Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

L’obligation des Constitutions

Chapitre du 5 novembre 1890

“Le premier devoir des membres, lequel renferme en quelque sorte tous les autres, c'est d'observer avec fidélité les Constitutions de l'Institut, selon la promesse faite par chacun à sa profession” (Const., Art. XXV:1; p. 90).

La promesse faite à la profession engage non seulement l'honneur, mais la conscience. Les vœux obligent. On ne peut pas y manquer sans péché, car la cause de la violation vient toujours d'un fonds répréhensible et coupable. Si c'est pas mépris pour les Constitutions, c'est alors un acte irréligieux et gravement coupable; si c'est par négligence il y a toujours par là-même une certaine culpabilité. Tout bon religieux a grandement à cœur de s'attacher à l'observance, par là seulement il a sa raison d'être, il est quelque chose; sans cela, c'est un être inutile, même dangereux.

“Tous auront ces Constitutions en grand respect, les considérant comme l’expression de la volonté de Dieu à leur égard; et ils se garderont bien de jamais les déprécier ou critiquer, ni entre soi, ni à plus forte raison devant les étrangers” (Const., Art. XXV:2; p. 90-91).

Il est bien certain que tout bon Religieux professe le plus grand respect pour ses Constitutions, pour sa Règle. Voyez les Pères Jésuites, en tout temps, en tout lieu, devant toutes sortes de personnes, ils regardent leur règle religieuse comme quelque chose de très saint, de très sacré, d'inviolable, comme la plus haute expression de tout ce qu'il y a de mieux. C'est l'opinion qu'ils en ont, et l'opinion qu'ils en donnent au dehors. Dans une famille bien considérée, tout membre estime sa famille. Rappelez-vous ce que dit notre saint Fondateur, qu'un enfant aime mieux sa mère que toutes les autres personnes, parce que c'est sa mère. Cet amour est très légitime; il est juste, il est dans l'ordre.

Comment faire pour témoigner cet amour à notre Congrégation, qui est notre mère, qui est notre famille? Le grand moyen, c'est de pratiquer bien fidèlement les Constitutions, c'est d'observer religieusement le Directoire: voilà ce qui nous sanctifie, voilà ce qui montre notre amour et notre attachement. Nous aimerons alors notre Institut, parce que nous en remplirons toutes les obligations. Sinon, nous ne ressentirons que de l'éloignement pour notre Institut. Nous aimons bien ce que nous faisons bien. Un religieux qui parlerait contre ses Constitutions serait très répréhensible: il témoignerait qu'il suit la tentation. Et si c'était devant des étrangers qu'il s'oubliait ainsi, il donnerait l'idée d'un bien triste religieux.

“Les Constitutions n'obligent pas par elles-mêmes sous peine de péché; toutefois, au for extérieur, leur infraction constitue une faute disciplinaire, qui de sa nature, rend passible de correction” (Const., Art. XXV:3; p. 91).

Tout le monde comprend bien cela; dire une parole en soi n'est pas péché; entrer dans une chambre n'est pas péché; s'amuser n'est pas péché; faire une étude au lieu d'une autre n'est pas péché. Mais ce qui peut être péché, c'est le sentiment qui détermine l'acte, soit l'orgueil, soit la paresse, soit la désobéissance. Et comme le vœu d'obéissance oblige sous peine de péché, en résumé il y a une faute de commise. Une occasion prochaine de péché en soi n'est pas péché, mais, en tant qu'occasion de péché prochain, elle devient péché. Dans la vie religieuse, les choses qui sont défendues ne sont pas mauvaises en elles‑mêmes. Si vous n'étiez pas religieux, la plupart vous seraient permises. Mais le motif qui vous fait manquer à la Règle en fait, en pratique, le plus souvent de véritables péchés dont il est bon de se confesser.

Un vrai chrétien n'est tel que quand il remplit tous ses devoirs de chrétien. Les obligations religieuses peuvent être comparées aux obligations de la vie chrétienne, dont elles ne sont du reste que l'expansion. Une branche séparée du tronc ne peut avoir de vie ni de sève. Un religieux ne peut avoir de vertu que lorsque sa volonté est en conformité avec sa Règle. Toute la série des actes de la vie religieuse qui, pris en eux‑mêmes, n'obligent pas sous peine de péché renferme, en eux tous, quelque chose dont l'inobservance constitue un péché.

Je m'explique par une comparaison. Voilà une composition imprimée. Chaque caractère par lui‑même est indifférent et n'a aucune conséquence; mais quand ils sont placés dans leur ordre, l'un ne peut pas manquer sans qu'il y ait une faute, un non-sens, une composition défectueuse. Marchez avec le bon Dieu, avec votre devoir: toujours; pour votre propre compte: jamais. Faites de la théologie pour les autres, oui, appliquez les principes de Saint Liguori, les données du probabilisme; traitez les autres comme cela; mais vous‑mêmes, ne vous traitez pas avec des conclusions trop théologiques.

Ceux qui agissent ainsi sont ordinairement des esprits faux, et qui sont facilement induits en erreur. Voilà la Règle, il faut la faire de tout son cœur. Toute la théologie à employer, la voici: Un seul Dieu tu adoreras, et aimeras parfaitement . Dans l'expérience des âmes, on voit que les gens qui discutent, qui font usage pour eux‑mêmes de leur science théologique n'aboutissent à rien de bon. Conclusion pratique: prenons la Règle, les Constitutions, faisons-les telles qu'elles sont. Ayons bien plus peur de manquer à la Règle que de faire un péché.

Je dis de drôles de choses aujourd'hui, mais ce que je dis est vrai. Un mensonge, c'est un mensonge; on s'en humilie, on s'en confesse, et il est pardonné. Un manquement à la règle, c'est pire qu'un mensonge. Un mensonge, Dieu vous le pardonnera; mais un manquement à la Règle, si vous l'avez fait sciemment si vous le faites habituellement, Dieu ne vous le pardonne pas. Ayez donc soin de vous en accuser, faites-en pénitence, puisque ce sont des fautes plus graves dans leurs conséquences que des péchés. Traitons‑nous en toute vérité, comme nous le méritons. “En ce temps-là, je fouillerai Jérusalem aux flambeaux” (So 1:12). Je visiterai la Jérusalem de mon âme, la lumière à la main, dans tous ses petits recoins.

Je vous fais ce matin cette sortie, parce que je remarque que n'importe qui, en quelque position qu'il se trouve, s'il n'est pas sincère avec lui‑même et avec Dieu, fait de la mauvaise besogne. Quand on vient discuter avec Dieu s'il y a un péché, s'il n'y a pas un péché, on va à des conséquences désastreuses. Prenons donc la Constitution telle qu'elle est bonnement, simplement. Ce qui doit bien nous encourager encore à pratiquer les Constitutions et à nous attacher à la Congrégation, c'est le sentiment universel de tous ceux qui communiquent avec nous, qui lisent la vie de la bonne Mère. Il m'arrive des témoignages continuels extrêmement caractérisés, de cette sainte avidité de marcher dans l'esprit de la bonne Mère, de connaître les Oblats, de suivre leur doctrine. Ne laissons donc pas languir en nous le don de Dieu: “N’éteignez pas l’Esprit” (1 Th 5:19). Ne laissons pas éteindre la lumière.