Chapitres pour les Oblats 1873-1899

      

Les vertus des jeunes

Chapitre du 31juillet l889

Un mot encore sur la manière de diriger les âmes selon les pensées et méthodes de notre bienheureux père,saint François de Sales. Dans la direction des œuvres, dans la direction des âmes, il ne faut jamais donner raison à un inférieur contre son supérieur, à une religieuse contre sa maîtresse, à un fils contre son père, à une fille contre sa mère, à une femme contre son mari. Il faut que toute chose reste dans l'ordre.

“Dans les œuvres, on se dirigera quant au but et aux moyens selon le plan de notre bienheureux Père, voulant faire et conserver des chrétiens sincères, généreux, forts dans la foi, fondés dans le détachement d’eux-mêmes, dans l’humilité et la mansuétude chrétiennes” (Const., Art. IX:1; p. 39).

Il faut s'appliquer à recommander aux jeunes gens, aux jeunes filles, surtout les vertus que nous indiquent les Constitutions, d'après saint François de Sales.

D'abord la sincérité. Être sincère, c'est être vrai, avec Dieu d'abord, vrai avec soi-même, vrai avec le prochain. Dans nos rapports avec Dieu, toujours bien vrais: que notre conscience soit bien droite. Nous ne devons pas nous gâter et nous flatter nous-mêmes. Toutes les fois que nous sommes mécontents, que quelque chose a été de travers, au lieu de murmurer et de nous plaindre, demandons-nous d'abord: “Comment ai-je fait mon Directoire?” Quand les affaires ne marchent pas comme nous le désirons, notre premier sentiment doit être de prendre garde à nous-mêmes: “Ai-je vraiment le droit de me plaindre?” Mettons-nous bien toujours dans le vrai, dans l'ordre avec Dieu. “Ai-je accompli la loi? Comment l'ai-je accomplie?” Le reste viendra ensuite.

Sincérité avec le prochain: jugeons-nous déjà sévèrement et ne jugeons pas notre prochain: "Et toi qui es-tu pour juger le prochain?” (Jc 4:12). Commencez par faire ce que vous avez à faire. à faire. Faites-vous justice à vous-mêmes, avant de vouloir faire justice aux autres: "Tout homme n’est que mensonge” (Ps 116:11). Prenez garde de vous mentir à vous-mêmes d'abord et puis ensuite de mentir et de vous tromper en jugeant les autres.

La sincérité engendre la paix parce qu'avec elle tout est dans l'ordre. Enseignez bien cette doctrine-là, apprenez bien aux jeunes gens cette sincérité qui leur fera aimer et pratiquer ce qui est équitable, ce qui est dans l'ordre, à respecter toujours l'autorité, comme nous le disions tout à l'heure, quels que soient ses actes. Si un père a mauvaise influence sur son fils, rappelez à ce dernier ses devoirs; faites-lui comprendre que son père a agi par ignorance, qu'il a eu de bonnes intentions, qu'il faut, tout en se tenant en garde contre sa fâcheuse influence et ses conseils, toujours l'aimer et le respecter. Il faut être généreux. On est généreux , quand on sait sacrifier à l'obéissance et à la charité ses goûts, ses opinions. Il s'agit d'un service à rendre, d'un peu de bien à faire, ne pensons pas à nous-mêmes, dévouons-nous pour le prochain. Salomon demandait à Dieu un cœur large comme la mer, c’est-à-dire un cœur généreux au service du prochain. Tâchons de l'avoir, nous, ce cœur large comme la mer.

Il faut être forts dans la foi. La foi est un don surnaturel qui vient donc directement de Dieu. Il faut que nous l'ayons nous-mêmes d'abord. Le prêtre doit avoir la foi plus que tout autre, afin de pouvoir la communiquer aux autres. Faisons comme la bonne Mère; mettons dans notre vie et dans toutes nos actions cette foi confiante qui lui faisait répéter sans cesse. “Je me fie à vous, mon Dieu”. Pour être fort dans la foi, il faut être instruit, il faut savoir la sainte Ecriture et l’histoire. L'histoire, en effet, tout aussi bien que l'Ecriture, est la base de la foi. L'histoire du peuple de Dieu nous montre l'action de Dieu sur la terre, son amour et sa providence. Demandons souvent au saint autel cette foi forte et pratique; demandons-la dans nos oraisons du matin et dans nos oraisons du soir, aux pieds du Très saint sacrement.

Le détachement de soi, qui vient ensuite, s'obtient par l'attachement à Dieu. Le grand moyen de se quitter soi-même, c'est de se donner tout entier à Dieu. Quand vous vous apercevez que vous tenez trop à votre jugement, faites des pratiques d'amour de la volonté de Dieu manifestée par l'obéissance. Détachez-vous bien de vous-mêmes, afin de pouvoir enseigner ce détachement aux autres.

L'humilité: prenons l'exemple de Notre-Seigneur pour nous encourager dans la pratique de cette vertu et confions-nous en sa grâce. La pratique de l'humilité consiste à accepter ce qu'il y a d'humiliant dans la vie: les humiliations qui se rencontrent. La méditation de la vertu d'humilité, c'est bon, c'est beau; mais la meilleure oraison et la plus pratique c'est de mettre la main à la pâte et de s'exercer à bien accepter, une à une, chaque humiliation que nous rencontrons.

Une dame reçut un jour de son confesseur l'obéissance de faire oraison sur la patience. La bonne dame fit une si belle oraison qu'elle en fut touchée jusqu'aux larmes. Sa bonne vint la déranger malencontreusement deux fois au milieu de ces élans d'amour pour la patience. La dame, indignée de cette importunité, se lève de son prie-Dieu et vient administrer un soufflet à la maladroite pauvre fille. Faisons nos oraisons sur l'humilité d'une manière plus pratique, en acceptant bien les humiliations qui ne manquent jamais.

Enfin la mansuétude chrétienne, laquelle ne s'acquiert qu'à force de travail. On ne peut pas apprendre aux autres un métier qu'on ne connaît pas soi-même.

Nous sommes en vacances, mes amis, nous devons nous délasser dans le bon Dieu. Pour les Frères, le règlement est à peu près le même que pendant l'année: la nécessité des vacances ne s'impose pas au travail manuel, comme au travail de l'étude. Que les Pères ne perdent pas leur temps. Qu'ils étudient en particulier, qu'ils préparent leurs classes de façon à avoir à la rentrée une partie de leur besogne faite. Un professeur qui enseigne sans goût communique son dégoût à ses élèves. Or pour faire la classe avec goût, il faut qu'elle soit bien préparée; il faut qu'on possède bien son sujet. Je recommande aux prières de la Congrégation notre nouvelle mission de Naxos. La Propagande est revenue à la charge, après plusieurs années; et, ce qu'elle ne fait jamais, elle nous a presque commandé de nous charger de cette œuvre. Pourquoi? Ce ne sont pas nos œuvres qui lui donnent cette confiance, puisque nous n'avons encore rien fait. Mais la Propagande, mais Rome a foi que nous travaillerons dans l'esprit de saint François de Sales, dans l'esprit de la bonne Mère Marie de Sales, elle attend cela de nous. Efforçons-nous de justifier la confiance de la sainte Eglise.