. Ni la vie, ni la mort, ni le péril, ni la souffrance ne peuvent l'en détacher: Dieu est toujours là avec lui.

Prenons la résolution cette semaine de faire tous les matins notre oraison là-dessus, de faire comme une petite revue de notre état intérieur, de nos dispositions, afin de veiller plus fidèlement que le jour précédent, et de rester bien, toute cette journée, unis au bon Dieu. Puis, dans le cours de la journée, nous nous rappellerons qu'il faut tenir parole au bon Dieu. Ce serait une chose excellente même d'en faire la promesse au bon Dieu, d'en faire le vœu pour la journée. C'est ce que faisait notre saint Fondateur, c'est ce que faisait la bonne Mère. J'en ai un certain nombre, de ces vœux écrits de sa main. Elle disait que ces promesses étaient très agréables au bon Dieu, et que si on savait combien il les aime, on en ferait continuellement.

Nous ne pouvons pas pratiquer une vie régulière parfaite, notre vie est très accidentée. Efforçons-nous d'autant plus de correspondre au bon Dieu en toute occasion. Demandons- lui pardon, quand nous nous apercevons que nous ne lui avons pas agréé en quelque circonstance; promettons-lui de lui être plus fidèle. Tout cela vivement, rapidement sans que cela prenne de temps, en laissant l'âme très libre. Que ce soit là notre résolution pour cette semaine. Je vous recommande bien, en disant le Pater: “Que ton Règne vienne” (Mt 6:10), priez pour que ce règne de Dieu arrive, pour que ce ne soit plus Satan qui règne partout, qui gouverne tout. Unissons-nous les uns aux autres par le lien intime de la charité, ne formons qu'un cœur et qu'une âme.

Le Père David se recommande instamment aux prières de la communauté. Ses œuvres vont bien. Il demande du monde, il dit qu'il a besoin d'avoir des saints et des saintes. Il vient de faire une fondation d'Oblates. Soyons bien généreux et fidèles, afin d'obtenir de plus en plus du bon Dieu, qu'il envoie des ouvriers à sa vigne.